La bureaucratie s’invite là où scintillent habituellement les flacons de vernis à ongles colorés. Une nouvelle réglementation européenne frappe parfois durement les quelque 3500 salons de manucure en Suisse. Dès début septembre, la substance chimique TPO (L'Oxyde de Triméthylbenzoyldiphénylphosphine) sera interdite dans les produits cosmétiques. Elle permet aux vernis à ongles de durcir rapidement, notamment sous les lampes UV.
Mais ce n’est que le 18 juillet que l’Office fédéral de la sécurité alimentaire et des affaires vétérinaires (OSAV) a annoncé l’interdiction de la TPO dans un communiqué. Un délai très court pour adapter les assortiments, à condition même que les studios aient vu passer l’annonce publiée sur son site Internet. La TPO est soupçonnée d’avoir des effets négatifs sur la fertilité des femmes et de causer des dommages à l’enfant à naître pendant la grossesse.
Contenus pas toujours clairement déclarés
Nina Gasperin, propriétaire d’un salon à Kriens (LU), trie actuellement de nombreux vernis. «Je perds des milliers de francs parce que je dois jeter de nombreux produits dans les déchets spéciaux», explique-t-elle. Elle soutient le retrait des substances déclarées toxiques, mais déplore un délai trop court. Elle a ainsi reçu récemment une commande pour sa boutique qu’elle doit désormais jéter directement.
«Pour moi, il n’est pas toujours simple de savoir si un produit contient cette substance interdite», confie-t-elle. Certains fabricants ne mentionnent pas la TPO en ligne. «Ce n’est qu’en tenant le produit entre mes mains que je peux lire la liste des ingrédients.» Elle a elle-même découvert l’interdiction un peu par hasard et craint que nombre de ses collègues ne soient pas informés.
L'office fédéral pointe du doigt l'UE
La décision ne vient pas directement de l’OSAV. «Il ne s’agit pas d’une décision autonome de la Suisse, mais de la reprise automatique d’une modification contraignante de l’UE conformément à la base juridique suisse en vigueur», précise l’office à notre demande.
Iris Kuchler, présidente de l’association professionnelle Swissnaildesign, indique avoir averti dès mars ses quelque 50 membres de l’interdiction à venir. Mais son organisation ne représente qu’une petite partie du secteur.
L’office fédéral reconnaît que, surtout parmi les petits salons, certains n’ont peut-être pas encore été informés. «Il est de la responsabilité des entreprises de s’informer activement sur les exigences en vigueur, par exemple via leurs associations professionnelles ou des plateformes spécialisées», explique-t-il. Les contrôles relèvent de la compétence des cantons.
L'Allemagne applique différemment
Iris Kuchler souligne aussi qu’il est «spécial» qu’aucun délai de transition ne soit prévu. L’interdiction prend donc certains studios au dépourvu, même si des alternatives sans TPO existent déjà.
Elle s’étonne également qu’en Allemagne, la loi soit interprétée autrement. Chez notre voisin, les produits contenant de la TPO sont retirés progressivement du marché et les salons peuvent encore utiliser leurs stocks. En Suisse, c’est différent: selon les autorités cantonales, la «mise en circulation par négligence» de produits TPO sera punissable dès le 1er septembre.