A 14h05 précises, le bus 331 part de la gare valaisanne de Sion. Yvan Dubrit est au volant. Depuis neuf ans, ce Bas-Valaisan de 53 ans sillonne la ligne de cars postaux la plus dangereuse de Suisse. Seuls dix chauffeurs audacieux peuvent s'élancer sur ce trajet à couper le souffle, de la vallée du Rhône jusqu'au plateau de Derborence.
Le car postal quitte la zone industrielle de Sion. La route principale serpente en douceur à travers les vignobles en terrasses de Conthey vers Bourg, St-Séverin, Sensine, Erde et Aven. La route devient de plus en plus étroite. Après 45 minutes de route, Yvan Dubrit arrive à la chapelle St-Bernard. C'est à ce moment précis du trajet que les choses se corsent. La route – désormais à voie unique – longe des parois rocheuses à travers des tunnels et des galeries. La vue sur les gorges à pic sur 400 mètres est déconseillée aux âmes sensibles.
Un compas dans l'œil
Yvan Dubrit est parfaitement détendu: «Je viens de sortir des tunnels. La voie est libre!» Il a utilisé son téléphone portable pour allumer un feu rouge plus haut, près de l'entrée du tunnel, afin d'empêcher la circulation venant en sens inverse. Malgré tout, il utilise tout de même son klaxon pour signaler son passage, car un croisement serait impossible.
«Il peut quand même arriver qu'un véhicule circule en sens inverse. Beaucoup d'automobilistes paniquent alors en voyant un grand car jaune de la Poste foncer sur eux. Parfois, au lieu de faire simplement marche arrière, certains conducteurs s'arrêtent et, complètement désemparés, me tendent leurs clés pour que je sorte leur voiture de cette zone», raconte Yvan Dubrit, un sourire aux lèvres.
Yann Dubrit a un compas dans l'œil, et ce don est salutaire dans le tunnel. Son plus grand défi: «J'amène mes passagers à bon port en toute sécurité. Je dois donc savoir exactement quand tourner le volant dans le virage. Je n'ai souvent que cinq centimètres d'espace au-dessus et sur les côtés pour manœuvrer le bus», explique-t-il. Après un peu plus d'une heure, les cinq passagers atteignent le lac de Derborence. Le conducteur intrépide est applaudi pour ses talents de conducteur. Le voilà arrivé au pied du massif des Diablerets!
Au sud du lac, situé à 1449 mètres d'altitude, s'étend l'une des dernières forêts primaires de Suisse. Les plus grands sapins blancs ont 450 ans et mesurent plus de 40 mètres de haut. En 1959, l'année où CarPostal a mis en service la ligne 331, Pro Natura a acheté 50 hectares de cette forêt primaire pour renforcer la protection de la région. Depuis 1961, Derborence est une zone protégée cantonale.
Au sud du lac, situé à 1449 mètres d'altitude, s'étend l'une des dernières forêts primaires de Suisse. Les plus grands sapins blancs ont 450 ans et mesurent plus de 40 mètres de haut. En 1959, l'année où CarPostal a mis en service la ligne 331, Pro Natura a acheté 50 hectares de cette forêt primaire pour renforcer la protection de la région. Depuis 1961, Derborence est une zone protégée cantonale.
Après l'effort, le réconfort
Yvan Dubrit profite de sa pause de 90 minutes pour s'adonner à son hobby: la sculpture sur bois. Devant son bus Iveco Crossway – un véhicule de 11 mètres de long, 2,80 mètres de large et 3,45 mètres de haut – il a installé une table pliante pour étaler ses sculptures en bois.
«La sculpture me détend après un trajet intense», confie-t-il. Avant d'ajouter: «La ligne de car postal entièrement goudronnée qui relie Sion à Derborence est exigeante, mais ce n'est pas le défi ultime. Au volant d'une dameuse, d'un camion-benne ou d'une pelleteuse sur un terrain escarpé et accidenté, la montée d'adrénaline est bien plus forte.»
Yvan Dubrit vit avec sa femme Stéphanie aux Mayens de Conthey (VS). Le couple a deux enfants – Ysabelle et Adrien – et deux petits-enfants. Au cours des neuf années passées sur la ligne 331, qu'Yvan a parcourue environ 2000 fois, il a vécu bien des aventures: «Une fois, une tempête de grêle a déclenché une coulée de boue, si bien que nous n'avons pas pu continuer et avons dû rester plus de deux heures dans le bus», raconte-t-il.
La ligne vers Derborence est en service jusqu'à fin octobre, si le temps le permet. Ensuite, la réserve naturelle sera coupée du monde extérieur jusqu'en avril 2026. Pendant cette période, Yvan Dubrit circulera sur d'autres lignes de cars postaux, bien plus ordinaires.