Le MC vaudois Jiggy Jones se confie avant le Venoge Festival
«Pendant longtemps, j’avais l’impression de ne pas mériter ma place»

Le membre du label hip-hop Downtown Boogie et animateur sur RTS Couleur 3 Jiggy Jones, soit Johannes Tchiakpe, écumera cet été les scènes du pays avec Sens Unik. Un MC vaudois de 53 ans à retrouver au Venoge Festival, vendredi 15 août. Interview.
Publié: 13.07.2025 à 13:59 heures
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Le membre du label hip-hop Downtown Boogie et animateur sur RTS Couleur 3 Jiggy Jones écumera cet été les scènes du pays avec Sens Unik.
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Antoine Hürlimann
L'Illustré

Comment définiriez-vous votre art de MC?
Etre MC, pour maître de cérémonie, c’est à la fois être un révélateur et un ambianceur. Mon but avec mon micro est de mettre en avant la musique et son énergie. Pas ma personne.

Enfant, que vouliez-vous devenir?
Professeur de sport! Mais j’ai vite abandonné. J’ai réalisé assez jeune que l’école, ça n’était pas fait pour moi. Tout ce qui touche à l’artistique m’attirait davantage.

Quels sports avez-vous pratiqués?
Je n’ai pas fait du football comme tout le monde quand j’étais gamin. Ma mère m’a élevé seule et nous n’avions pas beaucoup d’argent. Elle était vendeuse de disques et mon père DJ, ça ne s’invente pas. Mon truc, c’était la danse. J’ai fait du jazz moderne et des claquettes. 

Voici la seule photo où Jiggy Jones apparaît avec sa mère et son père, même si celui-ci dépasse du cadre.

Quel parfum avait votre adolescence?
Celui de la liberté. Si on remonte aux années 1980, je pense immédiatement à mon vélomoteur. Un vélomoteur, à 15 ans, c’est la liberté. La vraie. Comme je n’ai jamais tenu en place, cela m’a permis de bouger, de découvrir, d’explorer... C’était ma première ouverture sur le monde. Ce dernier, d’un coup, s’est considérablement agrandi grâce à ce véhicule ainsi qu’à la musique et aux films.

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Pendant longtemps, j’ai eu le syndrome de l’imposteur. J’avais l’impression de ne pas mériter ma place
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Qu’est-ce qui vous anime?
Les rapports humains, le partage et la musique. Même dans les moments difficiles, j’ai toujours eu le sentiment d’être porté par quelque chose de plus grand que moi. C’est à la fois rassurant et motivant.

Sur scène, que ressentez-vous?
De l’excitation, mais aussi de la timidité. Pendant longtemps, j’ai eu le syndrome de l’imposteur. J’avais l’impression de ne pas mériter ma place. 

Et derrière votre micro à la radio?
C’est marrant, c’est complètement différent. En étant souvent seul ou au maximum deux, trois dans le studio de RTS Couleur 3, je ressens ce paradoxe d’être face à moi-même tout en étant écouté par énormément d’auditrices et d’auditeurs. C’est un métier de vérité. Il faut être toi-même, poser ta voix et absolument éviter la tentation d’être un personnage. Ce travail m’a beaucoup aidé dans mon évolution personnelle. 

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Chacun vit avec ses casseroles, ses traumas et certainement que j’ai toujours manqué de confiance en moi
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Quelle est la dernière chose qui vous a fait ressentir du bonheur?
Entendre mon fils de 11 ans chanter.

Qu’est-ce qui vous blesse?
L’injustice, le manque de respect, le racisme et les discriminations, quelles qu’elles soient. Quelqu’un qui ne croit pas en moi, cela peut aussi terriblement m’affecter. Chacun vit avec ses casseroles, ses traumas et certainement que j’ai toujours manqué de confiance en moi. 

Quel événement a changé votre vie?
La première fois que j’ai entendu la bande musicale de West Side Story. Je l’avais écoutée avant de regarder le film et j’avais été subjugué par le travail de Leonard Bernstein. J’ai adoré toutes les versions, mais surtout celle avec Natalie Wood, qui a été mon premier amour. Il est important pour moi d’évoquer aussi la naissance de mon fils, la mort de mon père deux semaines après mes 20 ans ainsi que mes deux burn-out, qui m’ont forcé à faire un travail intérieur salvateur.

Pour quelle raison avez-vous pleuré la dernière fois?
Il y a quelques mois après la fin d’une relation de cinq ans avec mon ex-compagne. Même si on se sépare toujours pour de bonnes raisons, c’est difficile lorsqu’il y a de l’amour. Cela vient inévitablement réveiller d’autres blessures, comme la peur de l’abandon. C’est un processus douloureux, mais qu’il faut accueillir.

C’est aujourd’hui digéré?
Il y a le temps de la tête, du cœur et du corps. C’est en dents de scie et c’est normal.

Quelle journée aimeriez-vous revivre?
Aucune en particulier. Je trouve plus beau et fort d’arriver à profiter pleinement de l’instant présent.

Si vous pouviez inviter des personnalités mortes ou vivantes à votre table, qui choisiriez-vous?
Sammy Davis Jr., Jane Fonda, Denzel Washington, Jodie Foster, Kendrick Lamar... Il y en a tellement!

Quel rêve vous porte?
Celui d’être épanoui et en paix.

Que voulez-vous qu’il soit dit de vous à votre enterrement?
Que j’étais une personne authentique et passionnée.

Un article de «L'illustré» n°27

Cet article a été publié initialement dans le n°27 de «L'illustré», paru en kiosque le 3 juillet 2025.

Cet article a été publié initialement dans le n°27 de «L'illustré», paru en kiosque le 3 juillet 2025.

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