Il est difficile de ne pas prendre Nicolas Sarkozy en sympathie à la lecture de son «Journal d’un prisonnier», à paraître le 10 décembre. Comme il a toujours su le faire, l’ancien président français, en liberté conditionnelle depuis le 10 novembre, sait montrer de lui une facette peu connue. Le «Sarko» politique s’est fait une réputation de hussard. Il a toujours forcé les portes du pouvoir, au fil de sa carrière qui l’a conduit jusqu’au palais présidentiel de l’Elysée, de mai 2007 à mai 2012. Or voici que le lecteur découvre, dans les 250 pages de ce livre officiellement largement écrit en prison, au stylo, un homme seul, inquiet, avant tout désireux de retrouver dès que possible sa famille pour rompre l’isolement de la détention.
Le problème est que Nicolas Sarkozy adore écrire cela. On le sent au fil des pages. Plus on avance dans ce texte que beaucoup de journalistes ont reçu par la bande, en version PDF, sans le solliciter auprès de l’éditeur, plus l’on commence à flairer la stratégie. Trois semaines de détention? Non, plutôt trois semaines de recueillement et de réflexion personnelle. Nicolas Sarkozy avoue qu’il a prié, qu’il a discuté avec l’aumônier, qu’il a sympathisé avec ses gardiens, pour la plupart originaires des territoires français d’outre-mer. Exit le Sarkozy qui intimait l’ordre aux jeunes des banlieues de se calmer, après avoir promis de nettoyer certains quartiers au Kärcher. À 70 ans, l’ex-chef de l’Etat se mue en sage. Mais est-ce vraiment crédible?
Vivre en accéléré
On sait que Nicolas Sarkozy, longtemps, a voulu tout vivre en accéléré. Sa carrière politique a défilé version TGV. L’homme a 28 ans lorsqu’il remporte, à la surprise générale, la mairie de la très cossue ville de Neuilly-sur-Seine, à l’ouest de Paris. Deux ans de moins que celui dont certains affirment qu’il ne refuserait pas d’être le conseiller de l’ombre: Jordan Bardella, trente ans, président du Rassemblement national et favori pour la prochaine présidentielle. Mais dans ce livre, tout va lentement. Nicolas Sarkozy, pour une fois, ne se contemple pas lui-même. Il regarde autour, il évalue. Il décrit le décor: «Je fus frappé par l’absence de toute couleur. Le gris dominait tout, dévorait tout, recouvrait toutes les surfaces», écrit l’ancien président de la République. Quelques minutes plus tard, le voici dans sa cellule, agenouillé devant son lit au matelas particulièrement dur. Après avoir bien disposé les draps…
«Je suis resté ainsi de longues minutes. Je priais pour avoir la force de porter la croix de cette injustice», poursuit Nicolas Sarkozy, qui continue de clamer son innocence. Là aussi, l’alibi est parfait. La détention lui permet de se présenter comme victime, même si la Cour de cassation vient, le 27 octobre, de confirmer son jugement dans une autre affaire de financement électoral: l’affaire Bygmalion. «Sarko», rappelons-le, s’est retrouvé pendant trois semaines à la prison parisienne de la Santé après avoir été condamné, en première instance, à cinq ans de prison ferme pour association de malfaiteurs dans l’affaire des fonds libyens présumés avoir servi à financer sa première campagne présidentielle de 2007. Il a aussitôt fait appel et sera jugé à nouveau du 16 mars au 3 juin par la Cour d’appel de Paris.
Journées de solitude
Nicolas Sarkozy adore écrire cela: ses journées de solitude, sa peur à entendre les cris des détenus, ses inquiétudes. «Je donnais les feuilles à mes avocats, qui les donnaient à ma secrétaire pour les mettre au propre. J’ai écrit d’un seul jet et, après ma libération, un lundi, j’ai terminé le livre dans les jours suivants», se justifie-t-il. Il fallait que je réponde à cette simple question: «Mais comment en suis-je arrivé là? Que je m’interroge sur cette vie si étrange que la mienne, qui m’a fait passer par tant de situations extrêmes.»
Emmanuel Macron fait l’objet de commentaires amers. Marine Le Pen, qui lui a téléphoné, est saluée pour sa courtoisie. Chez Nicolas Sarkozy, tout reste politique. La prison aura été la seule fois où il fait campagne sur l’humilité.