Cette Suissesse a survécu à une tentative de féminicide
«Mon partenaire m'a tiré dessus avec une arbalète et m'a jetée dans un coffre»

La Suisse est sous le choc après le nouveau féminicide survenu mardi dans le canton de Soleure. Un drame qui ravive un douloureux souvenir chez Nicole Dill, rescapée d’une tentative de meurtre en 2007. Elle dénonce un système incapable de protéger les victimes.
Publié: 06:24 heures
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Dernière mise à jour: 09:12 heures
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Nicole Dill a survécu de justesse à une tentative de féminicide en 2007.
Photo: imago/Horst Galuschka
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Alessandro Perucchi

Elle souhaitait vivre loin de son ex-conjoint, elle l'aurait payé de sa vie. Mardi, à Egerkingen, dans le canton de Soleure, le corps de Giulia M.*, 38 ans, a été retrouvée sans vie. Le suspect, un Suisse de 41 ans, n'est autre que son ex-mari. Après le meurtre de Giulia, il se serait rendu dans le village voisin d'Häggendorf, où il aurait tué les deux parents de la jeune femme, avant de se rendre de son plein gré au commissariat.

Ce qui est arrivé à Giulia M., Nicole Dill l’a aussi vécu. A 56 ans, elle se dit miraculée. Et pour cause. Elle a survécu de justesse à une tentative de meurtre. Son ex-partenaire l’a enlevée, puis l'a violentée. Après avoir tenté de l’asphyxier dans un garage, il l’a violée. «Il m'a tiré dessus avec une arbalète et il m’a jetée, bâillonnée, dans le coffre de sa voiture», raconte-t-elle. A l’hôpital, les médecins urgentistes n’arrivaient pas à croire qu’elle soit encore en vie.

Gain de cause devant la CEDH

Son ex-compagnon, qui s’est suicidé en détention provisoire, était un meurtrier et délinquant sexuel déjà condamné. Il présentait en outre un haut risque de récidive. Pourtant, en raison de la protection accordée à l’auteur, Nicole Dill n’en a jamais été informée. 

Elle a donc décidé de porter plainte contre le canton de Lucerne, où elle résidait. Après une longue procédure, elle a fini par obtenir gain de cause devant la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH), qui a condamné la Suisse pour ne l'avoir pas suffisamment protégée.

Victimes trop peu protégées

Nicole Dill est évidemment très affectée par le drame survenu mardi dans le canton Soleure. «Encore un féminicide, un de trop!», s'exclame-t-elle. Le fait que le meurtrier présumé ait tué trois personnes à deux endroits différents témoigne, selon en elle, d'un acte prémédité. «C'est un schéma de récidiviste!» Elle se dit toutefois surprise par le fait que l'auteur présumé se soit rendu de lui-même au commissariat.

«Chaque féminicide est le fruit d'une protection de l'auteur et non de la victime, et chacune des personnes au courant [du profil de l'agresseur] se rend complice», poursuit Nicole Dill. Dans la majorité des cas, l’attention reste selon elle centrée sur la réinsertion du condamné, reléguant au second plan l'exposition des futures victimes. Depuis sa tentative de meurtre en 2007, quelques progrès ont certes été réalisés. «Mais on est encore très loin du compte!»

Les chiffres actuels sur les féminicides en Suisse lui donnent raison: au cours de la seule année 2025, 18 femmes ont été tuées. Dans la grande majorité des cas, elles sont mortes sous les coups de leur conjoint ou ex-conjoint. De façon quasi-systématique, l'auteur s'était déjà montré violent avant de commettre son crime.

«J'ai été condamnée à perpétuité»

C’est pourquoi, selon Nicole Dill, il est vital que les femmes cherchent de l’aide dès les premiers signaux. «Ne comptez pas sur un changement de comportement de votre partenaire», insiste-t-elle. Elle conseille de faire confiance à son intuition, de se séparer en étant soutenue et accompagnée, et de se rendre sans attendre au commissariat pour porter plainte.

Les centres de soutien aux victimes ou les foyers pour femmes peuvent également offrir une aide précieuse. Dans cette optique, Nicole Dill a fondé sa propre structure, Sprungtuch, il y a de cela 14 ans.

Aujourd'hui, elle n'a pas toujours pas digéré l'acte de violence qu'elle a subi. Elle n'y parviendra probablement jamais. Nicole Dill est revenue sur cette expérience traumatisante dans son livre autobiographique «Leben! – Wie ich ermordet wurde» (En français: «Vivre! Comment j'ai été assassinée»). «J'ai été condamnée à perpétuité», estime Nicole Dill, qui devra vivre pour toujours avec ce qui s'est passé.

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