Genève est-elle assise sur une mine d’or en bradant la plaine de Plainpalais ? La question peut se poser, alors que la dernière salve d’applaudissements retentissait il y a plus de 48 heures sous le chapiteau du Cirque du Soleil. En ce mardi 1er juillet, l'espace public bruisse encore d’activité. Des ouvriers s’affairent à démonter la gigantesque tente. Barricadée pendant plus d’un mois, la plaine a offert son sol pelé à la troupe québécoise, du 23 mai au 29 juin.
Pour arrimer la structure haute de 19 mètres, 1200 piquets ont été plantés, tandis que le goudron coulé pour stabiliser l’ensemble rappelle l’ampleur de l’opération. Quinze mille mètres carrés d’espace public ont ainsi été monopolisés pour accueillir ce spectacle XXL.
Timides recettes pour la commune
Pour les riverains, c’est un paradoxe: vivre au bord de ce rectangle couvert de gorrh du Beaujolais – ce sable rouge qui se prête à tous les usages – signifie bénéficier d’une place de choix pour observer les manifestations culturelles. Mais est-ce que cette occupation génère des recettes à la hauteur? Pas vraiment. Du moins, pas lorsqu’un cirque plante son chapiteau.
Le tarif journalier consenti aux cirques est quasi symbolique: dix centimes le mètre carré par jour, hors montage et démontage, qui restent à leur charge. En clair, le Cirque du Soleil n’a versé que 57’000 francs pour investir la plaine pendant 38 jours de show.
Bénéfices en milliard
Une somme qui interroge quand on connaît le prix des billets, vendus de 71 à 357 francs la place, pour un chapiteau pouvant accueillir 2600 personnes. Durant les quatre derniers jours, quelques sièges se sont vendus à 57 francs, mais l’essentiel des recettes est resté conséquent.
Difficile de connaître le chiffre d’affaires exact de «Kurios», les données financières du Cirque étant jalousement gardées. Mais à titre de comparaison, trois représentations de «Michael Jackson: The Immortal World Tour» à Zurich en 2013 avaient rapporté 2,65 millions de francs. Et la société holding qui gère la troupe, remise à flot après la crise du Covid, a dépassé le milliard de francs de revenus annuels en 2023.
Attirer les cirques à Genève
Accorder de tels rabais a-t-il encore du sens ? Un règlement municipal genevois prévoit ces tarifs préférentiels. Pour la Ville, la question reste celle de l’attractivité. La ristourne spéciale cirque «s’explique par le souhait des autorités d’attirer des cirques à Genève. C’est une volonté politique et la reconnaissance aussi de l’importance des cirques comme acteur culturel et facteur d’animation. Ce qui reste d’actualité», explique Cédric Waelti, chargé de communication du Département de la sécurité et des sports. Il ajoute: «Les cirques, d’une manière générale, continuent chaque année d’attirer beaucoup de monde sur la Plaine de Plainpalais, beaucoup de familles et aussi des résidents de la région…»
Le communicant rappelle ensuite que l’enjeu est autant culturel qu’économique. «Le Cirque du Soleil, indépendamment de son modèle d’affaires, est objectivement un cirque, comme le sont les cirques nationaux. Sur la base du règlement municipal en vigueur, sous l’angle de l’égalité de traitement, nous devons donc appliquer les mêmes tarifs à tous les cirques. Ce n’est pas le chiffre d’affaires qui détermine le tarif de base en matière d’empiètement, mais bien la nature de l’activité.»
Cinq fois plus cher en Allemagne
Le contraste avec d’autres villes est frappant. Blick a tenté d’obtenir les chiffres de la tournée européenne, seule Munich a répondu. Là-bas, pour une occupation identique de 15’000 m² pendant 38 jours, la facture grimpe à 296’400 francs – soit 5,2 fois plus qu’à Genève.
Mais la cité de Calvin n'est pas la seule ville de Suisse à accorder ces largesses. A Lausanne, le Cirque du Soleil aurait payé 58’900 francs pour le même laps de temps et la même occupation de l'espace public. Un tarif qui s’applique aussi bien au Knie qu’aux zoos et aux cinémas itinérants.