Un expert à contre-courant
«L'Europe pourrait être la grande gagnante de l'ère Trump»

L'Union européenne a dû céder dans le conflit commercial qui l'opposait aux Etats-Unis. David Bach, expert en économie politique à Lausanne est toutefois convaincu que l'accord commercial unilatéral pourrait devenir une chance pour l'UE.
Publié: 29.07.2025 à 18:59 heures
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Dernière mise à jour: 29.07.2025 à 21:17 heures
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La présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a dû conclure un accord commercial désavantageux avec Trump.
Photo: keystone-sda.ch
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Martin Schmidt

Donald Trump ressort grand vainqueur du bras de fer commercial qui l’opposait à l’Union européenne (UE). Avec ses menaces de droits de douane, le président américain a contraint Bruxelles à plier. Trop dépendante des Etats-Unis – notamment sur le plan militaire – l’UE n’a pas pu négocier d’égal à égal. Résultat: elle a dû avaler la pilule et accepter une taxe de 15% sur ses exportations vers les Etats-Unis.

L'UE est-elle donc la grande perdante? «Pas forcément. Tout dépend des leçons que les dirigeants européens tireront de cet épisode», explique David Bach, 50 ans, professeur de stratégie et d'économie politique à l'Institut international de développement du management (IMD) à Lausanne. «L'Europe pourrait sortir grande gagnante de l'ère Trump», ose même le spécialiste.

Ce que l'UE doit faire

L’accord conclu avec Washington offre à l’Europe un peu de répit. Pour David Bach, l’UE doit mettre ce temps à profit pour enclencher des réformes cruciales: alléger la bureaucratie, accélérer la transition énergétique, et ainsi réduire sa dépendance vis-à-vis de régions tierces.

Autre priorité: investir massivement dans la défense. La vulnérabilité militaire de l’UE face aux Etats-Unis l’a rendue manipulable dans ce conflit commercial – sans parler de la guerre en Ukraine, où l’Europe reste tributaire des livraisons d’armes américaines. Une Europe plus forte pourrait, à l’avenir, négocier sans se laisser dicter ses conditions.

Un soutien politique est nécessaire

David Bach souligne également l’importance d’un meilleur accès au capital. Pour croître, les entreprises européennes doivent pouvoir compter sur des sources de financement diverses et facilement accessibles. L’Europe doit aussi devenir plus attrayante pour les investisseurs étrangers.

L'accord commercial actuel pourrait être le signal de départ de ces réformes, David Bach en est convaincu. Ce deal peut apporter la croissance nécessaire, «qui permettra de financer les investissements dans la défense et de générer le soutien politique pour les réformes», selon lui.

Un mauvais deal comme moteur de croissance?

Cela peut surprendre, car les exportateurs de l'UE doivent s'accommoder jusqu'à nouvel ordre d'un droit de douane de 15%. Cela affaiblit leur compétitivité par rapport aux entreprises américaines. Mais cela crée en même temps une certaine sécurité dans le commerce avec les Etats-Unis. 

David Bach voit donc dans l'accord plusieurs avantages pour l'UE, qui peuvent créer une base pour les réformes. Les importations convenues de gaz liquide en provenance des Etats-Unis peuvent stabiliser les marchés de l'énergie en Europe et réduire les coûts pour l'industrie. De plus, Trump ne peut plus utiliser le conflit commercial comme prétexte pour abandonner son soutien à l'Ukraine.

Selon David Bach, les promesses d'investissement de l'UE à hauteur de 600 milliards de dollars ne sont pas non plus très graves. Son collègue Arturo Bris parle d'une «stratégie Inshallah». En français: si Dieu le veut. En ce qui concerne les investissements, il s'agit d'une déclaration d'intention et non d'une promesse contraignante. Jusqu'à ce que des projets d'investissement aussi importants soient réalisés, des années s'écouleront – et dans ce laps de temps, il peut se passer beaucoup de choses.

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