Pas de carte, pas d'E-Bill et 1500 clients
Avec seulement trois employés, la plus petite banque de Suisse fait recette

Un peu moins de deux emplois à temps plein et un total de bilan de 79 millions de francs: la banque de la commune de Speicher (AR) est la plus petite de Suisse.
Publié: 06:38 heures
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Sarah Neuburger prendra la relève de Daniel Müller lorsque celui-ci quittera la direction de la banque en 2026.
Photo: Kim Niederhauser
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Michael Heim
Handelszeitung

Une caisse à façade vitrée, un guichet discret, un prospectus pour des voyages organisés posé sur une tablette. Au premier coup d’œil, le bâtiment de la banque à Speicher (AR) ressemble à bien d’autres agences. Ou plutôt à ce que de nombreuses agences bancaires étaient autrefois. Car l’Ersparniskasse Speicher (EKS) n’est pas juste une succursale bancaire: elle est la banque. Avec un total de bilan récemment évalué à 79 millions de francs, elle détient le titre de plus petite banque de Suisse. Trois personnes y travaillent pour l’équivalent de deux postes à plein temps et environ 1500 clients y ont un compte. En 2024, elle a réalisé un bénéfice record de près de 187'000 francs.

Contrairement à une banque Raiffeisen ou à un petit gestionnaire de fortune, l’EKS est une banque indépendante, disposant d’une licence complète. Elle octroie des crédits hypothécaires, gère des comptes d’épargne et traite les paiements de sa clientèle. Tous les trois ans, elle est soumise à un contrôle approfondi par l’Autorité fédérale de surveillance des marchés financiers.

«Nous devons démontrer que nous respectons les mêmes exigences que les autres banques», explique Daniel Müller, directeur depuis 1991, qui s’apprête à passer le témoin à sa collègue Sarah Neuburger. Pour de nombreux clients, Daniel Müller incarne la banque. Il connaît chacun d’eux et leurs affaires. Dans la petite banque du village de Speicher, la relation reste personnelle. Ici, pas de distributeur automatique: ceux qui ont besoin de liquide passent au guichet, ouvert jusqu’à 18h en semaine et le samedi jusqu’à midi.

Une chambre forte, mais pas de cartes

L’EKS possède bien une petite salle des coffres avec des casiers pour les clients. Mais pas de bourse, pas de crédits à la consommation. Les cartes de retrait n’existent pas non plus. «Ce serait trop compliqué», tranche Daniel Müller. Ceux qui veulent une carte de crédit doivent s’adresser ailleurs. «Nous travaillons dans des niches clairement définies et nous devons maîtriser les coûts pour que les comptes restent équilibrés.» Le directeur garde toujours un œil précis sur la marge hypothécaire. Il sait jusqu’à quel point un crédit reste rentable. Autre particularité: la banque est organisée en fondation. Les décisions importantes sont discutées avec le conseil.

Fondée en 1819 par des industriels, l’EKS est restée d’une taille quasi identique depuis des années. Le cap symbolique des 80 millions de francs de bilan a été atteint en 2024, mais le chiffre est depuis légèrement retombé. A moyen terme, il faudra sans doute franchir les 100 millions pour absorber des frais fixes en hausse. Daniel Müller reconnaît que cette dimension à ses forces et ses faiblesses. La proximité avec les clients est un atout: pour une demande d’hypothèque, la banque peut souvent donner une réponse ferme le jour même.

La relève est assurée

C’est ce qui a séduit Sarah Neuburger lorsqu’elle a rejoint l’EKS il y a deux ans. A 36 ans, elle raconte avoir toujours préféré les petites structures. «Le fait de ne pas devoir travailler ici en tailleur et foulard est un plus», sourit-elle. Elle demande d’ailleurs à son chef: «Je peux être photographiée comme ça pour le journal?» Daniel Müller lui-même est au guichet en chemise à manches courtes. 

Elle est arrivée à Speicher par l’intermédiaire de sa belle-mère, installée dans la commune. «Pour moi, c’était la candidate idéale», assure Daniel Müller. Et le duo fonctionne plutôt bien: Sarah Neuburger apprécie le contact direct avec les clients, la variété du travail et la philosophie maison. «Je ne possède aucune carte bancaire. Cela fait trois ans que je vis en Suisse et je m’en sors très bien», dit-elle. Et si besoin, son compagnon a toujours une carte de crédit.

Une banque locale mais connectée

Un tiers de la clientèle utilise la banque pour ses paiements quotidiens. L’EKS propose aussi des services en ligne et une application depuis quelques années. Elle s’appuie sur le système central Finstar de la banque hypothécaire de Lenzbourg, la «Hypi», et échange régulièrement avec d’autres établissements qui utilisent la même plateforme. Mais la banque se heurte aussi rapidement à ses limites. Elle ne propose pas, par exemple, le système E-Bill. «Les frais fixes seraient trop élevés pour une si petite structure», explique Daniel Müller. Le retrait annoncé du système de recouvrement direct (LSV) compliquera encore les choses.

Et reprendre une banque dirigée par la même personne depuis 1991, est-ce intimidant? Sarah Neuburger sourit et assure qu'elle se réjouit de relever ce défi. Elle prévoit bien quelques ajustements. «Daniel ne note presque rien, il garde tout en mémoire. Nous allons certainement écrire un peu plus qu’avant.» Modifier l’offre, en revanche, reste difficile. Pour se lancer dans le conseil en placements, il faudrait d’abord changer les statuts. Jusqu’ici, la réponse a toujours été négative.

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