L’art de la com’
Brad Pitt insubmersible face aux accusations de violences conjugales?

L’acteur est en pleine promotion du film «F1», qui sort la semaine prochaine. Et n’a rien perdu de son aura, alors même qu’il a été accusé de violences conjugales par son ex-femme, Angelina Jolie. Mais c’est un as du storytelling.
Publié: 09:58 heures
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Dernière mise à jour: 14:30 heures
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Brad Pitts arrivant à la 76e Mostra de Venise, en août 2019 pour la première du film «Ad Astra».
Photo: Shutterstock
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Margaux BaralonJournaliste Blick

Dans «F1», blockbuster bien huilé qui sortira dans les salles romandes ce mercredi 25 juin, Brad Pitt interprète Sonny Hayes, pilote de Formule 1 star des années 1990, désormais à la retraite, et qui reprend du service pour sauver une écurie menacée de faillite. 

Dans la vie, l’acteur s’adonne avec un plaisir non dissimulé à l’exercice de promotion obligatoire avec ce genre de grosses productions: enchaînement d’avant-premières à travers le monde et looks travaillés qui ravissent les médias spécialisés dans la mode. 

Brad Pitt en costume lila, Brad Pitt en smoking double boutonnage, Brad Pitt en pull zippé et surtout Brad Pitt avec l’accessoire indispensable de cet exercice, sa compagne de 29 ans de moins… la collection de jolies photos s’agrandit et la seule question qui semble agiter le microcosme de la presse people est celle de son virage stylistique. Au point qu’après le «brat summer» initié par la chanteuse Charli XCX l’an dernier, certains parlent déjà de Brad Summer pour l’édition 2025.

En fouillant un peu néanmoins, notamment derrière la une que le magazine «GQ» consacre à l’interprète de «Se7en», on pourra trouver une autre interrogation: comment va Brad Pitt après la fin officielle de sa procédure de divorce qui l’opposait à son ex-femme, Angelina Jolie, depuis maintenant huit ans? Soulagé? «Non, je ne crois pas que ce soit un événement si important», répond-il. 

Depuis 2022, Angelina Jolie accuse son ex-mari de violences contre elle et leurs enfants.
Photo: KEYSTONE

«Disons que les choses sont réglées. Légalement.» Fin 2024, les deux stars, qui ont été ensemble de 2004 à 2017, et eu ou adopté ensemble six enfants, ont enfin trouvé un accord définitif sur les termes de leur séparation. 

Si la procédure a été si longue et douloureuse, c’est bien entendu parce que les célébrités ne sont pas des mortels comme les autres, et que leurs contrats longuement négociés par voie d’avocats, ainsi que l’accumulation de leurs biens – en l’occurrence, un vignoble français a été l’objet de longues négociations entre Brad Pitt et Angelina Jolie – rend tout très complexe. 

Mais aussi parce que depuis 2022, l’actrice accuse son ex-mari de violences contre elle et leurs enfants. Des accusations documentées par un rapport du FBI, mais qui n’ont jamais porté préjudice au comédien. 

Explosion en plein vol

Les faits remontent à 2016. Le 14 septembre, la tribu de huit personnes quitte Miraval, le fameux domaine viticole provençal, pour prendre un jet privé qui l’emmènera de l’aéroport de Nice jusqu’à Minnesota Falls, puis à Los Angeles. La suite est racontée dans le livre enquête de Laurence Pieau et Hervé Tropéa, «Angelina Jolie et Brad Pitt, les secrets du divorce du siècle». 

Une dispute éclate d’abord entre l’acteur et Maddox, le fils aîné, âgé de 15 ans à l’époque, dans le van qui les conduit à l’aéroport. Une fois installé dans le jet, Brad Pitt aurait traité l’adolescent de «con», avant de se mettre à boire. 

Par la suite, un rapport du FBI, obtenu à l’époque par le «New York Times», décrit des violences dans la salle de bain du jet privé. «Pitt a attrapé Jolie par la tête et l’a secouée, puis l’a attrapée par les épaules et l’a secouée de nouveau, avant de la pousser contre le mur de la salle de bain. Pitt a ensuite donné des coups dans le plafond de l’avion de nombreuses fois, poussant Jolie à quitter la salle de bain.»

Lorsque les enfants tentent d’intervenir dans la dispute, les choses s’enveniment encore. Toujours selon le document du FBI, Brad Pitt se précipite vers l’un des jeunes, qu’il a «étranglé» et en a «frappé un autre au visage». Angelina Jolie, qui se rue vers lui pour l’arrêter, est projetée contre un siège, se blessant légèrement au coude et au dos. Selon l’actrice, son époux s’isole alors et continue de boire de l’alcool, revenant régulièrement vers elle pour l’insulter. 

Il aurait jeté du vin sur elle et la couverture sous laquelle certains des enfants dormaient. Arrivée à Minnesota Falls, Angelina Jolie suggère de passer la nuit à l’hôtel, ce que Brad Pitt refuse. L’avion repart et se pose à l’aéroport privé de Burbank, près de Los Angeles. Sur le tarmac, l’acteur empêche tout le monde de quitter le jet pendant 20 minutes et empoigne de nouveau sa femme par le bras avant de la secouer, sous les protestations des enfants.

Une attitude ambiguë avec Harvey Weinstein

Tous ces faits sont connus depuis 2022, l’entourage de Brad Pitt – lui-même n’a rien dit – ayant nié l’«étranglement» d’un enfant. Si le FBI s’est saisi de l’affaire, c’est parce qu’il a été appelé par une source anonyme et que les faits se sont produits dans les airs, donc dans des espaces internationaux. Pourtant, la carrière de Brad Pitt n’en a jamais souffert. 

Après son divorce avec Angelina Jolie, l’acteur a tourné dans des productions prestigieuses, de «Once upon a time… in Hollywood», de Quentin Tarantino, à «Babylon», de Damien Chazelle. Il s’est aussi taillé un costume de producteur solide, tant pour les films dans lesquels il apparaît, comme «Ad Astra», de James Gray, et le «F1» qui sort mercredi, que pour des productions plus risquées et confidentielles, à l’image de «She Said», de Maria Schrader. Ce dernier film, sorti en 2022, raconte l’enquête journalistique ayant révélé… les violences sexuelles commises par Harvey Weinstein.

L’apparition du nom de Brad Pitt au générique agace passablement les féministes américaines à l’époque. Car l’acteur a toujours eu une attitude ambiguë vis-à-vis du très puissant producteur. D’un côté, il devient de notoriété publique qu’il l’a confronté directement, en 1994. Alors en couple avec Gwyneth Paltrow, victime de harcèlement sexuel, il bouscule Harvey Weinstein et lui intime de ne plus la toucher. 

De l’autre, il a collaboré plusieurs fois avec lui après cet incident et a même cherché son soutien sur certains de ses films. Et ce, alors qu’Angelina Jolie aussi a subi les assauts de l’homme depuis condamné à 16 ans de prison.

Une enquête classée...

Qu’est-ce qui explique donc que, malgré une mobilisation sur les réseaux sociaux, avec le mot de ralliement #BradPittisanabuser («Brad Pitt est un agresseur»), qui ressurgit de façon résiduelle sur X dès que l’acteur a une grosse actualité, le héros de «L’Etrange histoire de Benjamin Button» n’ai jamais été touché par la vague MeToo? 

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Bien sûr, il y a la décision de la justice américaine de ne pas le poursuivre après la remise du rapport du FBI à un procureur. Celle-ci a souvent été présentée dans les médias francophones comme une décision de «blanchir» le comédien alors qu’elle correspond en Suisse à un «classement», ce qui n’est pas la même chose. 

La réalité est un peu plus nuancée. En 2022, Brad Pitt attaque à son tour Angelina Jolie au sujet du domaine de Miraval, l’accusant d’avoir vendu ses parts sans son consentement. Les avocats de l’actrice répondent à cette plainte dans un document rendu public. Ils reviennent sur le rapport du FBI et affirment que ses agents «avaient trouvé des raisons valables de poursuivre [Brad Pitt]» mais qu’Angelina Jolie «a refusé de porter plainte», ce qui a entraîné la clôture de l’enquête. 

... et un homme neuf

L’image toujours impeccable de Brad Pitt ne tient pas qu’à ça. En réalité, celui qui joue aujourd’hui les as du volant au cinéma a remarquablement bien négocié son story-telling depuis le divorce. Dès 2017, quelques mois après l’annonce de la séparation, il se livre dans «GQ» (déjà) et dessine une histoire de chute et de rédemption comme Hollywood les adore. 

On le retrouve avec Jacques, son bouledogue, en train de préparer du thé matcha, pendant que les vélos des enfants sont sagement rangés devant sa maison. «J’ai commencé une thérapie et j’adore ça», confie le comédien. Puis, plus loin: «J’ai tout arrêté [la drogue] quand j’ai fondé ma famille, à part l’alcool. L’an passé, je buvais trop. C’est devenu un problème. Et je suis content qu’il se soit désormais écoulé six mois [de sobriété].» Brad Pitt se compare ensuite à une maison à rénover.

Pour Laurence Pieau, co-autrice du livre sur le divorce de ceux qui ont longtemps été surnommés les «Brangelina», «son storytelling a été parfait». «Le héros qui chute et qui arrête de boire. Il se fait oublier quelque temps, il se met à la sculpture», décrit-elle auprès de «20 Minutes». «Quand il revient, il est ovationné par ses pairs. Il ne dit jamais un mot plus haut que l’autre sur Angelina Jolie.» Car une bonne communication consiste souvent à…ne pas communiquer.

La briseuse de couple

En face, Angelina Jolie adopte la même attitude. Elle ne critique jamais son ex-mari publiquement et se contente, comme lui, de missionner des «proches» pour aller s’étendre de temps à autres dans les magazines people. L’actrice n’a pas non plus autant d’occasions de s’exprimer: sa filmographie est nettement moins fournie que celle de Brad Pitt. 

Seulement voilà, elle part avec déjà quelques longueurs de retard. Depuis 2005 et la sortie de Mr. & Mrs. Smith, le film d’action sur le tournage duquel elle a rencontré son futur époux, Angelina Jolie porte l’étiquette de la briseuse de couple. 

Avant, Brad Pitt en formait un autre, très apprécié du public, avec Jennifer Aniston. Celle-ci bénéficie, grâce à son rôle de Rachel dans la série «Friends», d’un capital sympathie énorme. La bonne copine blonde avec laquelle on irait volontiers boire quelques verres au Central Perk, le café mythique de la sitcom. 

Le 12 janvier 2004, Jennifer Aniston et Brad Pitt, au Grauman's Chinese Theatre à Hollywood.
Photo: KEYSTONE

À côté, la grande, froide et brune Angelina Jolie endosse le rôle de la sorcière tentatrice. «Elle n’est pas très sympathique, elle est tranchante, disruptive, et choisit des rôles de femmes qui ne se laissent pas faire», analyse Laurence Pieau. «Et le storytelling, ce n’est pas son truc. Elle dit ce qu’elle pense.» L’interprète de Lara Croft n’a d’ailleurs personne pour s’occuper de ses relations publiques et gère tout elle-même. Une rareté à Hollywood.

Un ange blond

En réalité, aucune femme ne peut gagner face à Brad Pitt, «une espèce d’ange blond qui vieillit extrêmement bien», comme le note Laurence Pieau. Déjà, lorsque l’acteur s’est séparé de Jennifer Aniston, celle-ci a été vilipendée par la presse people, qui la présente alors comme une carriériste indécrottable refusant de lui donner la famille qu’il espère tant. Des années plus tard, la comédienne expliquera avoir tenté pendant une décennie de tomber enceinte, sans succès.

Aujourd’hui encore, les titres de la presse people concernant Brad Pitt soulignent à quel point son divorce a été difficile, et embrassent sans coup férir l’histoire de l’homme blessé qui coule des jours heureux bien mérités avec une jeune trentenaire, Ines de Ramon, créatrice de bijoux. Qu’importe que, dès 2020, Pax, le second enfant de la fratrie Jolie-Pitt, ait posté un message au vitriol sur son compte Instagram privé pour souhaiter une joyeuse fête des pères à «un horrible être humain». 

Brad Pitt arrive pour la première de «Wolfs» au 81è Festival international du film de Venise, le 1er septembre 2024.
Photo: KEYSTONE

Qu’importe que Zahara, Shiloh et Maddox refusent d’utiliser le nom de Pitt, la seconde ayant même déposé une requête officielle pour ne garder que Jolie. À 61 ans, l’acteur est au sommet. Et rien ne semble pouvoir le faire tomber de l’olympe. Certes, les réseaux sociaux bruissent encore parfois des accusations à son égard. Mais la divinité du cinéma n’en a que faire. «Je me sens bien», dit-il à «GQ» en balayant d’un revers de main l’étalage de sa «vie privée» sur la place publique. «Le reste, c’est comme un parasite qui revient de temps à autre.»

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