Ils sont allés, mardi 21 octobre, jusqu'à qualifier de «honte» la condamnation à 5 ans de prison ferme prononcée le 25 septembre contre Nicolas Sarkozy par le Tribunal judiciaire de Paris. Ceux qui ont employé ces mots sont les avocats de l’ancien président français, incarcéré depuis hier à la prison parisienne de la Santé. Ses soutiens, tout au long de sa première journée de détention, ont battu le rappel. Au point d’oublier l’affaire et la réalité des faits.
Sarkozy a un traitement de faveur
Les conditions de détention à la Santé de l’ancien président ont été, depuis des jours, longuement détaillées. Ce dernier, après avoir été reçu par le directeur de l’établissement, a été conduit au quartier d’isolement, où il ne rencontrera a priori aucun détenu, y compris lors de ses promenades. Nicolas Sarkozy pourra sans doute avoir la porte de sa cellule individuelle ouverte durant la journée, et il est accompagné, dans des cellules voisines, par deux officiers de sécurité. Traitement de faveur? Oui, justifié par son statut d’ancien chef de l’Etat et par les risques qu’il encoure dans une prison certes rénovée récemment, mais qui abrite plus d’un millier de détenus. Sarkozy peut en revanche entendre les bruits. Son nom a été scandé par les prisonniers à son arrivée. Il recevra sa première visite familiale cette semaine.
Sarkozy a été plusieurs fois condamné
Ses avocats se sont gardés de le rappeler devant la prison de la Santé, lorsqu’ils se sont exprimés devant les caméras pour dénoncer la condamnation très sévère du 25 septembre. Leur objectif: s’en prendre à la décision des juges d’infliger à l’ancien président une exécution immédiate de sa peine de 5 ans de prison ferme. Ils ont d’ailleurs aussitôt déposé une demande de mise en liberté, qui devrait être examinée d’ici la mi-novembre.
Mais attention: l’affaire des fonds libyens n’est qu’un pan du dossier judiciaire Sarkozy. L’ancien président a été définitivement condamné pour «corruption et trafic d’influence» à trois ans d’emprisonnement – dont un an ferme sous bracelet électronique – dans l’affaire des «écoutes téléphoniques». Il a aussi été condamné en appel à un an de prison, dont six mois ferme, pour «financement illégal» de sa campagne présidentielle de 2012.
Sarkozy retrouvera vite la liberté
Vite… Cela veut dire dans quelques semaines. Peut-être dès la mi-novembre. Ce qui n’enlève rien au choc de l’incarcération et, surtout, à l’atteinte à l’image internationale de Nicolas Sarkozy que constitue le jugement du 25 septembre. Restent les faits: l’ex-chef de l’Etat, qui a toujours plaidé pour la plus grande dureté des peines infligées aux délinquants, devrait voir sa mise en liberté examinée de façon prioritaire. Pourquoi? En raison de son âge, 70 ans. Et surtout parce qu’il ne présente ni risque de fuite, ni de récidive. Dès sa sortie, Nicolas Sarkozy portera à nouveau un bracelet électronique, comme cela était le cas au début de son procès dans l’affaire des fonds libyens. Il préparera son procès en appel qui pourrait avoir lieu dès la fin 2026.
Sarkozy est coupable «d’association de malfaiteurs»
Ces termes sont, depuis le jugement, commentés de façon très différente par la défense et par ceux qui ont lu la décision motivée des magistrats, sur 400 pages. Pour les soutiens de Nicolas Sarkozy, «l’association de malfaiteurs» est un délit qui ne tient pas puisque ce dernier a été relaxé des autres chefs d’accusation: détournement de fonds publics, corruption passive et financement illégal de sa campagne présidentielle victorieuse de 2007. Il s’agit donc d’un artifice, destiné à humilier l’ex-chef de l’Etat.
A l’inverse, le jugement étaye ce délit défini par le Code pénal comme «le fait de participer à un groupement ou une entente établi(e) en vue de la préparation d’un ou plusieurs crimes ou délits punis d’au moins cinq ans d’emprisonnement». Nicolas Sarkozy a, pour les juges, couvert ses collaborateurs les plus proches, venus en Libye pour y rencontrer des personnages clefs du régime Kadhafi. Quant à l’exécution immédiate de la peine, sans doute discutable du point de vue juridique, elle est appliquée dans 60% des cas de condamnation à la prison ferme.
Sarkozy a bien un «passif» libyen
L’ancien président reconnaît qu’il a beaucoup négocié avec le régime du colonel Kadhafi, en particulier en vue de la libération des infirmières bulgares en 2007, avant d’inviter le dictateur libyen à Paris en décembre 2007, puis de soutenir militairement la rébellion qui a mis fin à son pouvoir, durant l’été 2011. Mais il y a un autre pan de l’affaire, crucial: celui du passif lié à l’attentat contre l’avion d’UTA du 19 septembre 1989, qui a fait 170 morts, dont 54 Français. Son responsable était le chef des services de renseignement libyen, que les proches de Sarkozy ont rencontré. Les familles de ces personnes décédées ont d’ailleurs été reconnues victimes dans le procès des fonds libyens. La raison d’Etat devait-elle prévaloir? Nicolas Sarkozy paie le prix de ce passif sanglant.