Les «barber shops» sont dans le viseur du Grand Conseil vaudois. Un premier postulat s'inquiétait déjà d'une concurrence déloyale face aux salons de coiffure traditionnels. La situation étant jugée grave, un nouveau postulat remplace l'ancien et a été directement renvoyé mardi au Conseil d'Etat, sans passer par une commission.
C'est d'ailleurs la commission chargée d'examiner le premier postulat, déposé alors par le député socialiste Roman Pilloud, qui a proposé une deuxième mouture, demandant de mettre l'accent sur «des mesures encore plus fortes» afin de lutter contre de potentielles activités et actions illégales. Ce deuxième texte était soutenu par une soixantaine de parlementaires de tous partis. Il a été accepté à l'unanimité (118 voix) en plénum.
«Le domaine de la coiffure est chahuté et malmené dans notre canton. Les contrôles ne sont pas assez suffisants. Il faut agir et fort et de manière plus concertée», a affirmé M. Pilloud. La conseillère d'Etat Isabelle Moret a, elle, salué ce deuxième postulat élargi. Elle a aussi assuré que ses services «travaillaient en coordination avec le Ministère public et la police cantonale».
Le texte demande au gouvernement d'analyser les possibilités de renforcer les actions et collaborations avec les partenaires sociaux via la Commission paritaire en matière de contrôle du non-respect de la Convention collective de travail (CCT).
Il souhaite aussi qu'une action forte et coordonnée soit menée en matière de lutte contre le blanchiment d'argent avec le concours et la coordination des acteurs concernés (notamment le Ministère public, la police cantonale, l'administration fiscale).
Travail au noir, santé et sécurité
Deux autres mesures y sont aussi stipulées: renforcer les contrôles de la Direction générale de l'emploi et du marché du travail (DGEM) ainsi que les contrôles fiscaux afin d'identifier d'éventuelles incohérences entre revenus déclarés et l'activité réelle.
Le postulat exige aussi de prendre toute autre mesure permettant de lutter efficacement et durablement contre toutes les actions potentiellement illégales dans ce domaine, que ce soit en matière de non-respect du droit du travail, de blanchiment d'argent et de traite d'êtres humains.
Les postulants rappellent par ailleurs l'importance de coordonner les réflexions, stratégies et actions entre acteurs institutionnels, directions et services de l'Etat à des fins de cohérence et d'efficacité.
Contrôles insuffisants
«Depuis plusieurs années, de nombreux articles de presse, reportages et témoignages font état d'une difficulté croissante pour les salons de coiffure dits traditionnels à faire face à une concurrence importante des 'barber shops', devenus très populaires. Cette tendance ne cesse de se renforcer, avec des craintes majeures de concurrence déloyale, de non-respect de la CCT, de non-respect de la loi sur le travail voire de blanchiment d'argent. Certaines de ces craintes, malheureusement, se confirment», arguent les postulants.
«La commission paritaire, composée des partenaires sociaux, renforce par ailleurs ses contrôles et notamment ses contrôles inopinés, dans le cadre de la vérification du respect de la CCT, depuis plusieurs années, même si ces contrôles restent insuffisants en raison d'un manque de moyens», ajoutent-ils.
Patron comme seul employé: pas de CTT
La commission paritaire a réalisé des contrôles de 28 entreprises (101 personnes) en 2024 dans le canton. Sur ces 28 contrôles, 100% des entreprises ont eu au moins une infraction à la CCT. Et 78% d'entre elles ont commis des infractions liées aux dispositions salariales, touchant 60% des personnes salariées.
Quant aux infractions aux dispositions relatives à la durée du travail et aux autres dispositions de la CCT, 96% des entreprises sont concernées, pour 99% des personnes salariées, est-il détaillé.
A noter que sur plus de 1000 salons dans le canton, le seul employé est souvent le patron lui-même, alors que 387 salons en comptent au moins deux. Le total d'employés de la branche est d'environ 1300 employés. La CCT ne s'applique ainsi pas dans la grande majorité des cas puisqu'il faut au moins une personne employée.