Dropshipping et fêtes de noël
Attention! Ces fausses boutiques suisses risquent de vous arnaquer

Deux entrepreneurs suisses sont à l'origine de nombreuses boutiques en ligne qui vendent à des prix soi-disant bas des marchandises en provenance de Chine. Si l'arnaque est découverte, ils changent le nom de l'entreprise ou du site web.
Publié: 10.12.2024 à 11:16 heures
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Ils font leur publicité avec de belles photos de produits, un langage commercial impeccable, et un domaine «.ch».
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Jean-Claude Raemy

A l'approche des fêtes de fin d'année, les achats en ligne ont le vent en poupe. Et c'est dans le stress des colis et de la chasse aux bonnes affaires sur Internet que la prudence nécessaire est souvent négligée. Des boutiques en ligne douteuses, qui se vantent parfois d'être d'origine suisse, profitent de l'inattention des consommateurs pour passer à l'action.

Blick en a déniché plusieurs qui figurent toutes sur la liste noire de la protection des consommateurs. Parmi elles: trend-box.ch, chiccasa.ch, luminabeauty.ch, baby-paradies.ch, pfotenland.ch, reise-welt.ch, autoprinz.ch, stellabrillantejewellery.ch ou encore cozyandcasa.com. 

Toutes ces plateformes font leur publicité avec de belles photos de produits, un français commercial impeccable, un domaine «.ch». Mais lorsque l'on passe commande, on obtient une marchandise de piètre qualité que l'on aurait pu commander soi-même et à moindre coût en Chine.

Vendora LLC, chantre de la «camelote»

Mais qui se cache derrière ces boutiques en ligne? Dans le cas des sites mentionnés, il s'agit de l'entreprise Vendora LLC, dont le siège est à Dover, dans l'Etat américain du Delaware. En vérité, il s'agit d'une société boîte aux lettres classique. Car à Dover, il est facile de louer en ligne un siège social pour une somme modique. 

Mais un coup d'œil plus attentif aux conditions générales montre rapidement que derrière Vendora LLC se cache la société BGF Investment GmbH, dont le siège se trouve à Fehraltorf, dans le canton de Zurich. Celle-ci a fait les gros titres de l'émission «Espresso» de la SRF au début de l'année en vendant de la «camelote chinoise».

Nouvelle entreprise, mêmes sites web

Pourtant, elle continue à faire des affaires, désormais sous le nom de Vendora. Le nom BGF Investment a lui été remplacé dans les mentions légales. Mais pas dans les conditions générales de vente (CGV). Blick a tenté de contacter les personnes derrière BGF Investment et est parvenu à parler à L. G.* au téléphone.

Celui-ci explique que BGF a déposé le bilan et qu'il «n'est plus actif dans le dropshipping», cette forme de commerce dans laquelle un commerçant achète de la marchandise à un fournisseur et la revend à des clients sans avoir de contact physique avec la marchandise. Le 2 décembre, on trouve dans la Feuille officielle du commerce un «avis de faillite provisoire». Depuis ce jour, les sites web susmentionnés indiquent «activité suspendue», certains sites web ont carrément disparu.

Mais L. G. est toujours dans le commerce en ligne: il a fondé le 7 octobre 2024 avec son partenaire commercial C. B.* une nouvelle société appelée Czarina GmbH, dont le siège est à Effretikon, toujours dans le canton de Zurich. Selon les recherches de Blick, l'adresse de la société est identique à l'adresse du domicile de C. B.

Un appartement pour entrepôt

Selon L. G., l'entreprise Czarina poursuit désormais un autre modèle commercial: chez celle-ci, la marchandise serait en stock et elle serait expédiée au client dans un délai de 1 à 3 jours. Les produits ne proviendraient en outre plus de Chine. Sont-ils stockés dans un appartement? 

Blick a retrouvé le site czarina-jewellery.com, derrière lequel se cache la société Czarina GmbH. L'adresse de ce site mène elle aussi à Effretikon, à l'adresse du domicile de L. G. Le site web semble toutefois inachevé. Et lorsque Blick demande pourquoi le site Internet de Czarina Jewellery, créé en octobre, contient des avis de clients vieux de cinq mois, aucune réponse n'est donnée. Peu de temps après, ces avis ont disparu.

Un autre site, ufoot.ch, qui propose des semelles ou des produits de soin des pieds à des prix avantageux, mentionne Czarina GmbH comme exploitant. Le stock dans l'appartement à Effretikon devrait donc suffire non seulement pour les bijoux, mais aussi pour les soins des pieds.

Le dropshipping, une affaire facile en Suisse

On peut donc soupçonner que les sites web qui sont revenus sur le devant de la scène médiatique disparaissent pour laisser la place à de nouvelles entreprises. Sollicité encore une fois, L. G. ne répond plus aux questions écrites sur les raisons de la faillite, l'utilisation de la société-écran américaine ou les mauvaises évaluations Trustpilot.

G. et B. sont loin d'être des cas isolés: en Suisse, de nombreux particuliers sont actifs en tant que dropshippers. Et pourquoi s'en priveraient-ils? Après tout, le dropshipping est légal en Suisse. Et pourquoi faire compliqué lorsqu'on peut faire simple: un bon site web, un peu de publicité sur les réseaux sociaux, pas de frais de stockage et une offre qui peut être modifiée rapidement. Pour ce qui est du support client, il n'est proposé que de manière superficielle. Il n'y a pratiquement jamais de remboursement et des indemnités sont presque toujours demandées en cas de retours.

Malgré des conditions générales sophistiquées, les exploitants flirtent avec l'illégalité. Mais seules les infractions à la loi fédérale contre la concurrence déloyale sont justiciables. Par exemple, lorsqu'un «produit suisse» est annoncé et qu'il s'avère être un produit chinois bon marché. En raison de la faible valeur des marchandises, il n'y a presque jamais de plaintes.

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