Ulo Gertsch a consacré une grande partie de sa vie professionnelle aux sports de neige. Surtout en tant qu’inventeur. Pendant des années, il a conçu des fixations de ski et les a vendues à l’international. A la fin des années 1960, il crée la légendaire fixation Gertsch, première véritable fixation de sécurité pour skieurs, dont la production en série génère des dizaines d’emplois dans l’Oberland bernois. En 2004, il présente la première dameuse à hydrogène au monde, fonctionnant sans émission de gaz d’échappement.
Plus de 150 brevets internationaux portent son nom. Et pourtant, aujourd’hui, l’inventeur à la retraite est confronté à de graves problèmes financiers.
Un inventeur infatigable
C'est en 2004 qu'Ulo Gertsch atteint l’âge de la retraite. Mais rester inactif? Pour lui, c'est impensable. Il fonde alors une nouvelle société, Inventra AG. «J’ai continué à payer l’AVS et les impôts, j’ai créé des emplois», dit-il. Après sa retraite, il a encore versé plus de 150'000 francs d’impôts.
En 2019, il souhaite se retirer progressivement de l’entreprise, mais veut d’abord la préparer pour l’avenir. «Je cherchais de nouveaux administrateurs. C’est pourquoi j’ai investi un demi-million dans l’entreprise», raconte-t-il. Ce capital devait rendre la société plus attractive et permettre de lancer certains projets en cours à un stade de production en série.
Mais les nouveaux dirigeants, élus par plus de 200 actionnaires, s’avèrent être de mauvais choix. Leur gestion met la société en péril. «Ils ont mené l’entreprise à la faillite. Ils ont détruit l’œuvre de ma vie», déplore Ulo Gertsch. En 2024, Inventra dépose le bilan. Le demi-million investi s’est envolé.
Pas de prestations complémentaires
Aujourd’hui, sa rente est maigre. 2500 francs de l’AVS, et rien de plus. Comme beaucoup de retraités pour qui l’AVS ne suffit pas, Ulo Gertsch demande des prestations complémentaires (PC). «J’ai payé beaucoup d’impôts et de cotisations sociales jusqu’à plus de 80 ans, en tant que salarié à plein temps», rappelle-t-il dans un entretien avec Blick. Dans un premier temps, il obtient gain de cause. Aux 2500 francs de rente s’ajoutent 1500 francs de PC.
Mais la caisse de compensation du canton de Berne découvre l’investissement de 500'000 francs réalisé en 2019. Elle lui retire alors les PC. Motif: «Le revenu de l’épargne n’est pas suffisant.» L’investissement est considéré comme un renoncement à la fortune. Autrement dit, même si l’argent a été perdu, il est comptabilisé comme s’il existait encore.
La loi veut empêcher les retraités de transférer ou de dilapider leur patrimoine pour ensuite demander de l’aide publique. «Ils pensaient avoir débusqué un gros poisson, mais ils m’ont plongé dans une situation précaire», s’indigne Ulo Gertsch. Et d’ajouter: «Pour les autorités, je suis riche. En réalité, je suis pauvre comme un mendiant.»
En dessous du minimum vital
Il a contesté la décision, mais sans avocat, la bataille est difficile. «Je ne pouvais plus m’en payer un», dit-il. Depuis la suppression des PC, il vit uniquement avec 2500 francs par mois. De cette somme, il paie son loyer et son assurance maladie. «Il me reste environ 900 francs pour vivre.»
Pour Ulo Gertsch, c’est incompréhensible. «Ils ne font aucune distinction entre un retraité qui claque son argent en Asie et un entrepreneur qui n'a pas eu de chance. Chaque rejet de dossier est un succès pour eux, le destin personnel ne compte pas.»
La loi est la loi
Contactée, la caisse de compensation rappelle qu’elle applique la loi fédérale sur les PC. «Cette loi ne fait pas de différence entre une dilapidation volontaire et un investissement entrepreneurial qui a échoué», explique sa porte-parole Marion Ebinger.
L’objectif est d’éviter les abus: toute cession de fortune sans contrepartie est traitée de la même manière, quelle qu’en soit la motivation. «Dans le cas d’un investissement perdu, on ne vérifie pas s’il a objectivement échoué, mais seulement s’il y a eu renonciation à la fortune au sens juridique», précise-t-elle. La caisse de compensation est un organe d'application qui doit mettre en œuvre des dispositions légales.
Autrement dit, Ulo Gertsch n’aurait jamais dû investir cet argent. Pour l’inventeur, il est clair qu’il faut adapter la loi. «Dans l’état actuel, c’est beaucoup trop peu différencié», affirme-t-il, prêt à se battre.