Le conseiller fédéral Albert Rösti veut miser sur l'audace plutôt que sur la peur quant au développement de l'intelligence artificielle en Suisse. En pleine ère de mutation numérique, le chef du Département fédéral de l’environnement, des transports, de l’énergie et de la communication se montre confiant face à l’avenir.
Mercredi soir 22 octobre, lors du forum digitalswitzerland à Berne, il a défendu avec enthousiasme les opportunités offertes par l’intelligence artificielle (IA). Devant un public conquis, il a esquissé le portrait d’une Suisse qui choisit d’utiliser et de faire progresser l’IA plutôt que de la redouter.
Albert Rösti a rapidement conquis le public réuni à la Bernexpo. Son discours, programmatique, a été accueilli avec enthousiasme. «C'était une véritable injection de motivation», a commenté une auditrice. Le conseiller fédéral en a profité pour livrer des réflexions de fond: «La Suisse, en tant que site innovant, doit saisir les opportunités de l’IA», a-t-il déclaré à Blick.
La Suisse trop centrée sur les risques
Souvent, la Suisse se concentre d’abord sur les risques, estime le conseiller fédéral issu de l'Union démocratique du centre (UDC): dépendances, abus potentiels, perte de contrôle. «Ce sont des sujets légitimes», reconnaît-il. Mais selon lui, les chances sont bien plus grandes. L’IA peut «rendre notre pays plus fort, plus innovant et plus indépendant».
Le potentiel est «tout simplement énorme». Cette technologie pourrait prévenir les pénuries d’énergie, optimiser les chaînes d’approvisionnement ou simplifier les démarches administratives. «L’IA est plus qu’un projet de numérisation», a-t-il affirmé. «Elle change notre manière de travailler, de penser et de produire».
Albert Rösti n’est toutefois pas tombé dans l’euphorie. Il reconnaît les risques liés à la protection des données, au droit d’auteur ou à la domination des grandes entreprises technologiques. «Ces inquiétudes sont justifiées. Mais elles ne doivent pas nous paralyser.» L’essentiel, selon lui, est d’utiliser la technologie «avec des règles intelligentes et une responsabilité claire».
Le gouvernement veut privilégier ce qu’il appelle une «approche intelligente» et rejette toute interdiction rigide. L’objectif est de mettre en place une réglementation «agile, qui crée la confiance et empêche les abus».
Les priorités du Conseil fédéral
Albert Rösti a rappelé les trois axes centraux de la stratégie fédérale: la Suisse doit rester un «pôle d’innovation fort», garantir la protection des droits fondamentaux à l’ère numérique et renforcer la confiance de la population et des entreprises envers l’IA.
Mais la petite Suisse a-t-elle vraiment son mot à dire sur le grand marché mondial de l’intelligence artificielle? «Sans aucun doute», répond le conseiller fédéral. Pour y parvenir, le pays doit rester compétitif «grâce à des talents de haut niveau, une recherche d’excellence et un cadre fiable et favorable à l’innovation».
Genève, future capitale de l'IA?
Le conseiller fédéral voit un rôle clé pour la Suisse dans la gouvernance internationale de l’IA. Genève, estime-t-il, est l’endroit idéal: «Nulle part ailleurs ne se rencontrent autant d’organisations internationales, d’instituts de recherche, d’entreprises technologiques et de think tanks», s’est-il réjoui.
Le Conseil fédéral envisage d’ailleurs d’organiser un sommet mondial de l’IA à Genève en 2027. Ce «Global AI Summit» permettrait à la Suisse d’attirer l’attention internationale et de se positionner comme un acteur clé d’une politique technologique responsable. Rien n’est toutefois encore acquis. «Il y a la concurrence d’autres Etats et le financement n’est pas encore assuré», a admis Albert Rösti, appelant le secteur privé à soutenir le projet.
Vers une «révolution numérique»
Pour le ministre, l’IA représente un tournant historique comparable à la révolution industrielle. «Comme à l’époque, nous devons aujourd’hui créer de bonnes conditions pour la révolution numérique», a-t-il lancé.
Le forum de Berne a réuni quelque 200 personnalités suisses du monde économique, scientifique et politique. Parmi elles, Christine Antlanger-Winter, directrice de Google Suisse, Joël Mesot, président de l’EPFZ, et Nicole Burth, CEO Digital Services à la Poste.
L’organisation faîtière digitalswitzerland y a présenté son «AI Action Plan», un projet destiné à renforcer la position du pays dans l’écosystème numérique mondial. «Ce plan s’appuie sur les points forts de la Suisse», a expliqué son président Andreas Meyer à Blick. Albert Rösti a salué cette initiative comme un exemple de ce dont le pays a besoin: une collaboration accrue entre économie, science et société.
Et comment convaincre la population? La petite victoire de l'E-ID et la méfiance envers les projets numériques restent dans les esprits. Pour Albert Rösti, la clé réside dans la transparence, la sécurité et une communication claire. «Il faut montrer comment l’IA est utilisée intelligemment, et pourquoi la Suisse peut y jouer un rôle important. Nous avons besoin de pionniers qui osent aller de l’avant.»