L'été pluvieux a provoqué une poussée prématurée de champignons dans nos forêts. Depuis, les cueilleurs amateurs ont envahi le terrain. De soi-disant influenceurs experts en champignons partagent leurs découvertes avec leurs abonnés à travers des photos et vidéos. Le début de la saison a lancé une véritable ruée vers les forêts.
Mais cette situation agace Heinz Weber, inspecteur des champignons à Schaffhouse: «La Forêt-Noire est complètement envahie.» Cette tendance gagne de plus en plus de terrain en Suisse. «Malheureusement, beaucoup de jeunes cueilleurs de champignons ne savent pas comment se comporter en forêt.» Ils ne respectent pas les périodes de fermeture, cueillent les champignons de la mauvaise façon et en quantités excessives, risquant fortement de s'intoxiquer: «Il vaut mieux rapporter vos trouvailles au poste de contrôle des champignons le plus proche. C'est la seule façon d'assurer votre sécurité.» Un conflit de générations s'installe dans les forêts.
Heinz Weber se déplace avec prudence dans une forêt urbaine au-dessus de Schaffhouse. Avec précaution, il cueille le premier champignon, l'identifie et l'enterre aussitôt pour qu'il puisse continuer à pousser: «J'essaie de ne jamais laisser de traces de mon passage.»
Un hobby de retraité devenu viral
Un mois de juillet pluvieux a lancé la saison plus tôt que prévu. D'énormes cèpes ont poussé dans les forêts, relayés avec enthousiasme sur les réseaux sociaux, principalement par des amateurs et des jeunes sans connaissances approfondies. Une pratique relativement récente, apparue avant et pendant la pandémie de coronavirus. La randonnée, la marche et la cueillette de champignons – autrefois considérées comme des «loisirs de retraités» – sont soudain devenues socialement acceptables, même parmi la jeune génération.
En Allemagne, une énorme communauté de cueilleurs amateurs s'est formée, alimentée par les mycologues. «Selon moi, ils sont un vrai fléau», assène Heinz Weber. En effet, ils ne mettent en scène que les succès et les bons côtés de la cueillette, sans parler de ses dangers. Les influenceurs publient des photos pour cumuler des «j'aime», mais ne recommandent jamais de faire vérifier leurs trouvailles par les autorités locales. Un conseil qui pourrait sauver des vies.
De plus en plus d'intoxications
Tox Info Suisse publie régulièrement des rapports annuels sur les intoxications. Les chiffres publiés sont frappants. En 2019, les consultations pour une possible intoxication aux champignons ont atteint leur pic en 20 ans et elles n'ont pas baissé depuis 2017. En 2020 et 2021, la situation s'est légèrement améliorée, mais les consultations ont recommencé à augmenter.
Selon les rapports annuels, les fluctuations dépendent des conditions météorologiques. Mais les rapports précisent également: «La tendance à la hausse des intoxications aux champignons semble être due à la popularité croissante de la cueillette de champignons.» Un tour sur les réseaux sociaux confirme les impressions d'Heinz Weber. Ces influenceurs particulièrement reconnus dans le domaine des champignons possèdent des connaissances approfondies en la matière, certains comptent même des centaines de milliers d'abonnés, mais oublient de sensibiliser le public aux risques.
Les influenceurs amateurs de champignons sont très problématiques, explique Heinz Weber: «Ils cherchent des adeptes en visibilisant leurs plus belles découvertes. Mais ils manquent souvent de connaissances, de contexte ou de responsabilité.» Cette situation est doublement dangereuse: d’abord pour les adeptes de la cueillette, car elle peut prêter à confusion, «et ensuite pour la nature. Nombre de ces jeunes gens piétinent la forêt, coupant même les jeunes champignons avant qu’ils ne puissent libérer leurs spores et se reproduire.» Ce faisant, ils détruisent l’écosystème sans le savoir.
«YouTube ne fait pas tout»
D'un côté, Heinz Weber se réjouit de l'intérêt croissant des jeunes via les réseaux sociaux. Mais il relève que certains collectionneurs amateurs s'appuient exclusivement sur les vidéos de ces influenceurs pour s'informer: «Les réseaux sociaux ne remplacent pas un cours. Pour être sûr, il faut échanger, flairer, toucher et apprendre – le travail de toute une vie!» Heinz Weber aussi a fait ses premiers pas dans la cueillette avec des ouvrages spécialisés et a vite compris: «Je n'y aurais pas réussi à apprendre toutes ces connaissances seul.»
Les jeunes cueilleurs de champignons apportent un vent de fraîcheur sur la pratique, et c'est formidable. Mais «sans réflexion ni connaissances, cela peut être dangereux pour les humains et la nature.» Heinz Weber en est convaincu: «En fin de compte, il faut les deux: la fascination des jeunes avec l'encadrement et le respect que prônent les anciens.» C'est la seule façon pour que les jeunes et les vieux cohabitent, que les professionnels et les amateurs coopèrent, et pour que les humains et la nature coexistent.