Cédric Moret, directeur général du groupe Elca, principal actionnaire de la société mère de Serafe, rejette fermement les accusations de la «NZZ» selon lesquelles il se serait approprié six millions de francs issus de la collecte des redevances radio et TV. Il envisage à présent de porter l’affaire en justice.
Cédric Moret, la «NZZ am Sonntag» vous accuse d'avoir détourné des dividendes Serafe pour votre propre compte. Cela n'a pas manqué de vous mettre en colère. Quel est votre point de vue?
Je ne pense pas que ce soit la «NZZ am Sonntag» en tant que telle, mais plutôt un journaliste en particulier. Sur le fond, son affirmation est tout simplement fausse. Il laisse entendre que je me serais personnellement approprié six millions de francs provenant de la collecte des redevances radio et TV. Il semble aussi considérer qu’il est problématique pour une entreprise de générer des bénéfices. Ces insinuations portent atteinte à ma personne et nuisent à la réputation de notre groupe. Je ne peux pas laisser passer cela.
Comment? Envisagez-vous une action en justice contre la «NZZ am Sonntag» et le journaliste?
J'ai toujours été et suis toujours prêt à expliquer notre position. Je suis fier que notre travail ait permis à la Confédération d'économiser un montant moyen de plusieurs dizaines de millions. Mais si les faits sont déformés et que nos arguments ne sont pas pris en compte, nous n’avons pas d’autre choix que d’envisager des recours juridiques. Donc oui, une procédure est à l’étude.
Le débat autour des bénéfices de Serafe et de leur utilisation pourrait réjouir les opposants à la RTS. Ce n’est probablement pas dans votre intérêt.
La question du journalisme financé par la redevance est une chose. Ici, il s’agit de la collecte de cette redevance, soit un tout autre sujet. Le journaliste a mélangé les deux. Pour moi, c’est clair: cette attaque contre moi et contre Serafe est politiquement motivée. Il n’y a sans doute rien d’anodin dans le fait que l’article soit paru une semaine avant le grand débat au Conseil national sur l’initiative visant à réduire la redevance de moitié.
Mais il est établi que Serafe a versé six millions de francs de dividendes en 2024. Si vous n'avez pas touché cet argent, qui en a bénéficié?
Cette somme a été versée à Secon, l’entreprise qui détient Serafe. Secon réinvestit ces fonds dans le développement de ses plateformes technologiques, ce dont l'entreprise bénéficie directement.
Secon, la maison-mère de Serafe, a fusionné avec une autre de vos sociétés, Sumex, qui propose des solutions logicielles pour les caisses-maladie. Si je ne me trompe pas, Serafe est intégrée à Elca Holding à travers cinq niveaux de structures. Pourquoi une telle complexité?
Nous avons connu une forte croissance au cours des dix dernières années, notamment par le biais de rachats. C'est ce qui a conduit à la structure actuelle. Serafe nous a également rejoint à la suite d'une transaction, à savoir en 2022, lorsque nous avons acquis la majorité de Secon. Cela nous permet par exemple de réaliser des économies d'échelle technologiques, plusieurs clients profitant alors d'investissements communs.
Pourquoi ne publiez-vous pas de rapport annuel pour le groupe? Craignez-vous la transparence?
Nous sommes un groupe d'entreprises privé et ne publions pas de rapport de gestion consolidé, nous n'y sommes d'ailleurs pas obligés. En revanche, Serafe publie son propre rapport. On y voit par exemple que la société réalise une marge bénéficiaire d'environ 10%, ce qui est tout à fait habituel dans notre secteur d'activité.
Des experts comme le professeur émérite Otfried Jarren argumentent que l'organisation doit agir «dans un but et pour le bien commun». Les bénéfices sont nécessaires en termes de gestion d'entreprise, mais devraient surtout servir à garantir la collecte des redevances à long terme, par exemple en investissant dans l'optimisation du processus. Que répondez-vous?
La préoccupation du professeur Jarren est précisément la raison pour laquelle les dividendes ont été versés à la Secon et non aux actionnaires. Grâce aux investissements, le système est resté à la pointe de la technologie et nous avons pu réduire les coûts. C'est aussi l'une des raisons pour lesquelles nous avons pu remporter l'appel d'offres de l'OFCOM pour la deuxième fois l'année dernière.
La «NZZ am Sonntag» a également abordé votre situation de vie privée. On dit que vous vivez dans une villa avec vue sur le lac Léman. Cela ne correspond pas vraiment à l'image du comptable dans l'imaginaire collectif, un fonctionnaire ultra-conformiste, bureaucrate et sans extravagance, qui envoie des factures pour le compte de la Confédération.
Oui, je vis dans une villa avec vue sur le lac Léman. Et alors? Le journaliste veut ainsi donner une image qui suggère que je me suis enrichi personnellement avec l'argent de Serafe. Pourtant, cette dernière ne contribue qu'à environ 6% du chiffre d'affaires du groupe Elca, une entreprise de plus de 2000 collaborateurs qui compte parmi les plus grandes sociétés informatiques de Suisse.
Comment êtes-vous parvenu à votre fortune?
Je ne m'exprimerai pas en détail sur ma situation financière. J'ai tout construit moi-même en travaillant dur: j'ai grandi dans une ferme près de Lausanne et j'ai été le premier enfant de notre famille à pouvoir faire des études. Mon père ne m'a pas donné d'argent pour que je puisse entrer chez Elca. Pour cela, j'ai dû m'endetter et prendre des risques considérables.