Avez-vous déjà terminé la deuxième saison de «Wednesday», la série fantasy gothique avec Jenna Ortega? Si oui, sans doute avez-vous cédé à l'irrésistible bouton «Prochain épisode», brandi par Netflix dès les premières notes du générique de fin. Normal: comment supporter le suspense d'un récit finement tricoté, lorsque la suite de l'histoire est instantanément accessible? Résultat: on s'autorise à dévorer la moitié d'une saison d'une seule traite, avant de se laisser retomber, repus, contre le dossier du canapé, avec la vague impression d'émerger d'une tout autre vie.
C'est la source du «binge-watching», une habitude tellement ancrée dans nos modes de vie qu'un nombre impressionnant d'études scientifiques ont tenté de la décortiquer. La dernière en date est parue cet été dans la revue «Acta Psychologica». Repérée par le site Fast Company et réalisée par une équipe de chercheurs issue de l'Université de Géorgie, aux États-Unis, elle stipule que l'habitude d'enchaîner des épisodes peut s'avérer bénéfique pour le cerveau.
Récupérer après une journée stressante
D'après les chercheurs, le fait de se plonger dans un récit fictif durant plusieurs heures active une capacité cognitive nommée «l'engagement imaginatif rétrospectif»: pour résumer, lorsqu'on s'échappe de la réalité pour s'investir mentalement dans une histoire qui nous passionne, notre esprit «baigne» en quelque sorte dans la narration, les personnages et l'ambiance de la série. Ces éléments, imprégnés dans notre mémoire, continuent de nous accompagner une fois l'écran: on se demande ce qu'on aurait fait à la place du protagoniste, on analyse la conclusion de l'histoire, on se souvient des émotions vécues en regardant la production... Le cerveau reste «investi», trie, analyse et crée d'autres scénarios imaginaires.
Justement, ce processus serait plutôt bénéfique, dans la mesure où «les modèles mentaux robustes» bâtis par le «binge watching» activent l'imagination rétrospective, qui permet de se remettre plus rapidement d'une journée stressante. Ces conclusions sont valables pour tout récit, qu'il s'agisse d'une série Netflix, d'un roman de science-fiction ou d'un podcast true crime qu'on aurait écouté en boucle toute la soirée. Mais l'effet ne serait pas aussi puissant lorsqu'on se contente d'un seul épisode: plus on passe de temps dans l'univers fictif, plus l'engagement imaginatif est sollicité.
Les études se contredisent
Ainsi, pas de panique s'il vous arrive régulièrement de regarder cinq épisodes d'un coup, le weekend: votre cerveau rêve simplement d'une «pause», histoire compenser les facteurs de stress accumulés durant la semaine. Une étude publiée en 2024 par la Temple University souligne même que de nombreuses personnes prévoient consciemment de «binge-watcher» une série, réservant des plages horaires pour faire la chenille dans un onesie aux oreilles de Stitch, devant Disney +. L'expérience peut donc être totalement maîtrisée, anticipée, et non pas le résultat d'une perte de discipline totale face au bouton «Prochain épisode».
Or, les études se contredisent sensiblement lorsqu'il s'agit des effets de cette habitude sur la santé: en 2019, un article de la revue Scientific Reports suggérait que les individus regardant plus de 3h de télévision par jour peuvent ressentir des impacts sur leur mémoire et leur vivacité cognitive. L'AASM (American Academy of sleep medicine) rapporte également des problèmes de sommeil et une fatigue accrue chez les fans de «binge-watching», avec des taux d'insomnie plus élevés.
Notons par ailleurs qu'il s'agit d'une activité sédentaire par définition, à moins de dévorer des épisodes de «Wednesday» depuis un tapis de course ou un vélo elliptique. Sans parler de l'appel des snacks, chips et bonbons, souvent associés aux marathons Netflix et au cinéma.
La vérité se trouve probablement quelque part entre les deux: si le «binge-watching» ne constitue pas l'activité la plus saine qui soit et doit évidemment être pratiquée avec modération, elle présente aussi des avantages déculpabilisants, notamment au niveau de la gestion du stress. Mais comme toujours, la clé réside dans l'équilibre... sauf quand notre personnage préféré frôle la mort à la fin d'un épisode: là, résister devient carrément surhumain.