Le sujet tabou de la parurésie
Vous avez peur de faire pipi à l'urinoir? Voici comment y remédier

La parurésie est une phobie qui empêche les hommes d'uriner en présence d'autres personnes. Sous sa forme prononcée, elle peut plonger les personnes concernées dans une grande souffrance. Des traitements sont possibles, dont la collaboration avec un «copain de pipi».
Publié: 04.02.2024 à 21:08 heures
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La pression du groupe dans les toilettes des hommes peut être un problème pour certaines personnes.
Photo: Getty Images
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Jonas Dreyfus

Contre toute attente, il n'est pas si facile de se détendre dans un urinoir pour ces Messieurs, surtout dans des toilettes publiques au coude à coude avec des inconnus. 

Cette action qui paraît pourtant simple est un calvaire pour les personnes souffrant de parurésie, qui désigne la phobie qui rend la miction complètement impossible en présence réelle ou perçue de personnes étrangères. Ce trouble anxieux est également appelé vessie timide ou décrit par le terme «phénomène de l'urinoir».

Les muscles annulaires en cause

Les personnes concernées, principalement des hommes, sont incapables d'uriner si d'autres personnes se trouvent à proximité ou si elles ont l'impression que quelqu'un attend devant la porte, et ce, même lorsque leur vessie est pleine. Leur peur se fige sur le jugement – fictif ou réel – des autres quant à leur difficulté à uriner dans ces situations.

Les vessies timides sont en fait complètement tendues justement au moment où il faudrait se détendre. Les muscles dits «annulaires» qui entourent la vessie se contractent et ferment l'urètre. Mais pour faire son travail, le muscle de la vessie doit impérativement être relâché. Le sphincter doit, lui, rester tendu pour que l'urine coule et que le canal postérieur reste fermé.

S'entraîner avec un copain de pipi, c'est dans un premier temps se laisser regarder de loin faire ses besoins.
Photo: Getty Images

Des expériences désagréables à la puberté

Environ 3% des hommes allemands souffrent d'une forme ou d'une autre de parurésie. C'est la conclusion d'une étude menée par Philipp Hammelstein. Ce psychothérapeute de Cologne est spécialiste dans ce domaine. Il est auteur de l'ouvrage de référence «Un guide pour surmonter la parurésie», publié en 2005.

Selon l'expert, le déclencheur d'une vessie timide est souvent une expérience vécue à l'adolescence. Dans son livre, il décrit le cas de Patrick E. qui, pendant sa scolarité, a été observé par deux élèves plus âgés alors qu'il se tenait devant l'urinoir sans faire pipi. «T'es quel genre de mec, toi? Y a rien qui sort de toi! Pourquoi t'es aux toilettes?» De telles déclarations d'un des élèves plus âgés ont suffi à traumatiser Patrick. A la suite de cet épisode, l'étudiant capitaine d'un club de sport n'est plus parvenu à se détendre aux toilettes, paralysé par la peur d'être dérangé.

Faire pipi ensemble, comme un rituel

Dans certaines associations ou vestiaires de sport, les hommes ont pour rituel de se détendre lorsqu'ils urinent en compagnie. Mais pour les phobiques, c'est un véritable moment de torture. Ils vont jusqu'à éviter les occasions comme les festivals ou les longues randonnées en groupe pour ne pas faire face à ce moment. 

Certains ne s'hydratent pas avant un vol long-courrier ou renoncent complètement à voyager. D'autres vont même jusqu'à choisir leur lieu de travail en fonction de la distance avec leur domicile.

Vulnérables face au stress et aux émotions

La parurésie est un sujet injustement méconnu, soutient André Reitz, urologue à la clinique Hirslanden de Zurich. Il reçoit régulièrement des patients atteints du syndrome de l'urètre. «Ils souffrent parfois beaucoup.» La vessie et le sphincter sont contrôlés et commandés par de fins plexus nerveux du système nerveux végétatif. Les personnes touchées par ce phénomène sont donc vulnérables face au stress et à d'autres facteurs émotionnels, explique André Reitz. 

Malgré tout, un bref examen urologique est utile pour exclure les causes purement physiques telles que l'hypertrophie de la prostate et le rétrécissement de l'urètre. Le médecin vérifie par échographie si la vessie se vide complètement, ce qui est généralement le cas, d'après le docteur.

Lors de l'entretien, l'urologue explique toujours au patient la véritable nature du problème et arrive ainsi à dissiper une grande partie de la peur. «Après tout, la vessie fonctionne en principe normalement.» La distraction peut aider, conseille le Dr. Reitz. Réciter intérieurement un poème, ou résoudre un problème de calcul, en sont des exemples.

Une souffrance partagée est une demi-souffrance

Dans de rares cas, une thérapie comportementale peut également s'avérer judicieuse et efficace. Il s'agit d'une confrontation directe avec la situation que l'on redoute, avec l'accompagnement d'un spécialiste. Philipp Hammelstein, spécialiste de la parurésie, propose ce traitement à Cologne. En Suisse, il n'existe que très peu d'offres d'un tel suivi. 

Une partie de la thérapie consiste à ce que le patient cherche un soi-disant «buddy de pipi» sur un forum en ligne ou par le biais du thérapeute. L'idée est de se rendre sur le lieu de l'enfer avec ce fameux copain: direction les WC publics. 

Le copain de pipi est là pour regarder et écouter, d'abord de loin, lorsque le patient essaie d'uriner à l'urinoir ou dans la cabine. La plupart du temps, il s'agit de quelqu'un qui partage le même problème. À chaque «séance», le buddy se rapproche de plus en plus. Dans l'idéal, les deux copains de pipi finissent épaule contre épaule à l'urinoir et parviennent à faire leurs besoins en toute tranquillité.

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