«Pierre-Antoine Hildbrand me l'a piqué»
Primé pour avoir voulu désarmer la police, cet élu vert s'est fait voler son trophée!

L'élu lausannois Ilias Panchard a reçu un prix satirique pour son postulat sur une police municipale désarmée. Surprise: c’est Pierre-Antoine Hildbrand, municipal PLR, qui s’est déplacé pour le récupérer à Zurich, sans en informer le gagnant.
Publié: 21.05.2025 à 06:13 heures
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Dernière mise à jour: 21.05.2025 à 08:20 heures
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Le conseiller municipal lausannois Pierre-Antoine Hildbrand (à droite), récupérant le trophée décerné à l'élu Vert Ilias Panchard. A gauche, Gregor Rutz, conseiller national UDC zurichois et au centre, Emmanuel Fivaz, président de la fédération suisse des fonctionnaires de police.
Photo: LinkedIn- Fédération Suisse des Fonctionnaires de Police
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Lucie FehlbaumJournaliste Blick

Le 12 mai dernier, Zurich accueillait un grand moment de démocratie taquine: la remise du très sérieux prix du «Paragraphe rouillé», devant 350 invités. Cette distinction, décernée chaque année par la Communauté d’intérêts Priorité Liberté, honore l’intervention politique «la plus inutile», ou le projet «le plus bizarre et bureaucratique de l'année». Tout un programme.

Dans les faits, une brochette de parlementaires et sénateurs de droite – surtout alémaniques –, se livre à un petit jeu: épingler les propositions de gauche qui, selon eux, frôlent le surréalisme. Côté romand de ce Champignac politique, on retrouve dans le comité l'ancien élu de l'Union démocratique du centre (UDC) fribourgeois Jean-François Rime, ou le libéral-radical (PLR) vaudois Olivier Feller.

Un trophée, une vidéo… et un coup de théâtre

Cette année, c’est le Lausannois Ilias Panchard qui décroche la médaille d'or. Son postulat demandant de désarmer la police municipale lors de certaines interventions a enflammé le débat en janvier dernier – et lui a offert un triomphe au second degré, raflant plus de 40% des suffrages du jury du «Paragraphe rouillé».

Hélas, le Vert, pris par une séance de comité, n’a pas pu faire le déplacement pour recevoir son prix. Il a donc enregistré une interview avec le modérateur de la soirée, projetée lors de la cérémonie. Mais c’était sans compter sur un rebondissement inattendu: le municipal lausannois de la Sécurité, Pierre-Antoine Hildbrand, a pris les devants… et la coupe.

Où est le prix d'Ilias Panchard?

En effet, sans prévenir Ilias Panchard, le PLR a fait le voyage jusqu'à Zurich pour récupérer le prix. Il s'est retrouvé en photo avec le trophée du conseiller communal sur les réseaux de la Fédération suisse des fonctionnaires de police.

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Le PLR a tendance à tout privatiser, mais pour un prix humoristique, c'est pousser le bouchon un peu trop loin
Ilias Panchard, conseiller communal lausannois
»

«Je me suis dit qu'il m'avait piqué mon prix, sans même me prévenir», s'étonne le conseiller communal. Les deux hommes n'ont pas eu de contact depuis. «Je ne sais donc pas où est ma récompense. Le PLR a tendance à tout privatiser ou à s'accaparer le travail des autres, mais pour un prix humoristique, c'est pousser le bouchon un peu trop loin», s'amuse Ilias Panchard.

Le Vert aurait pourtant voulu en être. «Je remercie toutes les personnes qui ont voté pour moi afin de me décerner ce prix, c'est très rare d'en recevoir en politique, salue-t-il. J'espère que ce ne sera pas le dernier. C'est bon signe pour un écologiste d'être critiqué par des ultra-libéraux et des élus de droite pris dans une course sécuritaire. J'en suis honoré.»

Présent à Zurich, absent en réunion de quartier

Blague à part, un point fait sérieusement tiquer le conseiller communal: Pierre-Antoine Hildbrand a réussi à dégager plusieurs heures pour un aller-retour à Zurich, mais pas pour une rencontre avec les habitants du quartier de la rue de Genève–Sévelin–Sébeillon. Ces derniers s'exprimaient, le 25 avril, sur les nuisances et l’insécurité qu'ils vivent au quotidien.

«Ça m'étonne que le municipal de la Sécurité n'ait pas le courage politique de venir rencontrer ces habitants qui souffrent à Lausanne. J'y étais, ils ont questionné son absence et attendent des réponses politiques. Par contre, il a eu le temps de faire cinq heures de trajet pour un prix comique entre sympathisants de droite», tacle Ilias Panchard. 

Qu’en pense Pierre-Antoine Hildbrand? Va-t-il garder le prix du conseiller communal? Représentait-il la Municipalité, ou est-il parti en mission personnelle? «J’y étais comme conseiller municipal, directeur de la Sécurité», précise-t-il. J’étais invité par les organisateurs. Je ne savais pas s’il y serait ou non.» 

Quant à son message, il détonne un peu avec l’ambiance d’une cérémonie humoristique. «J’y étais pour témoigner de mon soutien aux policières et policiers visés par la proposition dangereuse de M. Panchard», explique-t-il. Pour le concours de blagues, on repassera. Et le trophée dans tout ça? Pierre-Antoine Hildbrand ne compte pas le garder, il le remettra à son propriétaire.

Echange avec les habitants annoncé

Lorsqu'on le questionne sur le fait d'avoir le temps de monter à Zurich pour une soirée légère entre élus de droite, mais pas pour rencontrer les habitants d’un quartier lausannois, la réponse semble moins idéologique que simplement calendaire. Car sa présence le 25 avril n’était visiblement pas prévue.

«La séance visait à répondre à certaines questions. Les réponses ont été données par le Corps de police pour celles qui sont de leurs compétences. Pour les autres questions, des réponses doivent encore être amenées par des tiers», corrige-t-il. Le municipal a prévu de rencontrer les habitants avant les vacances d’été.

«Des agents de sécurité sans arme, ça existe déjà»

En janvier dernier, le postulat d'Ilias Panchard avait provoqué une onde de choc, qui lui a valu de très nombreux commentaires et courriers haineux. Le 14 janvier, le conseil communal acceptait sa proposition, et demandait à la Municipalité de l'étudier. Cette dernière a devancé le processus parlementaire classique, en exprimant son rejet dans un communiqué, plutôt qu'en séance du Conseil communal.

Ilias Panchard déplore aujourd'hui une instrumentalisation de son postulat. «L'idée, ce n'était pas de désarmer toute la police lausannoise. Mais de provoquer le débat sur la mission de la police municipale, et lui permettre de retrouver son vrai rôle de proximité, rappelle-t-il. Or, ça a pu être perçu comme un outrage à la mission de la police, alors que des agents sans arme, ça existe déjà.»

L'élu fait ainsi référence aux agents de sécurité engagés par la Municipalité pour remplir des missions de sécurité publique sans arme à feu, puisqu'ils n'ont, en général, pas le droit d'en porter. «Tout le monde sait qu'actuellement, on a beaucoup de postes de policiers qui ne sont pas repourvus à Lausanne, contextualise l'écologiste. On n'arrive pas à engager suffisamment de monde. La Municipalité engage donc des agents de sécurité, qui n'ont pas le brevet de police. Et ça, ça n'offusque personne», souligne-t-il.

Un constat que nuance Pierre-Antoine Hildbrand, qui rappelle que les agents en question ne remplissent pas des fonctions policières à proprement parler, mais sont nés d’un besoin spécifique: «Les agents d’accueil et de sécurité ont été créés pour l’entrée dans l’Espace de consommation sécurisé en 2018. Ils n’exercent pas des tâches policières et sont une dizaine», précise-t-il.

Circulez, y’a plus débat

Le débat autour du postulat peut-il encore évoluer avant la réponse officielle de la Municipalité en séance, ou est-il déjà clos? A cette question, Pierre-Antoine Hildbrand répond simplement: «Non». On peut donc imaginer que la discussion s’arrête là.

Le conseiller communal vert espère, lui, que le débat continuera avec le chef de la Sécurité. «Sauf si le municipal a de nouveau un voyage loin de Lausanne à effectuer?», ironise l'écologiste.

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