Après la prison, le livre
Sarkozy, futur allié de Jordan Bardella, ça se précise...

Le «Journal d'un prisonnier» de l'ancien président français est publié ce mercredi 10 décembre. Sur le plan politique, il contient une révélation: «Sarko» mise désormais sur un nouveau champion. Et si c'était Jordan Bardella?
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Le jeune président du Rassemblement national est ce que Nicolas Sarkozy fut: un pur politique qui bouscule tous ses ainés.
Photo: AFP
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Richard WerlyJournaliste Blick

Nicolas Sarkozy a beaucoup prié en prison. C’est ce qu’il écrit, noir sur blanc, dans son «Journal d’un prisonnier» (éd. Fayard), publié ce mercredi 10 décembre, et ce qu’il répète dans un long entretien accordé au journaliste Franz-Olivier Giesbert, pour l’hebdomadaire «Le Point».

L’ancien président français, dans les deux cas, se montre plus apaisé. Il évite de repartir à l’assaut de la justice française, à quelques mois de son procès en appel dans l’affaire des fonds libyens, qui se tiendra en 2026. Il faut dire, rappelons-le, que l’ex-locataire de l’Elysée est en liberté conditionnelle. Il est sorti de détention le 10 novembre, après avoir été incarcéré le 21 octobre à la prison parisienne de la Santé, dans un quartier d’isolement. Il n’en demeure pas moins condamné à cinq ans de prison ferme pour «association de malfaiteurs» et placé sous contrôle judiciaire strict.

Un journal très politique

La vraie nouveauté contenue dans ce livre est toutefois politique. Elle s’est répandue dans les médias français dès ce week-end, lorsque les bonnes feuilles du Journal d’un prisonnier ont commencé à circuler: Nicolas Sarkozy est désormais prêt à discuter avec le Rassemblement national. L’ancien président a des mots sympathiques pour Marine Le Pen, avec laquelle il a dialogué au téléphone durant son incarcération.

Il reconnaît avoir «bien échangé» avec Jordan Bardella, qu’il avait reçu en juillet dans son bureau parisien. Mais surtout, «Sarko» assassine son camp politique, à savoir la droite traditionnelle. Le vainqueur de la présidentielle de 2007 (celle que, selon le tribunal, des fonds libyens ont permis de financer en partie) ne croit plus aux chances de cette droite. Il ne veut plus entendre parler de «front républicain» pour faire barrage, comme aux législatives de 2024, au Rassemblement national (droite nationale populiste). L’ancien maire de Neuilly est donc prêt au dialogue. Voire plus…

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La cible de l’ex-prisonnier «Sarko» est connue: Jordan Bardella. A 30 ans, le jeune président du RN, eurodéputé et président du groupe des Patriotes au Parlement européen, a tout pour lui plaire. Il est, comme lui, fils d’immigré (Bardella a un père italien, Sarkozy un père hongrois). Il vient, comme lui, de Paris (Bardella a grandi à Saint-Denis, Sarkozy vient de l’ouest de la capitale). Tous deux n’ont connu que la politique (Sarkozy est avocat, mais il est devenu maire de Neuilly-sur-Seine à 28 ans; Bardella est militant RN depuis l’âge de 15 ans). Plus important encore: tous deux ne sont pas issus de l’élite républicaine formée dans les «grandes écoles». Ils n’ont pas de diplômes «en or». Et ils ne vivent que pour la conquête du pouvoir.

Bardella plutôt que Le Pen

Pourquoi Bardella plutôt que Marine Le Pen, pourtant saluée dans son Journal d’un prisonnier pour ses mots sympathiques envers Carla Bruni, l’épouse de Nicolas Sarkozy? Parce que «Jordan» et «Nicolas» font la paire. Tous deux sont les vedettes de la maison d’édition Fayard, du groupe Bolloré, devenue le porte-étendard des voix réactionnaires en France.

Le second a en outre besoin de s’émanciper de la famille Le Pen, même s’il jure sans cesse sa fidélité à sa patronne. Bardella est par ailleurs en pole position pour la présidentielle, si Marine Le Pen devait renoncer en raison d’une nouvelle condamnation à une peine d’inéligibilité à l’issue de son procès en appel pour détournement de fonds publics du Parlement européen, de janvier à mars 2026. Pas besoin d’autres arguments: Nicolas Sarkozy a la boîte à outils. Il a gagné une présidentielle. Il avait su, à l’époque, siphonner les voix de l’extrême droite pour être élu face à Ségolène Royal. Il a été ministre de l’Intérieur. Il connaît tous les rouages des Républicains, le parti successeur du RPR de Jacques Chirac, puis de l’UMP.

Il y a encore mieux: Nicolas Sarkozy peut sans doute espérer davantage de contreparties de Jordan Bardella si ce dernier accédait à l’Élysée. Marine Le Pen, elle, a des comptes à régler avec l’ex-président. Elle sait que «Sarko» la considère incompétente, car il l’a beaucoup dit publiquement. Son dauphin, lui, n’a rien à craindre. Sarkozy adore jouer les «parrains». Il a aimé distiller ses conseils à Emmanuel Macron et s’avoue déçu, dans son livre, que celui-ci n’en ait pas tenu compte.

L’ancien chef de l’Etat a besoin de rester dans les rouages du pouvoir. Il rêve d’une résurrection politique en «sage» de la République, ce qui serait un comble après ses condamnations multiples, qu’il continue de dénoncer en proclamant son innocence. Mieux: le fils de Nicolas Sarkozy, Louis, candidat aux prochaines municipales à Menton (Alpes-Maritimes), a un discours presque similaire à celui de Jordan Bardella. Alors, l’union des nouvelles générations?

Un avertissement

Le «Journal d’un prisonnier» de Nicolas Sarkozy a d’abord valeur d’avertissement politique pour ceux qui savent le lire entre les lignes. Puisque l’électorat de droite en France est déboussolé, l’ancien président croit qu’il peut encore faire la différence. A Jordan Bardella, maintenant, de se montrer ou non intéressé.

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