Ce sont les vacances d'été! Martin Wittwer, président de la Fédération suisse du voyage (FST), accorde une interview à Blick dans laquelle il s'exprime sur les défis auxquels doit faire face le secteur suisse du voyage.
Martin Wittwer, où les Suisses vont-ils voyager cette année?
Hormis durant la période de Covid-19, le comportement des voyageurs n'a pas beaucoup changé ces dernières années. Les grandes destinations restent l'Espagne, la Grèce, la Turquie et l'Italie.
Ils n'ont pas envie de se rendre dans des lieux plus tempérés quand il fait trop chaud en Méditerranée?
Il y a davantage de gens qui voyagent en Scandinavie qu'auparavant, c'est vrai. Mais pas au détriment des destinations méditerranéennes. Les destinations nordiques ne représentent qu'une petite part de la demande de vacances, environ 8 à 9%. Nous constatons aussi que le nombre total de voyages continue d'augmenter. Cela s'explique en partie par la croissance démographique.
Il fait aussi plus frais en montagne. Les Suisses sont-ils plus nombreux à passer leurs vacances dans leur propre pays?
C'était le cas durant le Covid. La tendance est revenue à l'avant-pandémie. Environ 35% des voyageurs passent leurs vacances en Suisse, contre 65% à l'étranger.
Comment le budget des voyages a-t-il évolué?
Le prix des voyages n'a pas augmenté ces dernières années. Si l'on compare l'évolution des salaires suisses avec l'évolution des prix, les voyages sont même devenus moins chers. Avec la force actuelle du franc, c'est encore plus le cas. C'est pourquoi les Suisses continueront de voyager. Selon la Fédération suisse du tourisme, la population suisse a dépensé 18,9 milliards de francs à l'étranger l'année dernière. Les touristes étrangers ont dépensé 19,6 milliards de francs chez nous. Le bilan touristique est donc toujours positif.
Le coût de la vie augmente en Suisse, mais les Suisses ne réduisent-ils pas leurs budgets voyage pour autant?
Apparemment pas. Le besoin de se dépayser est toujours aussi fort, et nous, les Suisses, nous aimons nous offrir des vacances. Les voyages continuent d'augmenter chez nous. Les chiffres de l'aéroport de Zurich, entre autres, le prouvent.
Quelle place occupe le secteur du tourisme dans l’économie?
En Suisse, les voyages à l'étranger coûtent environ 10 milliards de francs par an. Environ un quart de ce montant, soit 2,5 milliards de francs, est réservé par des voyagistes et des agences de voyages. Les Suisses réservent le reste eux-mêmes, via des plateformes en ligne ou auprès de compagnies aériennes.
Comment les Suisses réservent-ils leurs vacances?
Nettement plus longtemps à l'avance, et nettement plus souvent pour l'automne et l'hiver. Les vacances de ski en Suisse sont chères. Nous réservons aussi de manière totalement différente: en partie via des voyagistes, en partie via nous-mêmes. La part des réservations auprès d'organisateurs et de plateformes étrangères est malheureusement encore très élevée. Ce ne serait même pas nécessaire. Très souvent, nous sommes compétitifs en termes de prix pour les voyages en Suisse.
Les numéros 1 et 2 des voyagistes suisses, Dertour Suisse et Hotelplan Suisse, comptent fusionner. Qu'en pensez-vous?
Je n'y vois aucun problème. La fusion n'affecte pas vraiment le consommateur, il a suffisamment d'alternatives où il peut réserver. Je ne vois pas non plus de changement au niveau des prix: Hotelplan et Kuoni doivent rivaliser avec les grands noms européens dans le domaine des vacances balnéaires, la fusion n'y change donc rien. Je vois ce changement d'un bon œil: au moins, la marque Hotelplan est sauvée après sa vente par Migros, et de nombreux emplois et places de formation restent en Suisse. De plus, les deux entreprises continueront à desservir l'ensemble de la Suisse, y compris la Suisse romande et le Tessin. C'est la meilleure solution possible pour la Suisse.
Mais cela ne signifie-t-il pas qu'il y aura moins d'agences de voyages en Suisse à l'avenir?
C'est possible. Dans d'autres branches – banques, électronique et autres – de plus en plus de filiales disparaissent également. Mais en même temps, les boutiques en ligne créent de plus en plus de points de vente physiques. Ce que je veux dire par là, c'est que le concept d'agence de voyages n'est pas mort. En revanche, il faut que les propriétaires investissent davantage dans la technologie moderne, soient innovants, créent une communauté, trouvent des niches de marché lucratives. Il y a là de bonnes opportunités.
Quels sont les avantages des agences de voyages?
Beaucoup apprécient le «facteur humain» dans la vente. Cela crée de la proximité et de la confiance, tout en offrant un service: celui qui réserve lui-même un voyage complexe se rend vite compte de la complexité de la tâche. D'autre part, les voyages à forfait négociés par les agences de voyages offrent une sécurité: la garantie des fonds du client protège, dans le cadre de la loi sur les voyages à forfait, l'argent payé à l'avance et garantit le voyage de retour en cas d'insolvabilité de la compagnie aérienne, du voyagiste ou de l'hôtel. Les personnes qui réservent elles-mêmes ne sont pas protégées.
Le surtourisme menace-t-il l'avenir du secteur touristique?
Le tourisme de masse ne transforme pas les voyages. Les consommateurs sont responsables et ont suffisamment d'alternatives. Malgré les tensions avec les touristes, ils continuent de se rendre à Majorque, par exemple. Les problèmes dans une petite zone de Palma et de ses environs n'empêchent pas les voyages dans toute l'île.
La population locale des centres touristiques ne voit pas les choses de la même manière...
Elle a effectivement un problème avec les touristes. C'est là, à mon avis, que la politique locale doit trouver des solutions pour endiguer le tourisme incontrôlé. Le secteur du voyage essaie depuis longtemps de proposer de nouvelles destinations et d'intégrer la durabilité dans son offre. Les Suisses, en particulier, ne font pas seulement attention au prix, mais aussi aux offres durables. Il ne faut toutefois pas avoir honte de voyager, car c'est une source économique importante. A Zurich aussi, il y a une pénurie de logements et des loyers élevés. Mais je ne vois personne crier: «Bankers, go home!»