L'électricité, la nourriture, le logement – tout coûte plus cher qu'avant la pandémie. En 2022, l'inflation était de 2,8%, mais les salaires n'ont été augmentés que de 2,2%. Et maintenant, ce sont les primes d'assurance maladie qui crèvent le plafond: le conseiller fédéral Alain Berset a récemment annoncé une «hausse supérieure à la moyenne» pour 2024.
Si ces primes augmentent la pression financière sur les ménages, elles remplissent aussi les poches des dirigeants des caisses maladie. Et cette course au profit n'a fait que s'intensifier dernièrement. Andreas Schönenberger, CEO de Sanitas, a touché plus de 950'000 francs en 2021 – deux fois plus que son prédécesseur en 2017. Thomas Boyer, chef du Groupe Mutuel, a touché plus de 780'000 francs en 2021. Quatre ans plus tôt, le même poste lui rapportait 497'000 francs. La cheffe de la CSS, Philomena Colatrella, a vu son salaire passer de 744'000 à près de 800'000 francs. En comparaison, le salaire du ministre de la Santé paraît modeste: Alain Berset touche 480'000 francs par an.
Le PS, les Vert-e-s et l'UDC en faveur d'un plafonnement
«Les salaires exorbitants des cadres des caisses-maladie sont financés par l'argent des primes, souligne la conseillère nationale PS Barbara Gysi. Pourtant, nous parlons d'une œuvre sociale dont l'assurance de base est obligatoire pour tous. Ce sont des fonds qui doivent être utilisés pour la santé.» Pour elle, il est clair que «les salaires des dirigeants des caisses maladie doivent être plafonnés».
C'est également l'avis d'une majorité du Conseil national. A l'été 2022, la chambre basse a adopté une motion qui demande un plafonnement strict des salaires des dirigeants des caisses maladie: les membres de la direction ne doivent pas toucher plus de 250'000 francs par an – deuxième pilier et prestations annexes compris. Pour les membres du conseil d'administration, le plafond devrait être fixé à 50'000 francs.
Le PS et les Vert-e-s ont voté en bloc pour la motion. L'UDC a pareillement voté en faveur de la motion: 42 conseillers nationaux de l'Union démocratique du centre ont dit oui, seuls huit se sont opposés à la motion. En revanche, le PLR s'est opposé à la motion sans exception. Les députés du Centre ont, eux aussi, majoritairement dit non, mais pas tous, loin de là: 21 d'entre eux ont rejeté la motion, huit l'ont approuvée – dont le président du parti Gerhard Pfister. Le chef du groupe parlementaire Philipp Matthias Bregy s'est abstenu.
Une commission divisée
La balle est maintenant dans le camp du Conseil des États. Lundi, sa Commission de la santé se penchera sur le dossier. Sa décision a valeur de signal – et le suspense est de mise: le PS, les Vert-e-s et l'UDC représentent ensemble six membres, le PLR et le Centre sept. Mais le conseiller aux États du Centre Erich Ettlin, président de la commission avec une voix prépondérante, siège au conseil d'administration du groupe CSS. «Pour cette raison, je m'abstiendrai probablement lors du vote de la commission, explique-t-il. Même si je rejette le projet.»
Le conseiller aux États UDC Hannes Germann, également membre de la Commission de la santé, veut d'abord discuter de la question en profondeur. «Les salaires actuels sont trop élevés. Mais le plafond salarial demandé est tout de même fixé un peu trop bas.» La commission doit en discuter, selon lui. «Un plafond à hauteur d'un salaire de conseiller fédéral me semblerait plus plausible.»
970'000 francs de salaire pour le CEO de la Poste
Il est donc bien possible que l'intervention trouve aussi une majorité au sein de la commission du Conseil des États – avec un plafond plus élevé. «Nous pouvons débattre de la hauteur du plafond salarial, avance la conseillère nationale PS Barbara Gysi. L'important est de mettre enfin un terme aux rémunérations excessives.»
Le conseiller aux États libéral-radical Damian Müller voit les choses différemment. Lui aussi ne veut pas prendre de décision tant qu'il n'a pas entendu tous les arguments. Mais le vice-président de la Commission de la santé estime que cela ne concerne pas que les caisses maladie: «Si l'on argumente avec le public des primes d'assurance maladie obligatoire, il serait honnête d'examiner à la loupe tous les salaires du secteur public. Rien que dans l'administration fédérale, il y a environ 1000 employés qui gagnent plus de 250'000 francs. La même valeur est atteinte par 80 à 90% de tous les membres de la direction des entreprises proches de la Confédération.»
On y trouve des salaires de pointe qui n'ont rien à envier à ceux des managers des caisses maladie: le chef de la Poste, Roberto Cirillo, a empoché plus de 970'000 francs en 2021. Le CEO des CFF Vincent Ducrot a reçu 962'000 francs. Felix Weber, chef de l'assureur accidents Suva, a touché 802'000 francs. Mais pour ces derniers, la cagnotte pourrait être encore plus élevée. En effet, la majorité bourgeoise du Conseil des États a fait couler en mars 2022 un plafond salarial d'un million de francs pour les managers des entreprises fédérales.
Les hauts fonctionnaires de l'administration fédérale n'atteignent pas tout à fait de tels salaires: le salaire maximal est de près de 400'000 francs. À cela s'ajoutent diverses allocations et primes...
La pression pour une action s'intensifie
Mais tout cela n'est rien comparé à ce que gagnent les dirigeants des grands groupes suisses: en 2021, le CEO de Roche, Severin Schwan, a touché 15 millions de francs, le patron de l'UBS, Ralph Hamers, et le CEO de Novartis, Vasant Narasimhan, ont chacun reçu plus de 11 millions.
Et les patrons de caisses maladie? Devront-ils bientôt se «contenter» de 250'000 francs? Les Vert-e-s, le PS et l'UDC totalisent 18 sièges au Conseil des États. Le PLR compte douze membres, le Centre 14. «L'issue est ouverte», analyse Hannes Germann. Le Centre semble avoir le destin de cette motion entre les mains. La pression sur les politiques pour qu'ils prennent pour cible les salaires excessifs a largement augmenté après la chute de Crédit Suisse.