Nicolas Sarkozy, 70 ans, est ressorti de la prison de la Santé avec un atout maître: le récit de sa possible rédemption judiciaire et politique. Et c’est sur cet atout qu’il entend miser en publiant, à la surprise générale, un livre sur ses vingt jours de détention, entre le 21 octobre et le 10 novembre.
Son «Journal d’un prisonnier» sortira le 10 décembre aux Editions Fayard, une marque désormais spécialisée dans la publication d’auteurs de droite. Son best-seller actuel est ainsi «Ce que veulent les Français», le second livre du jeune président du Rassemblement national, Jordan Bardella.
Pourquoi s’empresser de publier un livre? Et que va dire Nicolas Sarkozy dans cet ouvrage écrit au fil de ses vingt journées de détention, à l’isolement, avec toutefois deux policiers installés à ses côtés?
L’ex-Chef de l’Etat, condamné à 5 ans de prison ferme avec exécution immédiate de sa peine pour «association de malfaiteurs» dans l’affaire des présumés fonds libyens de sa campagne présidentielle de 2007, n’a pas été un détenu comme les autres.
Il n’a jamais côtoyé d’autres prisonniers, sauf en route vers le parloir où lui rendait visite, presque chaque jour, son épouse Carla Bruni. Il effectuait son heure de promenade seul. Il disposait d’une cellule individuelle récemment refaite, puisque la prison parisienne de la Santé a été récemment réhabilitée et rénovée.
Réponse avant tout politique
La réponse à cette question est avant tout politique. Certes, «Sarko» a des choses à raconter, lui a expérimenté les nuits en prison, les cris des détenus, la solitude propre à l’incarcération, et sans doute la peur de ne pas être libéré à sa première demande d’élargissement (ce qui a été le cas le 10 novembre). Mais l’ancien président continue surtout de combattre pour que l’opinion publique croît à son innocence.
A chaque fois, dans les médias, Nicolas Sarkozy se dit innocent. Condamné définitivement en décembre 2024 (après un pourvoi en Cour de cassation) à trois ans de prison pour «corruption et trafic d’influence» dans l’affaire dite des écoutes téléphoniques, il a dû porter un bracelet électronique à la cheville lors du débat de son procès en première instance dans l’affaire des fonds libyens, qui s’est tenu de janvier à mars 2025. Il a déposé un recours devant la Cour européenne des droits de l’homme.
L’important, pour Nicolas Sarkozy, est dès lors de ne pas quitter l’avant-scène politique. Il sait, bien sûr, que ses interventions et sa dénonciation de la justice, lui valent l’inimitié de nombreux magistrats. Il sait aussi que son activisme pourrait peser lourd lors de son procès en appel de l’affaire des fonds libyens, qui s’ouvrira en mars prochain, et dans lequel deux prévenus basés à Genève ont été condamnés aussi à une peine de prison ferme: l’intermédiaire Alexandre Djouhri (toujours incarcéré) et le banquier Wahib Nacer (remis en liberté en raison de son âge).
La partition du pouvoir
Sauf que Sarkozy joue une autre partition: celle du pouvoir. Il a conseillé Emmanuel Macron. Il a reçu le jeune président du RN Jordan Bardella, en pole position pour être candidat à la présidentielle de mai 2027 si Marine Le Pen en est empêchée par la justice à l’issue de son propre procès en appel (pour détournement de fonds du Parlement européen) dont le jugement sera connu avant l’été 2026.
Raconter sa détention, c’est attiser la curiosité du public. Un peu comme s’il était le personnage dont il a emmené avec lui les aventures dans sa cellule: le comte de Monte Cristo.
L’autre intérêt de Nicolas Sarkozy, avec ce livre, est de cultiver sa réputation de battant, de combattant politique et judiciaire inoxydable alors que l’un de ses fils, Louis Sarkozy, sera candidat en mars 2026 pour les municipales à la mairie de Menton (Alpes Maritimes).
«Sarko imprime sa légende. A-t-il dans l’idée d’en faire un scénario de film? Possible», confie à Blick un de ses anciens conseillers. Dans le passé, lorsqu’il connut une «traversée du désert» après avoir soutenu en vain la candidature présidentielle d’Edouard Balladur contre son ex-mentor Jacques Chirac (élu en 1995), «Sarko» avait écrit le scénario d’un téléfilm, «Leclerc, un rêve d’Indochine». Il collabora aussi, sous un nom de plume, au quotidien économique «Les Echos».
Détention brutale
La prison a-t-elle changé Sarkozy? «Sa détention l’a obligatoirement marqué. Elle a été beaucoup plus brutale qu’on le croit. Il s’est retrouvé face à lui-même», confie l’ex-homme d’affaires Pierre Botton, condamné et incarcéré dans les années 1990 pour «abus de biens sociaux», et jadis proche de l’ex-maire de Lyon Michel Noir.
La rédemption par la case prison? L’ancien locataire de l’Elysée (2007-2012), premier président de la République a être incarcéré, se place en tout cas sur un créneau pour lequel il n’a aucun rival.