Le podcast qui floppe
Allô, les Français? François Bayrou parle (et personne n'écoute)

Le Premier ministre français vient de lancer son premier podcast vidéo pour convaincre ses compatriotes de la nécessité de réformer le pays. Bayrou est seul devant la caméra. Et ça ne marche pas vraiment...
Publié: 06.08.2025 à 15:20 heures
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Le Premier ministre François Bayrou ambitionne d’expliquer ses mesures de coupes budgétaires présentées le 15 juillet dernier aux Français et Françaises.
Photo: AFP
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Richard WerlyJournaliste Blick

Parler à ses compatriotes «les yeux dans les yeux». Et, surtout, s’efforcer de les convaincre que ses propositions d’économies budgétaires de 43,8 milliards d’euros sont indispensables pour redresser la France! Telle est la mission que François Bayrou espère remplir avec son nouveau blog vidéo. Comme si, au beau milieu des vacances d’été, la parole d’un chef de gouvernement crédité seulement de 11% d’opinions favorables dans les derniers sondages, pouvait être entendue et faire la différence…

Sur place ce mercredi 6 août dans le département de l'Aude où les incendies ont déjà dévoré 13'000 hectares, le Premier ministre centriste français croit donc au miracle. Alors que sa recette, si l’on regarde la première vidéo postée sur les réseaux sociaux, semble sortir tout droit d’un très vieux livre de cuisine médiatique. Face caméra, François Bayrou parle, parfois de façon hésitante. Pas d’infographies animées. Pas d’échange avec un intervieweur ou un influenceur, comme Emmanuel Macron l’a fait à plusieurs reprises, en brisant les codes présidentiels.

Comparaison historique

Bayrou a d’ailleurs une référence qui ne dit pas grand-chose à la jeunesse: il se compare à Pierre Mendès France, le chef du gouvernement français du 18 juin 1954 au 5 février 1955, soit il y a pile 70 ans! Pourquoi? Parce que ce social-démocrate brièvement au pouvoir est resté comme un grand réformateur, qui parvint à faire la paix en Indochine avec la conférence de Genève et l’accord qui en résulta, le 21 juillet 1954.

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Un miracle: c’est en effet ce dont François Bayrou, 74 ans, a besoin pour survivre à son poste de Premier ministre, qu’il occupe depuis le 13 décembre 2024. Rappel: ce centriste historique, trois fois candidat à la présidence de la République, et rallié à Macron depuis sa campagne victorieuse de 2017, n’a pas de majorité à l’Assemblée nationale où les oppositions réunies (de la droite nationale populiste à la gauche radicale) peuvent à tout moment le renverser en votant une motion de censure. C’est ainsi qu’est d’ailleurs tombé son prédécesseur Michel Barnier, le 4 décembre 2024, après moins de trois mois à la tête du gouvernement. Or depuis les annonces budgétaires du 15 juillet, et vu que 72% des Français disent dans les sondages leur refus de se serrer la ceinture, le même sort menace Bayrou le réformateur.

Leader courageux et pédagogue

Pourquoi, dès lors, s’exprimer de cette façon et au milieu de l’été? Pourquoi risquer la gifle médiatique qui semble se dessiner, puisque le premier épisode «FB Direct» a recueilli moins de 10'000 vues? La première réponse est que cette vidéo (et celles qui vont suivre) permet au Premier ministre d’occuper le terrain et d’apparaître comme un leader courageux et pédagogue.

C’est une stratégie qui, en théorie, lui permet de contourner les débats au Parlement et les risques des plateaux télévisuels, lui qui depuis l’enfance affronte un problème de bégaiement (aujourd’hui dompté). La seconde réponse est que Bayrou envoie de cette manière un signal à tous ceux qui veulent l’éliminer, y compris Macron qui aimerait, dit-on, le remplacer par le ministre de la Défense Sébastien Lecornu. Bayrou prend les Français à témoin, même s’ils sont peu nombreux à regarder. Il se place à la fois en recours et en victime potentielle des manœuvres politiciennes.

Convaincre les députés

La question est bien sûr de savoir si cette stratégie peut permettre d’obtenir un vote favorable à l’Assemblée nationale (qui fera sa rentrée le 22 septembre) sur le projet de loi de finances 2026 et ses 43,8 milliards d’euros d’économies budgétaires? Là, on peut en douter. Mais au moins, ce Premier ministre qui s’est toujours battu contre l’endettement du pays, aura laissé une trace de «vérité». «Bayrou donne l’impression de travailler déjà pour sa postérité juge l’ancien député Bertrand Pancher, aujourd’hui défenseur d’une initiative pour boycotter les produits américains et valoriser le «Made in Europe» en riposte au mauvais «deal» commercial conclu avec Trump. Il a proposé de supprimer deux jours fériés. Il veut réduire les dépenses publiques. C’est la posture du sage qui a prévenu tout le monde.»

Et les Français? A la plage. Loin de tout ça. Plus de sept Français sur dix estiment que les efforts demandés par leur Premier ministre sont «trop importants» et 8 sur 10 jugent Bayrou «incapable» de sortir le pays de l’ornière dans lequel il se trouve avec une dette record de près de 3400 milliards d’euros, et une croissance économique envisagée de 1% en 2025. Bref, ils n’écoutent pas l’oracle Bayrou.

Vive les vacances, mais…

Selon une enquête de l’Institut Ipsos pour le think-tank spécialisé Alliance France Tourisme, 77% d’entre eux prévoyaient en juin de partir en vacances au moins une semaine, majoritairement en France (68%) et dans des régions balnéaires (35%). Leur budget moyen est de 1820 euros. Mais 39% envisageaient de le réduire en raison «des contraintes budgétaires».

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