Tensions autour du génocide à Gaza
Fronde interne à la HES-SO contre ses «partenariats problématiques» avec Israël

108 employés de la HES-SO dénoncent «l’hypocrisie» de leur institution, qui refuse selon eux de couper les ponts avec des universités israéliennes impliquées dans l’effort de guerre à Gaza. Ils exigent la résiliation immédiate de tous les partenariats concernés.
Publié: 17:47 heures
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Dernière mise à jour: 19:02 heures
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Le personnel de la HES-SO refuse toute coopération avec des institutions soutenant une armée impliquée dans un génocide.
Photo: IMAGO/CTK Photo

Peut-on coopérer avec des institutions qui soutiennent une armée impliquée dans un génocide? A la Haute école spécialisée de Suisse occidentale (HES-SO), la réponse est jugée floue et timide par le personnel. Et ça ne passe pas. Dans un courrier adressé au Rectorat, 108 employés déplorent «l'hypocrisie» de leur institution, qui refuserait de rompre clairement ses liens avec des universités israéliennes collaborant avec Tsahal.

Rembobinons. Le 29 août dernier, la HES-SO annonçait la suspension d’un partenariat entre la HEAD (Haute école d’art et de design de Genève) et le Shenkar College of Engineering, Design and Art, une université israélienne impliquée dans la fabrication et la réparation de matériel militaire pour l’armée israélienne.

Un partenariat est un soutien

Pour bon nombre de collaborateurs, suspendre ne suffit pas. Ils écrivent, début octobre, au Rectorat. «Un partenariat est un soutien apporté ici à des universités concrètement impliquées dans le génocide, affirme Isabelle Probst, professeure HES et signataire du texte. «Le Rectorat a fait un petit pas dans le sens des mesures demandées d'abord par les étudiants, puis par les collaborateurs», ajoute la professeure.

Elle poursuit: «Mais il n'a visiblement pas envie d'aller plus loin, pour des raisons qui nous échappent.» A noter qu’il n’y a aucun enjeu financier derrière ces accords. Leur maintien ne se justifie donc pas par une quelconque rentabilité pour l’école.

Un précédent inquiétant

Le 9 octobre, la HES-SO répond à ses collaborateurs en colère. Aujourd'hui, ces derniers critiquent vivement ce qu'ils qualifient de «non-réponse». Le ton employé dans le courriel du jour est donc sans détours.

Se basant sur le rapport d'Amnesty International d'avril 2025, confirmé par une commission d’enquête indépendante de l’ONU accusant Israël de commettre un génocide, les collaborateurs de la HES-SO craignent un précédent regrettable. «Si une telle situation ne justifie pas une résiliation, quelles circonstances pourraient alors la justifier?» questionnent-ils.

Dans ce contexte, la poursuite de liens académiques est jugée intenable. Shenkar, mais aussi la Bezalel Academy of Arts and Design et le Holon Institute of Technology, sont accusés par les signataires de collaborer directement avec Tsahal, à travers la conception, production et réparation d’équipements militaires. Tous trois ont des accords en vigueur avec la HES-SO.

Une distinction contestée

Ce qui irrite particulièrement les signataires, c’est le traitement différencié entre les partenariats. Le Rectorat affirme que seul celui avec Shenkar (via la HEAD) était «actif», et donc concerné par une évaluation. Les autres seraient «inactifs».

Pour Isabelle Probst, cette distinction ne tient pas. « Nous contestons cette notion d'actif ou non-actif. Le vrai problème est le fait même de considérer ces institutions comme des partenaires. D'ailleurs, ces universités affichent ces liens, elles s'en réclament. Se cacher derrière le fait que ces partenariats n'ont bénéficié à personne ces dernières années, c'est une excuse. »

Ainsi, sur les sites de ces universités israéliennes, on retrouve des noms familiers comme l'ECAL ou la HEAD dans la liste des «mobilités» possibles. Soit des établissements étrangers où les étudiants peuvent effectuer un échange.

Méthode jugée hypocrite

Les critiques pointent aussi une faille dans la méthodologie d’évaluation de la HES-SO, pourtant saluée et présentée comme rigoureuse. «C'est une forme d'hypocrisie, regrette la Professeure. L'institution a mis en place un bon règlement, mais ne l'applique pas. D'ailleurs, le partenariat entre l'ECAL et Shenkar est maintenu. »

Contactée, la HES-SO insiste: ces partenariats «dormants» sont gelés et promis à une prochaine résiliation (lire ci-dessous). Elle estime donc ne pas contrevenir à ses propres règles.

Peur de soutenir la cause au bureau


Les signataires rappellent que la Convention sur le génocide de 1948 impose aux institutions publiques, y compris les hautes écoles, de prévenir toute forme de complicité avec les auteurs d’un génocide. Maintenir des collaborations avec des universités engagées dans des programmes militaires pourrait donc exposer la HES-SO à des risques juridiques et réputationnels.

Selon Isabelle Probst, l’immobilisme apparent du Rectorat provoque un malaise croissant dans les rangs du personnel. «Il y a beaucoup plus que 108 personnes qui soutiennent notre démarche, assure-t-elle. Mais 108 personnes qui le font ouvertement, c'est très élevé pour nous.» En effet, beaucoup de collaborateurs craignent d'afficher leur soutien à la cause sur leur lieu de travail. Les signataires du courrier exercent dans trois écoles de la HES: l'HESAV (Santé Vaud), l'HETSL (Travail social Lausanne) et l'HETSFR (Travail social Fribourg).

Les signataires demandent que tous les partenariats soient réévalués sans délai. Et que ceux conclus avec des universités soutenant activement l’effort de guerre israélien soient résiliés. «L'accord de paix, fragile, ne nous rassure pas, il n'est pas une fin de la guerre. Le cessez-le-feu est régulièrement violé, l'aide humanitaire pour Gaza est toujours bloquée », déplore Isabelle Probst. 

La HES-SO réfute tout «soutien» au génocide

Face aux critiques des 108 signataires, la HES-SO défend sa position. « Ce n’est en rien un 'soutien', affirme le Rectorat. La distinction entre accords actifs et non actifs n’a rien d’arbitraire: elle repose sur des données objectives de mobilité. Un accord est considéré comme actif dès lors qu’il a donné lieu à des échanges ou à des projets dans les cinq dernières années», développe Cédric Adrover, responsable de la communication de la HES-SO.

Dans tous les autres cas, les partenariats sont déjà engagés dans un processus de non-reconduction ou de résiliation, amorcé en 2024 et prévu jusqu’en 2026, poursuit le communicant. Cette révision concerne environ 10% des quelque 900 accords internationaux de la HES-SO, dont plusieurs dizaines ont déjà été supprimés, dans divers pays. Selon les données transmises par l’institution, aucun de ces accords n’a été utilisé par les étudiant·es ces dernières années:

  • ECAL – Holon Institute of Technology: aucun échange jamais réalisé.

  • ECAL – Bezalel Academy of Arts and Design: aucun échange jamais réalisé.

  • ECAL – Shenkar: aucun échange jamais réalisé.

  • HEAD – Bezalel : 2 mobilités entrantes et 2 sortantes entre 2016 et 2020, aucune depuis cinq ans. Il s'agit ici d'un accord de collaboration académique.

«Ils n’entrent pas dans le même processus que l’accord avec Shenkar dans la mesure où, par leur inactivité, ils sont déjà dans un processus de mise à jour des accords inactifs et seront, comme d’autres accords similaires, soit non reconduits, soit résiliés. En pratique, ils sont aujourd’hui suspendus. Aucun nouvel échange ou projet n’est autorisé dans l’intervalle», nous informe Cédric Adrover. En résumé, ces partenariats sont déjà suspendus et seront prochainement résiliés ou non reconduits.

Concernant le partenariat entre l’ECAL et Shenkar, le Rectorat contredit les signataires : selon lui, l’accord est gelé de fait, sans aucun échange en cours, et ne permettrait aucune nouvelle mobilité avant sa suppression formelle.

Sur la question du respect de sa propre grille méthodologique, le Rectorat insiste: celle-ci s’applique uniquement aux partenariats institutionnels actifs, c’est-à-dire ceux qui génèrent des mobilités effectives.

Quant aux risques juridiques évoqués par les signataires, la HES-SO les juge infondés. «Un accord de mobilité ne signifie évidemment pas une participation ou un soutien à un conflit armé, mais constitue un cadre académique et administratif permettant des échanges d’étudiants et d'étudiantes», conclut Cédric Adrover.

Face aux critiques des 108 signataires, la HES-SO défend sa position. « Ce n’est en rien un 'soutien', affirme le Rectorat. La distinction entre accords actifs et non actifs n’a rien d’arbitraire: elle repose sur des données objectives de mobilité. Un accord est considéré comme actif dès lors qu’il a donné lieu à des échanges ou à des projets dans les cinq dernières années», développe Cédric Adrover, responsable de la communication de la HES-SO.

Dans tous les autres cas, les partenariats sont déjà engagés dans un processus de non-reconduction ou de résiliation, amorcé en 2024 et prévu jusqu’en 2026, poursuit le communicant. Cette révision concerne environ 10% des quelque 900 accords internationaux de la HES-SO, dont plusieurs dizaines ont déjà été supprimés, dans divers pays. Selon les données transmises par l’institution, aucun de ces accords n’a été utilisé par les étudiant·es ces dernières années:

  • ECAL – Holon Institute of Technology: aucun échange jamais réalisé.

  • ECAL – Bezalel Academy of Arts and Design: aucun échange jamais réalisé.

  • ECAL – Shenkar: aucun échange jamais réalisé.

  • HEAD – Bezalel : 2 mobilités entrantes et 2 sortantes entre 2016 et 2020, aucune depuis cinq ans. Il s'agit ici d'un accord de collaboration académique.

«Ils n’entrent pas dans le même processus que l’accord avec Shenkar dans la mesure où, par leur inactivité, ils sont déjà dans un processus de mise à jour des accords inactifs et seront, comme d’autres accords similaires, soit non reconduits, soit résiliés. En pratique, ils sont aujourd’hui suspendus. Aucun nouvel échange ou projet n’est autorisé dans l’intervalle», nous informe Cédric Adrover. En résumé, ces partenariats sont déjà suspendus et seront prochainement résiliés ou non reconduits.

Concernant le partenariat entre l’ECAL et Shenkar, le Rectorat contredit les signataires : selon lui, l’accord est gelé de fait, sans aucun échange en cours, et ne permettrait aucune nouvelle mobilité avant sa suppression formelle.

Sur la question du respect de sa propre grille méthodologique, le Rectorat insiste: celle-ci s’applique uniquement aux partenariats institutionnels actifs, c’est-à-dire ceux qui génèrent des mobilités effectives.

Quant aux risques juridiques évoqués par les signataires, la HES-SO les juge infondés. «Un accord de mobilité ne signifie évidemment pas une participation ou un soutien à un conflit armé, mais constitue un cadre académique et administratif permettant des échanges d’étudiants et d'étudiantes», conclut Cédric Adrover.

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