La Suisse freinée sur la scène internationale
Trump et Poutine vont-ils ruiner cette mission XXL d'Ignazio Cassis?

La Suisse, sous la direction du ministre des Affaires étrangères Ignazio Cassis, prendra bientôt la présidence de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe. Un prestige... mais le blocage de la Russie et le désintérêt des USA paralysent l'organisation.
Publié: 06:25 heures
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Dernière mise à jour: 06:47 heures
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Pour le président russe Vladimir Poutine (à gauche) et le président américain Donald Trump (à droite), l'organisation de sécurité OSCE n'a pas une grande importance.
Photo: Imago/ZUMA Press Wire
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Sven Altermatt

C’est un projet prestigieux pour la diplomatie bernoise et sans doute la dernière occasion pour Ignazio Cassis, ministre des Affaires étrangères (DFAE) depuis de longues années, de s’affirmer une ultime fois sur la scène internationale. La Suisse s’apprête en effet à prendre la présidence de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe. Mais quelle valeur aura ce poste en 2026, alors que deux grandes puissances fragilisent aujourd’hui l’organisation? 

La guerre d’agression menée par la Russie contre l’Ukraine a durement ébranlé l’OSCE. Le chef du Kremlin, Vladimir Poutine, la bloque systématiquement et paralyse toute décision. Quant aux Etats-Unis, le gouvernement de Donald Trump ne montre guère d’intérêt pour l’organisation. Lors du dernier sommet en Finlande, qui assure actuellement la présidence, Moscou n’a dépêché que des diplomates de rang inférieur à Helsinki. Aucun représentant de haut niveau n’est venu de Washington et aucune prise de parole marquante n’a été faite. 

Que pense Trump de l'OSCE?

L’expert en sécurité Henri Vanhanen, présent à Helsinki en tant qu’observateur, se montre catégorique: «Jusqu’à présent, l’OSCE n’est pas du tout visible dans la politique de l’actuelle administration américaine», a-t-il déclaré au portail d’information finlandais «Ilta-Sanomat». Son jugement est sans appel: «Trump ne sait peut-être même pas ce que c’est.» Le «Süddeutsche Zeitung» avait déjà estimé auparavant qu’il n’existait «aucune preuve fiable» que Trump connaisse l’organisation.

Sous l’ancien président Joe Biden, les Etats-Unis prenaient régulièrement position à l’OSCE avec des déclarations virulentes contre la Russie. Aujourd’hui, la situation est très différente. Le désintérêt s’est encore manifesté cette année lors d’une réunion spéciale des ambassadeurs: l’intervention américaine se serait résumée à trois phrases. Selon le compte rendu, seules des citations de messages publiés par Trump et son administration sur les réseaux sociaux ont été reprises, exigeant la fin immédiate de la guerre en Ukraine.

Comment Poutine pousse-t-il l'organisation à agir?

Depuis des années, la Russie détourne l’OSCE à des fins de propagande et multiplie les blocages. Sa délégation utilise les réunions pour attaquer les pays occidentaux et présenter l’Ukraine comme un agresseur présumé, tout en accusant l’organisation de partialité. Comme les décisions doivent être prises par consensus, le Kremlin conserve de l’influence malgré son isolement. 

L’OSCE n’a d’ailleurs plus de budget régulier depuis plusieurs années et fonctionne avec des financements provisoires. Son rôle devrait pourtant être de bâtir des ponts. Autour de la table siègent 57 pays, des Etats-Unis et du Canada à la Russie et à l’Ukraine, en passant par l’ensemble des Etats européens. Mais aujourd’hui, ce sont surtout les jeux de pouvoir géopolitiques qui dominent.

Pourquoi la Suisse a-t-elle pu se profiler à ce poste?

En 2014, lorsque le prédécesseur d'Ignazio Cassis, Didier Burkhalter, présidait l’OSCE, la Suisse avait réussi à s’affirmer sur la scène internationale. Après un cessez-le-feu, l’organisation avait envoyé une mission d’observation en Ukraine. Ses équipes avaient documenté les violations dans le Donbass. Elles n’étaient pas autorisées à désigner les responsables, mais leur présence et leurs rapports avaient contribué à maintenir les trêves localement.

Aujourd’hui, dix ans plus tard, la situation est bien plus complexe. Le Département fédéral des affaires étrangères le reconnaît auprès de Blick: «La Suisse va assumer la présidence de l’OSCE dans un contexte complexe, car les récents développements géopolitiques et la guerre contre l’Ukraine réduisent la marge de manœuvre de l’organisation.»

Berne souhaite néanmoins renforcer le rôle de l’OSCE. Elle reste, rappelle le DFAE, «la seule organisation dans laquelle toutes les questions relatives à la sécurité en Europe peuvent être discutées en présence des Etats européens, des Etats-Unis et de la Russie».

La présidence suisse pourrait-elle être un succès?

Les diplomates bernois laissent entendre, en coulisses, que de nouvelles perspectives pourraient s’ouvrir si la guerre prenait fin et qu’une solution négociée se dessinait avec l’Ukraine. Dans ce cas, l’OSCE pourrait jouer un rôle clé dans la surveillance d’un cessez-le-feu. Moscou, de son côté, refuserait probablement l’intervention d’acteurs plus puissants. 

Officiellement, le ton reste plus prudent. Le DFAE souligne: «En l’état actuel des choses, il n’est pas possible de prédire le rôle que pourrait jouer l’OSCE en cas de cessez-le-feu.» La Suisse s’engagera toutefois «pour que l’OSCE soit prête à assumer un rôle si nécessaire, que ce soit en Ukraine ou dans d’autres contextes».

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