Pour schématiser les travaux menés par le Dr. Phil Jones, chercheur au Wellcome Sanger Institute de l'Université de Cambridge, on peut s'appuyer sur une image simple: celle d'une course de vitesse entre des cellules potentiellement précancéreuses et des cellules protectrices capables de freiner l'allure de leurs rivales.
Voici, de manière grossièrement simplifiée, l'origine d'une stratégie de prévention émergente, applaudie début septembre par le média «The Economist»: les scientifiques cherchent effectivement un moyen de renforcer les cellules «bouclier» pour les aider à surpasser leurs voisines problématiques et ainsi éviter le développement d'un cancer.
Des cellules qui «contrebalancent» le danger
Cette idée, qui évoque vaguement une version cellulaire de «Pac-Man», contredit la vision classique selon laquelle le cancer démarre par la mutation accidentelle d'une cellule «méchante», qui se multiplie jusqu'à former une tumeur plus ou moins envahissante.
Or, d'après les travaux du Dr. Jones, nous possédons tous une multitude de cellules «mutées», dont certaines sont potentiellement dangereuses, mais ne déclenchent pas systématiquement de cancer. Ainsi que le souligne «The Economist», celles-ci incluent environ un quart des cellules de l'épiderme et, dès la quarantaine, concernent 10% de la muqueuse gastrique.
Cette information fait froid dans le dos, mais ne devrait pas susciter de panique: ces fameuses cellules cohabitent avec des voisines bienfaisantes, dotées quant à elles de mutations protectrices et capables de freiner le développement des anomalies précancéreuses. En d'autres termes, ces cellules «bouclier» contrebalancent le danger de leurs adversaires.
D'où l'idée d'une course de vitesse, déployée sur de nombreuses années: les taux de chaque type de cellules peuvent varier au cours des périodes de la vie.
Une clé possible: un médicament contre le diabète
Mais encore faut-il trouver le moyen d'aider les mutations «gentilles» à vaincre les «méchantes». Et c'est, entre autres, sur cette question que planche l'équipe du Dr. Phil, à Cambridge. Dans une étude publiée en 2024 dans la revue «Nature Genetics», le scientifique démontrait que la metformine, un médicament utilisé pour traiter le diabète, pouvait induire une mutation bénéfique chez des cellules non mutées, augmentant ainsi les rangs de cellules «gentilles» pour freiner la progression des cellules «méchantes».
A contrario, la même étude, basée sur des tests réalisés sur des souris, a également souligné que les rongeurs soumis à un régime important en lipides présentaient davantage de cellules problématiques. Ce résultat confirme le lien établi entre risques de cancer et surpoids.
L'idée n'en est qu'à ses prémices
Or, avant de proposer un traitement préventif basé sur ces découvertes, d'autres recherches sont nécessaires: les mutations «protectrices», possiblement induites par la metformine, ne sont pas toutes bénéfiques aux mêmes organes, sans oublier le facteur génétique, très complexe, qui doit encore être approfondi.
Notons par ailleurs que la trouvaille du Dr. Jones pourrait ne pas s'avérer complètement suffisante: certains facteurs environnementaux (comme l'exposition à pollution ou aux substances cancérigènes présentes dans certains cosmétiques) et des inflammations chroniques peuvent à leur tour «activer» les cellules porteuses de mutations problématiques et provoquer des cancers.
D'autres avancées encourageantes
Il s'agit toutefois d'un pas réjouissant dans la bonne direction! En parallèle, le combat contre le cancer est mené sur plusieurs fronts, aux quatre coins de la planète. En début d'année 2025, l'Université de Genève annonçait développer une alternative aux anticorps de synthèse, dans l'espoir de proposer des traitements moins coûteux et plus faciles à produire.
Début septembre 2025, ainsi que le rapportait Swissinfo, Novartis travaille activement à la réalisation d'une nouvelle forme de radiothérapie: durant les tests cliniques., cette technologie inédite est parvenue à détruire des cellules métastasées en six mois seulement.
La question des vaccins fait aussi parler d'elle: ce printemps, un traitement ciblant le cancer de l'intestin, produit par une équipe scientifique allemande, a obtenu des résultats prometteurs sur des souris. La science avance, lentement mais sûrement, et n'abandonne pas.