Comment les Suisses se représentent-ils leur pays? Avec la fête nationale qui approche, un sondage représentatif réalisé par l'Université de Zurich, commandité par le groupe de réflexion Pro Futuris, montre que la population suisse est plutôt unie.
Mais plusieurs sujets divisent. Lorsqu'il s'agit des droits des minorités ou de l'indépendance suisse, les clivages traversent non seulement l’échiquier politique, mais aussi les genres.
L'enquête représentative se base sur les réponses de 2013 participants de Suisse: 1144 viennent de Suisse alémanique, 545 de Suisse romande et 324 du Tessin. Elle s'est déroulée du 4 au 30 avril 2025.
L'économie, symbole du pays
Il y a deux ans déjà, Pro Futuris s'était penché sur les narratifs que le Conseil fédéral, les partis et les associations utilisent pour parler de la Suisse et sur la manière dont ils les mobilisent. Une équipe de l'Université de Zurich avait analysé 14'000 discours, communiqués de presse, programmes de partis, débats parlementaires et autres documents depuis 1980.
Résultat: ce sont surtout les partis de droite qui maîtrisent le récit national. Au cours des quatre dernières décennies, c'est principalement l'Union démocratique du centre (UDC) qui a réussi à s'imposer en véhiculant l'image d'une Suisse attachée à la liberté et la défense.
Cette image correspond-elle encore à celle d'aujourd’hui? En se basant sur des représentations historiques associées à la Suisse, l'équipe de recherche a développé cinq récits orientés vers l'avenir:
- Une Suisse capable de compromis et de réformes
- Une Suisse internationale et neutre
- Une Suisse proche de la nature
- Une Suisse solidaire
- Un Suisse comme modèle économique
Pas de signe de polarisation. Ces cinq représentations de la Suisse trouvent un écho favorable auprès de la majorité des sondés. L'une d'entre elle ressort toutefois du lot: le modèle économique suisse. Près de 90% des personnes interrogées s'identifient à cette image. A l'autre extrémité, l'image de la Suisse solidaire ne recueille que deux tiers des voix.
La majorité veut une Suisse ouverte sur le monde
Reste à déterminer comment façonner ces images. Pour la majorité, une Suisse internationale et neutre passe par la coopération avec d'autres pays – et non par l'isolement. Ce consensus est un signe encourageant à l’approche de l’accord avec l'Union européenne (UE).
Mais en analysant les réponses en fonction de l'orientation politique des personnes interrogées, les clivages deviennent évidents sur de nombreuses questions. Avec un groupe qui se distingue: les électeurs de l'UDC. Ils militent, par exemple, pour l'indépendance nationale plutôt que la coopération internationale, et accordent davantage d'importance à la protection du paysage qu’à celle du climat. Des positions partagées par d'autres électeurs de droite, mais aussi par ceux qui ne votent pas. L'UDC pourrait-elle encore élargir sa base électorale, surtout si elle utilise ces narratifs de façon plus subtile?
Les autres camps politiques se positionnent généralement de la même manière que leurs partis. Les partis bourgeois misent sur les intérêts de la majorité (et non des minorités) et la responsabilité individuelle, tandis qu'à gauche, c'est essentiellement le soutien de l'Etat qui compte.
La protection du climat et du paysage crée le débat. Même les électeurs de gauche sont divisés sur la question. Seuls les électeurs des Vert'libéraux affichent un soutien marqué en faveur de la lutte contre le changement climatique.
Des clivages selon le genre, le revenu et le lieu de résidence
Le fait qu'un électeur du Parti socialiste (PS) ne partage pas la même opinion qu'un électeur de l'UDC n'a rien de surprenant. Mais il existe d'autres fractures.
A commencer par le lieu de résidence. Le clivage ville-campagne est net: les citadins réclament des mesures en faveur du climat et davantage d'Etat, tandis que les habitants des agglomérations et des zones rurales misent plutôt sur la protection du paysage et les valeurs libérales.
On ressent aussi un clivage au niveau du genre. Les femmes associent davantage la Suisse à la solidarité et à la proximité avec la nature, alors que les hommes valorisent la responsabilité individuelle et l'économie de marché libre.
Enfin, les réponses varient en fonction de la situation financière. Les Suisses à bas revenus réclament plus d'intervention étatique dans l'économie que leurs compatriotes mieux lotis. Aussi, les bas salaires préfèrent nettement la protection du paysage à la protection du climat. Cela s'explique probablement par la crainte d'une augmentation des prix de l'électricité et des denrées alimentaires.