Le pays sera bloqué
La France en révolution? Rendez-vous le 10 septembre

Leurs tracts sont partout. Les réseaux sociaux débordent. L'appel à bloquer la France le 10 septembre prend une ampleur inédite. Et si le pays entier se retrouvait ce jour-là complètement paralysé par les nouveaux Gilets jaunes?
Publié: 06:30 heures
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Dernière mise à jour: 06:34 heures
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C'est la relève des Gilets Jaunes: revenir sur le devant de la scène 7 ans après le grand mouvement de 2018.
Photo: AFP
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Richard WerlyJournaliste Blick

Mais qui sont-ils? Pour l’heure, leur seul visage se résume à une date: le mercredi 10 septembre. Ce jour-là, la France sera bloquée. Paralysée. Transformée de nouveau en brasier social, comme à l’époque du mouvement des Gilets jaunes de l’hiver 2018-2019. Un fantasme alimenté par les réseaux sociaux? A voir, car le mouvement du 10 septembre est pris très au sérieux par le gouvernement.

Tout est parti d’un mot d’ordre: tout bloquer, rester chez soi, ne pas consommer. Ce slogan a été lancé par une coordination de mouvements sociaux. On retrouve dedans des syndicats, comme la CGT et Force Ouvrière, tous deux très présents dans la fonction publique. On trouve aussi des collectifs plus spontanés, comme «Indignons-nous», un regroupement d’associations inspirées des Gilets jaunes qui, il y a sept ans, le 1er décembre 2018, montèrent sur Paris pour prendre d’assaut les Champs Elysées et l’Arc de Triomphe, avant de tenter une descente vers le palais présidentiel de l’Elysée.

Pétition et colère

Une pétition circule en ligne, lancée par la plateforme «Les lignes bougent.org». Son titre? 10 septembre 2025: bloquons tout, ils ne nous laissent plus le choix. Et voilà qu’un renfort de poids vient de se rajouter: la France insoumise, le parti de gauche radicale dirigé par Jean-Luc Mélenchon.

Si vous voulez vous rendre en France à cette date, prenez garde: le pays risque d’être paralysé. C’est du moins la promesse de l’un des collectifs les plus actifs sur les réseaux sociaux. Exemple: le groupe «Les essentiels» qui propose «un confinement populaire» et jure «qu’avec 3,5% de la population française, on peut renverser la table». L’autre collectif, «Indignons-nous», est surtout actif sur la messagerie Telegram et dans tous les lieux très fréquentés comme les parkings de centres commerciaux où ses militants distribuent des tracts à gogo.

Contre les économies budgétaires

L’objectif de ces activistes est plus politique: ils veulent que le Premier ministre François Bayrou remballe son projet de budget pour 2026, assorti de 44 milliards d’euros d’économies. Pas question d’accepter, malgré une dette publique de 3300 milliards d’euros (un record historique), de fermer le robinet des dépenses de l’Etat, de la sécurité sociale et des collectivités locales…

Pour le gouvernement, le test s’annonce risqué. Une session extraordinaire de l’Assemblée nationale devrait se tenir à partir du 22 septembre, donc douze jours après le blocage du pays, pour entamer les débats sur le prochain projet de loi de finances. «Budget de l’Etat et de la Sécurité sociale, programmation pluriannuelle de l’énergie, réforme de l’audiovisuel public… La rentrée parlementaire s’annonce cette année particulièrement mouvementée, avec le risque de la censure qui plane sur l’avenir du gouvernement», note La Chaîne parlementaire.

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L’automne sera chaud

L’automne sera donc chaud, surtout sur les questions budgétaires. La première partie de la loi de finances sera examinée du 14 octobre au 20 octobre. Or si le mouvement du 10 septembre a fait le plein, les partisans d’une austérité (pourtant indispensable) risquent de fondre comme neige au soleil dans l’hémicycle, où le gouvernement n’a pas de majorité depuis les élections législatives de juin 2024, à la suite de la dissolution de l’Assemblée nationale décidée par Emmanuel Macron.

Et si c’était un flop? Une menace sociale grossie par les réseaux sociaux? Possible selon Stéphane Sirot, historien du syndicalisme, interrogé par le quotidien «L’Opinion». «Il est difficile de prédire l’impact de ce type d’initiative, explique-t-il. Il se peut que le jour J, la mobilisation soit décevante. Sauf qu’aujourd’hui en France, des éléments conjoncturels s’entrechoquent et peuvent donner un caractère explosif: le budget Bayrou, l’absence de précisions sur les efforts attendus des plus aisés, l’accumulation de ressentiments… Personne ne contrôle vraiment la situation.»

Impopularité record

Personne? En tout cas pas l’Exécutif, marqué par une impopularité record. Emmanuel Macron, très présent sur le front international, est le premier visé. Selon l’Institut Elabe, 73% des Français affirment ne pas lui faire confiance et 49% d’entre eux disent ne «pas du tout» lui faire confiance, un chiffre en hausse de 6 points, proche de son impopularité record de décembre 2018, au plus fort de la crise des Gilets jaunes.

Idem pour François Bayrou, devenu le Premier ministre le plus impopulaire de ces dernières décennies, avec 12% d’opinions favorables. Pas simple, dans ces conditions, de demander aux Français de faire des efforts et de se serrer la ceinture. Surtout lorsque le gouvernement peut, à tout moment, être acculé à la démission par l’adoption d’une motion de censure, si les oppositions (de la droite nationale-populiste à la gauche radicale) se coalisent et votent ensemble.

Le blocage du 10 septembre sera le premier test. Il démontrera si le pays «réel» adhère à la nécessité des réformes que les chiffres rendent pourtant incontournables. Ou s’il préfère «renverser la table» à la manière française: révolutionnaire…

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