«Ces traités sont une bonne affaire»
Les syndicats suisses enterrent la hache de guerre avec l'UE

Au départ, les syndicats ont rejeté en bloc les nouveaux traités européens. Qu'est-ce qui les a fait changer d'avis? Daniel Lampart, économiste en chef de l'USS, prend position.
Publié: 04.07.2025 à 18:38 heures
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L'automne passé, l'économiste en chef Daniel Lampart était très sceptiques concernant les traités européens.
Photo: Keystone
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Gian Signorell
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Les syndicats sont entrés en guerre avant même que les grandes lignes du nouvel accord avec l'UE ne soient connues. «Sans une meilleure protection du service public suisse et des salaires, les syndicats ne participeront pas au paquet d'accords», a annoncé Pierre-Yves Maillard, président de l'Union syndicale suisse (USS), à la radio en décembre. Peu avant, Daniel Lampart, économiste en chef de l'USS, avait prédit que les travailleurs des pays de l'UE dormiraient sur les chantiers ou dans des camionnettes. Aujourd'hui, quelle est la position des syndicats sur les nouveaux traités européens? Daniel Lampart nous répond.

Daniel Lampart, pourquoi avoir adopté un ton aussi alarmiste l'automne passé?
Sur la base des informations disponibles à l'époque, nous pouvions craindre que la protection des salaires soit démantelée et le service public affaibli. Nous avons les salaires les plus élevés d'Europe et nous sommes le pays le plus ouvert. Les entreprises allemandes et autrichiennes peuvent faire leurs offres en allemand, les françaises en français, les italiennes en italien. Cela augmente la pression de la concurrence. Voilà pourquoi nous avons toujours dit que la protection des salaires n'était pas négociable.

Les salaires en Europe

En Europe, seuls le Luxembourg et l'Islande ont des salaires plus élevés que la Suisse, où le salaire moyen s'élève à 83'332 dollars par an. Suivent la Belgique, la Norvège, l'Autriche et les Pays-Bas. Un Hongrois gagne en moyenne 31'709 dollars, et au Portugal et en Pologne, les salaires sont aussi bien inférieurs au niveau suisse.

En Europe, seuls le Luxembourg et l'Islande ont des salaires plus élevés que la Suisse, où le salaire moyen s'élève à 83'332 dollars par an. Suivent la Belgique, la Norvège, l'Autriche et les Pays-Bas. Un Hongrois gagne en moyenne 31'709 dollars, et au Portugal et en Pologne, les salaires sont aussi bien inférieurs au niveau suisse.

Concrètement, quelles étaient vos préoccupations?
Dans la démocratie directe suisse, beaucoup de choses sont organisées différemment que dans d'autres pays. Même si l'Etat donne des directives, il laisse la mise en œuvre à des organisations et associations privées. C'est le cas pour l'assurance-accidents, les caisses de pension et la protection des salaires, qui est assurée conjointement par les syndicats et les employeurs grâce aux commissions paritaires. Si, par exemple, une entreprise de peinture ne respecte pas les salaires minimaux, elle est sanctionnée par cette commission. Chez nos voisins de l'UE, l'Etat remplit ces fonctions à lui tout seul.

Quel est le problème de ce système?
La manière dont nous organisons la protection des salaires chez nous n'est pas, à proprement parler, compatible avec le droit européen. Le cœur du problème n'est pas le salaire minimum, car il y a aussi des salaires minimums légaux dans l'UE, mais plutôt l'organisme qui les contrôle. Nous sommes les champions d'Europe des contrôles, alors que Bruxelles trouve qu'il y en a trop. Mais nous sommes restés fermes sur ce point et cela a porté ses fruits. Les commissions paritaires et la fréquence des contrôles sont désormais assurées, l'UE a fait une exception pour nous.

Les contrôles de salaires en Suisse

En 2023, les commissions tripartites cantonales ont effectué 36'580 contrôles en Suisse, par exemple sur les chantiers. 26% des entreprises étrangères ont été contrôlées. Environ une sur cinq avait versé un salaire insuffisant à ses collaborateurs.

En 2023, les commissions tripartites cantonales ont effectué 36'580 contrôles en Suisse, par exemple sur les chantiers. 26% des entreprises étrangères ont été contrôlées. Environ une sur cinq avait versé un salaire insuffisant à ses collaborateurs.

A présent, les nouvelles conventions sont-elles un bon accord du point de vue syndical?

Oui. Nous avons aussi pu obtenir gain de cause sur la réglementation des frais. Les entreprises étrangères doivent payer à leurs collaborateurs les taux suisses lorsqu'ils prennent leurs repas et passent la nuit ici. Le Conseil fédéral nous l'a assuré. Si le Parlement l'approuve, la réglementation entrera en vigueur. Elle empêchera les entreprises étrangères de se procurer un avantage en pratiquant des taux de frais bas.

N'êtes-vous pas trop optimiste? Le plat résistance des nouveaux accords est la reprise dynamique du droit. Qui peut garantir que l'UE ne démantèlera pas soudainement les droits des travailleurs et que la Suisse ne devra pas les reprendre?
C'est effectivement un point important. Dans l'UE, il y a des partisans de la ligne dure du marché intérieur qui essaient de renforcer le marché au détriment des acquis sociaux. Ils souhaitent par exemple réduire les obligations de déclaration pour les entreprises étrangères. En d'autres termes, elles ne devraient plus être obligées de déclarer le lieu où elles travaillent. Les contrôles seraient ainsi plus difficiles, voire impossibles. Mais les accords prévoient une clause de sauvegarde pour de tels cas. La Suisse n'est pas obligée de reprendre les détériorations de la protection des travailleurs.

Même si vous approuvez ces nouveaux accords en tant que syndicaliste, qu'en est-il de votre avis de citoyen? N'êtes-vous pas inquiet par le tribunal arbitral et la reprise dynamique du droit?
Nous sommes un syndicat. Nous nous battons pour de meilleurs salaires et les droits des travailleurs et travailleuses. En ce qui concerne les questions idéologiques, les opinions divergent aussi parmi nos membres. Nous gardons donc l'accent sur les questions syndicales pures et dures. Dans cette optique, il est clair que nous souhaitons de bonnes relations réglementées avec l'UE. L'accès au marché de l'UE est important pour nos salaires et nos emplois. Si nous ne pouvons plus exporter nos médicaments et nos machines, au bout d'un certain temps, le salaire des peintres ou des enseignants baissera aussi.

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