L'année dernière, il a poussé l'artiste suisse Nemo vers la victoire. Cette année, il a permis à l'Autrichien JJ de triompher. Pele Loriano est le directeur musical de la délégation suisse à l'Eurovision depuis 2015 mais travaille en parallèle pour d'autres nations. «Maintenant, je dois me faire tatouer le bateau en papier de JJ. C'était un accord au cas où il gagnerait», a-t-il dit lors de son interview pour Blick.
Pele Loriano, comment se fait-il qu'en tant que Suisse, vous faites les affaires des Autrichiens?
Je porte différentes casquettes dans différentes nations. De façon générale, je recherche plein d'artistes qui ont du potentiel pour l'Eurovision.
Comment avez-vous déniché JJ?
Il faisait partie de «Starmania» en 2021 et l'ORF souhaitait depuis longtemps réaliser une contribution axée sur l'opéra. Il y a un an, JJ a alors écrit le titre «Wasted Love» avec Teya, une artiste et compositrice avec laquelle nous collaborons, et je les ai aidé à finaliser la production et à amener le tout au niveau de l'ESC.
Comment avez-vous réagi à ce titre?
Il m'a soufflé. La première fois que j'ai écouté la démo, j'étais dans mon lit. Mais j'ai tout de suite compris que la chanson avait un potentiel de top 5.
Vous avez découvert JJ en 2021, ce n'est que quatre ans plus tard qu'il s'est présenté à l'ESC. Pourquoi un délai aussi long?
C'est en réalité souvent le cas. Pour Nemo, j'ai dû me battre pendant trois ou quatre ans pour qu'il rejoigne l'équipe. Il faut parfois beaucoup de patience jusqu'à ce que le moment soit opportun. Mais cela ne veut pas dire que l'on oublie les artistes. J'ai ma liste en tête et elle ne bouge pas.
Zoë Më a obtenu la deuxième place au vote du jury, mais n'a reçu aucun point du public. Est-ce que cela se dessinait déjà lors du processus de sélection?
Non, je ne m'attendais pas à un tel écart. Je savais bien que la chanson marquerait plutôt des points auprès des jurys, car ce n'est pas non plus un titre hallucinant. Des membres de la délégation autrichienne m'ont rappelé que l'année qui avait suivi la victoire de Conchita Wurst, ils n'avaient pas non plus reçu de votes du public.
Au fait, qui vous a amené à l'ESC?
C'est le chanteur Michael von der Heide. Il voulait écrire un titre pour l'ESC, indépendamment du fait qu'il le chante ou non. Et au final, il a écrit «Goldener Thunfisch», avec lequel il s'est produit sur scène à Oslo en 2010. Et j'étais aussi choriste à cette occasion.
Est-il vrai qu'à l'époque l'Eurovision n'était pas du tout important pour vous?
Il y a eu cette phase où l'ESC est devenu un peu clownesque, mais je l'ai toujours suivi. Mais lorsque je me suis rendu sur place, cela a allumé un feu en moi. J'ai alors réalisé à quel point cette émission était géniale. En 2014, j'ai reçu un premier mandat de la SRF et en 2015, je suis devenu directeur musical.
En 2015, le retour à la maison après la demi-finale semblait à chaque fois presque acquis pour la Suisse.
Il a fallu beaucoup de temps pour que nous retrouvions le succès. Mais depuis 2019, un vent différent souffle, car nous avons changé notre approche. Avoir une chanson pour la radio ne suffit pas. Nous avons mis en place un camp d'écriture de chansons dans le cadre duquel nous avons collaboré avec des artistes de plusieurs pays comme la Suède et le Canada. Au début, il était difficile de convaincre des Suisses de participer à ce projet.
Qu'est-ce qui vous fascine dans cet évènement?
L'ESC c'est un peu comme les Jeux olympiques de la musique. Pendant les trois minutes où l'artiste est sur scène, tout doit être parfait. Je trouve cela fascinant. Et je trouve beau que tout le monde puisse avoir sa place à l'ESC, quel que soit son style de musique.
Que va-t-il se passer maintenant pour vous?
Pour moi, l'aventure va continuer. Nous organisons déjà le prochain camp d'écriture de chansons pour l'ESC et sommes à la recherche de la prochaine personne qui représentera la Suisse. Il ne suffit pas d'avoir du talent et d'être sous contrat avec un label. Il faut aussi comprendre l'aspect visuel et le jeu des réseaux sociaux. Trouver le bon talent n'est pas une tâche facile.