Il y a quelques semaines encore, Joe Biden pensait être couronné par les démocrates lors de la convention du parti démocrate à Chicago. Mais les choses ne se sont pas déroulées comme prévu: il n’occupe désormais plus que le rôle de chauffeur de salle pour cette grande fête. Le président démocrate a été relégué au second rang de la programmation de cet événement de quatre jours, après son retrait choc de la course à la Maison Blanche au profit de Kamala Harris.
Le discours que le dirigeant de 81 ans prononcera en ouverture d’une convention qui aurait dû l’adouber sera, forcément, empreint d’émotions contradictoires. À l’entendre, Joe Biden ne semble pas avoir exactement digéré l’abandon de sa candidature – un bouleversement politique important de l’histoire américaine. Mais le président s’est aussi engagé à tout faire pour aider Kamala Harris, la vice-présidente et nouvelle candidate des démocrates, à battre Donald Trump en novembre.
Un goût doux-amer
Kamala Harris doit formellement accepter l’investiture de son parti à l’élection présidentielle lors d’une grande soirée en prime-time (heures de grande écoute) jeudi, en clôture de la convention. L’allocution de Joe Biden lundi soir aura donc un certain air de «première partie de Taylor Swift», assure William Galston, du cercle de réflexion Brookings Institution. «Cela ne sera pas un discours facile», estime-t-il auprès de l’AFP.
Mais comme tous les présidents américains, Joe Biden a aussi les yeux rivés sur les livres d’histoire. «Je suis sûr qu’il comprend que les chances que sa présidence soit considérée comme une réussite augmentent considérablement si Kamala Harris lui succède», estime le politologue.
Donald Trump, coutumier des petites piques assassines, s’est fait une joie d’ironiser sur le sort de son ancien adversaire durant un meeting de campagne mercredi. «Ils ne lui donnent même pas un bon spot pour parler. Lundi, c’est le pire soir», a raillé l’ancien président. Le républicain, dont la campagne a elle aussi été chamboulée par l’entrée de Kamala Harris dans la course, a accusé la vice-présidente d’essayer de jeter Joe Biden «par-dessus bord».
Le président américain s’est lui-même mis en retrait après sa décision choc d’interrompre sa campagne, le 21 juillet. Pendant que Kamala Harris enchaînait les meetings, le démocrate a de son côté passé de longs moments dans sa maison de vacances du Delaware, en s’offrant quelques moments de détente à vélo.
Le dirigeant octogénaire a parfois su faire preuve d’une certaine autodérision vis-à-vis de sa situation. «Je vous ai invité à la Maison Blanche parce que je suis à la recherche d’un boulot», a-t-il lancé à un groupe d’influenceurs lors d’un événement mercredi. Mais il a aussi montré des signes de frustration, admettant avoir jeté l’éponge sons pression de son camp démocrate: «J’étais préoccupé par le fait que si je restais dans la course, vous m’interrogeriez uniquement là-dessus», a-t-il déclaré lors d’une interview à CBS diffusée dimanche dernier.
Dernière révérence?
Joe Biden doit partir en vacances juste après son discours à la convention, s’épargnant a priori les scènes – forcément un peu amères – du couronnement de Kamala Harris jeudi. Mais le Parti démocrate, qui a fortement salué la décision du président d’abandonner la course, devrait malgré tout lui réserver un accueil chaleureux, estime William Galston.
Son principal défi consiste désormais à prononcer un discours, capable de lancer Kamala Harris en orbite, sans l’accabler toutefois des éventuels fardeaux de sa propre administration. La quinquagénaire a moins de trois mois pour façonner sa propre identité sur la campagne. Elle va commencer à expliquer son programme pour la Maison Blanche vendredi, lors d’un discours axé sur ses priorités économiques.
Pour Joe Biden, toute cette séquence pourrait plutôt s’apparenter à une sorte de tour d’honneur. «Peut-être que l’on sera confrontés à un Biden plus proche d’être en paix avec tout cela que l’on ne l’imagine», note William Galston.
Durant son allocution, le président américain devrait également insister sur l’idée de passer le flambeau à une nouvelle génération. Il ne résistera peut-être pas à l’idée de pointer que le plus vieux candidat de la course s’appelle désormais Donald Trump.