Les fêtes au service des autres
«Au contact de la misère, on est face à une telle gentillesse! C’est ça, l’esprit de Noël»

Le 25 décembre, beaucoup savourent leur congé en choisissant de passer du temps en famille. Certaines personnes sont pourtant bien présentes au travail ou donnent de leur temps dans une activité de bénévolat. Rencontres à travers la Suisse romande.
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La mère de Mélanie Zilli était la présidente de l'association Noël Autrement.
Photo: Sedrik Nemeth
Sandrine Spycher
Sandrine Spycher
L'Illustré

Mélanie Zilli: bénévole de l’association Noël Autrement

Une émotion, un lien, une ambiance. «C’est inexplicable sans l’avoir vécu», insiste Mélanie Zilli, bénévole depuis une dizaine d’années pour Noël Autrement, association qui propose des mets chauds ou froids à tout un chacun durant deux jours, les 24 et 25 décembre, au péristyle de l’Hôtel de Ville de Neuchâtel. Coordinatrice au sein du comité, la quadragénaire gère les aspects logistiques et organisationnels en amont de l’événement, puis se mue en responsable du buffet pendant la fête.

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Une telle gentillesse, c’est ça, l’esprit de Noël
»

Cela représente beaucoup de travail, mais aussi beaucoup de bonheur. «Je n’ai jamais vu ailleurs des gens aussi souriants, polis et chaleureux que les personnes qui viennent, même si ce n’est que pour chercher un café ou une soupe. On m’a souvent demandé pourquoi je fais ça, au contact de la misère et des crève-la-faim, mais ces a priori ne sont pas fondés. Sur place, on est face à une telle gentillesse! Pour moi, c’est ça, l’esprit de Noël.»

Cette maman de trois jeunes de 21, 18 et 13 ans se réserve quelques heures en famille dans la soirée du 24 décembre et le matin du 25, «pour ouvrir les cadeaux». C’est en suivant l’exemple de sa propre mère que Mélanie Zilli a rejoint Noël Autrement, il y a dix ans. «Ma maman était présidente de l’association à une époque. Un jour, j’étais venue l’attendre après une réunion du comité et on est tous allés boire un verre ensemble. Je participais aux discussions et on m’a dit: «Toi, tu as de bonnes idées, il faut que tu nous rejoignes!» Et j’ai été embarquée dans l’aventure, ça s’est passé très vite.»

Depuis, chaque édition amène son lot d’émerveillements et de belles rencontres, que ce soit face au buffet de plats ou lors des animations et concerts. L’organisation d’un événement de cette ampleur est exigeante. Entre les six frigos et les nombreuses tables à installer, la centaine de bénévoles à encadrer et, enfin, le nettoyage à assurer, des moments de désespoir viennent parfois s’infiltrer dans la bonne humeur. «Chaque année, le 25 au soir, on pleure parce qu’on est fiers et heureux d’avoir réussi.»

Jean-Claude Fasel: maître de chapelle à la cathédrale de Fribourg

Pour Jean-Claude Fasel, la fête de Noël n’est pas seulement un jour, mais aussi une nuit. Depuis 2016, il dirige la messe de minuit et la messe du jour à la cathédrale Saint-Nicolas. Mais la découverte de cet office particulier remonte à son enfance. «Mes parents chantaient dans le Chœur mixte de Sainte-Thérèse et participaient à la messe de minuit. Quand j’ai découvert qu’ils partaient chanter en pleine nuit, je les ai convaincus de m’y emmener. Je devais avoir environ 7 ans et j’étais tout content d’y aller, même si j’ai fini par m’endormir sur le banc», raconte le sexagénaire avec un sourire chaleureux.

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Que l’on soit pratiquant ou non, le 25 décembre n’est jamais banal
»

Bien plus tard, alors que les années ont passé et qu’il compte près de trois décennies de représentations, Jean-Claude Fasel remarque que les paroissiens sont plus nombreux lors des messes de Noël. «C’est un moment particulier pour tout le monde, que l’on soit pratiquant ou simplement sensible à ces festivités, cette période n’est jamais banale. Cela peut aussi cristalliser certaines tensions ou faire ressortir des émotions. Ce mélange donne tout son sens à Noël.»

Face à l’assemblée, l’orchestre, le chœur et les solistes assurent les moments musicaux de la messe sous la baguette du maître de chapelle. Réunir suffisamment de volontaires pour garantir la qualité de la musique n’est pas une mince affaire. «Mon défi est de motiver les gens afin qu’ils délaissent temporairement leur famille de sang pour s’unir à leur famille spirituelle. Trouver assez de musiciens et de chanteurs tient parfois du miracle.»

D’autant plus que ce n’est pas une, mais deux messes qui sont chantées: à minuit (diffusion en direct sur RTS Première et Espace 2) et en matinée. «On finit à 1 h du matin et on est de retour sur la tribune à 9 h. C’est une sorte de marathon qui nous sort de notre confort.» Malgré les contraintes, Jean-Claude Fasel ne manquerait ces moments pour rien au monde, tant les messes de Noël font partie de lui. Une fois l’office terminé, il rejoint tout de même sa «famille de sang» pour le repas.

Adrienne Monnet: responsable du guichet d’information de Téléverbier

Voilà trois années consécutives qu’Adrienne Monnet travaille le 25 décembre. «Je pense que l’année prochaine, je vais changer ça», révèle en riant la responsable du guichet d’information de Téléverbier à Médran (Verbier, VS). Elle fait partie de l’équipe d’une dizaine de personnes travaillant à l’information et aux caisses le jour de Noël, sur ce site des 4 Vallées.

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Les clients sont très chaleureux ce jour-là
»

Pas question de réduire les effectifs en ce jour festif, car les clients restent nombreux, qu’ils soient des abonnés du coin ou des vacanciers de plus loin. «On met nos pulls de Noël ou alors des petites boucles d’oreilles de fête ou des chapeaux de saison. Dès que les touristes nous voient en arrivant, ils sont souriants et très chaleureux ce jour-là. Ils comprennent qu’on travaille pour qu’ils puissent skier.»

A ce poste depuis 2020, la quadragénaire vive et souriante se veut volontiers conciliante. «Ma collègue Anne-Claude chante à la messe de Noël. Donc je travaille pour la laisser y aller. L’autre jour, je lui ai dit en plaisantant qu’on pourrait inverser nos rôles l’année prochaine et que j’aille, moi, chanter à la messe!» D’ailleurs, à l’aube de 2026, Adrienne Monnet sera aussi au bureau à Nouvel An. «Je n’avais rien de prévu alors je me suis dit: «Autant travailler et laisser le congé aux gens qui ont prévu un événement à la Saint-Sylvestre.»

Adrienne Monnet est responsable du guichet d'information de Téléverbier.
Photo: Sedrik Nemeth

Cette maman de trois enfants de 12, 8 et 2 ans ne fête-t-elle pas Noël en famille? «En principe, on fête plutôt le 24 au soir. Le 25, c’est sympa de laisser les enfants avec leurs grands-parents. Au travail, je fête avec les collègues et avec les clients qui nous souhaitent toujours un joyeux Noël. Ils nous donnent autant de vœux que de sourires.» En 2026, Adrienne Monnet changera pourtant ses plans: «Mon conjoint et moi sommes en train de construire une maison. Alors, l’année prochaine, je prendrai congé à Noël et je ferai un bon repas dans notre nouvelle maison!»

Danielle Junod: bénévole de l’association Noël Autrement

Les quelques heures de bénévolat de Danielle Junod se sont vite transformées en trois décennies à faire vivre l’association Noël Autrement qui, tous les 24 et 25 décembre depuis 1994, offre repas et animations dans l’enceinte du péristyle de l’Hôtel de Ville de Neuchâtel. «Comme toute association, Noël Autrement s’est réalisée petit à petit. J’ai longtemps été vice-présidente et j’ai quitté mon poste cette année.

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Ces 30 années n’ont pas toujours été tranquilles. Il y a eu des hauts et des bas, mais j’ai fait la rencontre de personnes uniques et magnifiques
»

Un nouveau comité s’est formé pour donner une nouvelle dynamique tout en gardant l’état d’esprit de cet événement qui reste neutre, en dehors de toute politique ou religion.» Danielle Junod souligne l’importance de laisser la liberté à chacun de venir comme il est, sans pression ni jugement, simplement pour profiter du moment. «Chacun vient certainement avec son lot de difficultés, parfois pour s’éloigner d’un schéma de solitude. Le sourire des gens et leur gentillesse, c’est un très beau cadeau.»

Danielle Junod est émue en repensant au chemin parcouru pour pouvoir offrir un moment de partage. «Ces 30 années n’ont pas toujours été tranquilles. Il y a eu des hauts et des bas, mais j’ai fait la rencontre de personnes uniques et magnifiques.» Elle a parfois cru devoir tout arrêter lorsque les membres du comité s’en allaient, souvent par manque de temps à investir. Pourtant, à chaque fois, une nouvelle énergie regagnait les personnes restantes, qui redoublaient d’efforts pour organiser l’événement.

«Je suis émue et heureuse de voir que Noël Autrement se poursuit, notamment grâce à la générosité de nombreux donateurs privés et publics. Vous savez, cette période de l’année peut être un peu sinistre quand tous les établissements de la ville sont fermés. Alors on apporte un peu de chaleur et d’animation», se réjouit-elle. Selon les années, jusqu’à 3000 personnes viennent se restaurer durant les deux jours. La musique et le coin enfants connaissent également une bonne fréquentation. Des gens de tous horizons se croisent et se côtoient. Danielle Junod garde en mémoire des moments d’émotion où la confiance des visiteurs se traduit en échange personnel.

Informations pratiques:
Noël Autrement 2025 au p
éristyle de l’hôtel de ville, Neuchâtel
24 décembre de 16h à 2h
25 décembre de 8h à 20h

Un article de «L'illustré» n°51

Cet article a été publié initialement dans le n°51 de «L'illustré», paru en kiosque le 18 décembre 2025.

Cet article a été publié initialement dans le n°51 de «L'illustré», paru en kiosque le 18 décembre 2025.

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