Le juge chargé du procès de l'ancien président brésilien Jair Bolsonaro pour tentative de coup d'Etat a rejeté mardi les «pressions externes», face à l'offensive du président américain Donald Trump à l'approche du verdict. Il a défendu le travail de la justice.
Dans l'enceinte solennelle de la cour suprême à Brasilia s'est tenue la première de cinq journées d'audience cruciales. Jair Bolsonaro, 70 ans, qui présida le plus grand pays d'Amérique latine de 2019 à 2022, y joue son avenir.
Le chef d'extrême droite risque jusqu'à 43 ans de prison pour avoir, selon l'accusation, cherché son «maintien autoritaire au pouvoir» après sa défaite face au président actuel de gauche Luiz Inacio Lula da Silva au scrutin de 2022. Visé par de lourdes sanctions financières américaines, le rapporteur du procès, Alexandre de Moraes, a d'emblée défendu le travail de la justice.
Trump fulmine... et punit le Brésil
La cour suprême «sera absolument inflexible dans la défense de la souveraineté nationale» et elle va ignorer «les pressions internes ou externes», a lancé ce magistrat aussi puissant que clivant. Dénonçant une «chasse aux sorcières» contre son allié, le président américain Donald Trump a imposé depuis le 6 août une surtaxe punitive de 50% sur une part des exportations brésiliennes.
Assigné à résidence depuis le début août et inéligible jusqu'en 2030, M. Bolsonaro clame son innocence et se dit victime d'une «persécution politique», à un peu plus d'un an de la présidentielle de 2026. Avec ses sept coaccusés, dont plusieurs anciens ministres et militaires, l'ex-président connaîtra le verdict d'ici au 12 septembre.
Une première au Brésil
Absent mardi, il n'assistera pas à la phase finale du procès, car «il est affaibli», a dit son avocat Paulo Costa Cunha, évoquant une «conséquence du coup de couteau» qu'il a reçu en 2018. Cette attaque en pleine campagne électorale lui vaut des problèmes de santé récurrents.
C'est la première fois qu'un ancien chef de l'Etat brésilien est jugé pour un projet présumé de coup d'Etat. Un moment historique, 40 ans après la fin de la dictature militaire (1964-1985), dont les responsables n'ont jamais été traduits en justice.
«Nous déplorons que l'histoire républicaine brésilienne ait été à nouveau marquée par une tentative de coup d'Etat, portant atteinte aux institutions et à la démocratie, cherchant à installer un Etat d'exception et une véritable dictature», a dit le juge Moraes. Barrières, agents armés, chiens renifleurs: à Brasilia, la sécurité a été renforcée sur l'emblématique place des Trois-Pouvoirs, où se côtoient palais présidentiel, Parlement et cour suprême.
Projet putschiste évoqué
C'est sur cette place que, le 8 janvier 2023, des milliers de sympathisants de Jair Bolsonaro avaient saccagé les lieux de pouvoir, réclamant une intervention militaire pour déloger Lula. Jair Bolsonaro, qui se trouvait alors aux Etats-Unis, est accusé par le parquet d'avoir été l'instigateur des émeutes. Le projet putschiste incluait aussi, selon l'accusation, un décret d'état de siège et un plan pour assassiner Lula avant son installation, ainsi que le juge Moraes.
Le fait que Jair Bolsonaro ait discuté avec les chefs de l'armée d'un «document formalisant un coup d'Etat» prouve le «processus criminel», a estimé le procureur général. Selon l'accusation, c'est précisément faute de soutien dans la hiérarchie militaire que le plan a échoué. La défense de l'ex-président doit délivrer sa plaidoirie mercredi matin. Les cinq juges devraient voter pour décider du verdict la semaine prochaine.
Si ses alliés estiment que Jair Bolsonaro est pratiquement condamné d'avance, ils misent sur l'approbation au Parlement d'une amnistie pour lui éviter la prison. Des parlementaires se sont réunis mardi pour tenter de mettre à l'agenda de façon «immédiate» un projet de loi en ce sens, a dit Luciano Zucco, un député bolsonariste.
Popularité renforcée pour Lula
Devant l'entrée de la résidence de luxe à Brasilia où l'ancien chef d'Etat est confiné, une altercation a brièvement opposé quelques-uns de ses sympathisants à des partisans de Lula. Les premiers ont notamment voulu casser une pancarte sur laquelle était écrit «Bolsonaro en prison», ont constaté des journalistes de l'AFP.
Avec une popularité renforcée par les attaques américaines, Lula, 79 ans, affiche son intention de briguer un nouveau mandat, se posant en champion de la «souveraineté» brésilienne. Il a lui-même été incarcéré en 2018-2019 pour corruption passive et blanchiment. Sa condamnation a ensuite été annulée pour vice de forme.