L'Université d'Harvard est au cœur d'une escalade politique, affectant ainsi des milliers d'étudiants internationaux. Le gouvernement de Donald Trump a interdit à l'université américaine d'élite de l'agglomération de Boston de continuer à accueillir des étudiants internationaux.
Même les personnes déjà inscrites doivent quitter l'université, menacées de perdre leur titre de séjour. C'est la douche froide. Et cette décision touche également des Suisses: plus d'une centaine est actuellement inscrite à Harvard. Yumi est l'une d'entre eux.
La peur de l'abandon
Le séjour de Yumi était censé durer encore deux mois. Sauf qu'elle est désormais dans le flou, ne sachant pas si elle pourra aller jusqu'au bout de son cursus. Cette femme de 25 ans étudie la pharmacie à l'EPFZ et est à Boston pour six mois dans le cadre de son travail de master.
«Cela me stresse beaucoup, mais j'essaie de ne pas le laisser m'atteindre», confie-t-elle. Elle continue de se rendre tous les jours au laboratoire: «Il est inquiétant qu'une telle chose puisse être décidée si simplement, du jour au lendemain. C'est terrifiant de ne pas savoir ce qui va se passer.»
Cela fait trois mois que Yumi s'est installée à Boston. «J'ai l'espoir qu'ils me laisseront terminer ma formation. Mais qui sait?» Elle plaint surtout ses camarades qui voulaient faire un cursus complet à Harvard.
Dans son laboratoire, plus de la moitié des collaborateurs viennent de l'étranger. Bien qu'ils ne soient pas formellement des étudiants, mais des employés, l'insécurité est perceptible partout. «Les coupes budgétaires pèsent aussi sur tout le monde», raconte-t-elle, «et beaucoup ne veulent plus continuer ici». L'université les appelle à garder leur calme et à faire preuve de patience.
Une balle dans le pied
Louie Cielen, 26 ans, connaît, lui aussi, bien Harvard. Il y était jusqu'en mars dernier pour son travail de master. Pour lui, Donald Trump se tire une balle dans le pied. «Cette décision est dommageable pour la place scientifique américaine et bien sûr pour Boston, où se déroulent tant de recherches importantes.» Par ailleurs, il précise que les Etats-Unis sont tributaires des échanges internationaux. S'isoler maintenant serait donc contre-productif.
Ce qui le dérange par-dessus tout, ce sont les arguments mobilisés pour justifier cette mesure. «Des débordements anti-américains ou pro-terroristes? Je n'ai jamais vu ça quand j'étais à Harvard!»
Louie Cielen espère que l'Université d'Harvard prenne clairement position. «C'est une institution puissante avec de gros moyens. J'attends d'elle qu'elle se défende et ne cède pas. C'est exactement ce qu'elle nous enseigne, à nous étudiants: défendez ce en que vous croyez.» Il craint que si Harvard cède, cela provoque un effet domino, et la perte d'un modèle mondial.
Une procédure «illégale»
Vendredi, un jour après l'annonce du président américain, Harvard a annoncé qu'elle allait contester la décision sur le plan juridique. Un porte-parole a qualifié la procédure d'«illégale» et de «menace pour la mission académique de l'université».
Environ 6800 étudiants internationaux seraient directement concernés, soit 27% de tous les inscrits. Pour Harvard, où une année d'études coûte jusqu'à 87'000 dollars, logement compris, cette décision est un coup de massue pour la santé économique de l'institution.
Un juge fédéral a provisoirement stoppé l'intervention du gouvernement Trump: il a interdit vendredi le retrait des visas pour les étudiants étrangers d'Harvard.