«Il faut pouvoir interdire aux gens du voyage d’entrer en Suisse.» C'est cette citation qui a mis le feu aux poudres le 15 mai. Elle vient du conseiller national PLR Philippe Nantermod, qui, dans une interview à «24 Heures», hausse le ton contre la communauté des Roms.
Cela fait suite à l’incident du 15 avril, lors duquel 42 caravanes ont été interpellées sur l’autoroute à hauteur de Saint Maurice, en Valais, et priées de rebrousser chemin, après des démarchés qui ont bloqué les automobilistes durant plus de 7 heures.
Cité par le quotidien vaudois, Philippe Nantermod envisage des polices dotées de «bulldozers» pour déloger les caravanes nomades ou, à défaut, l’interdiction pure et simple de ces populations du territoire suisse. Des propos qui choquent l’éditorialiste de «24 Heures», Dimitri Mathey: «Jamais Philippe Nantermod, en dix ans de politique fédérale, n’a tenu des propos aussi virulents à l’endroit d’une catégorie de personnes.»
Et la Licra Valais?
L’affaire se serait peut-être arrêtée là si Philippe Nantermod n'était pas, en plus, le président de la Licra Valais. La Ligue Internationale contre le Racisme et l'Antisémitisme a fait de la lutte contre les discriminations son combat. Dans ses statuts, il est indiqué que son but est de lutter contre le racisme et l'antisémitisme, et plus généralement pour le respect de la dignité humaine.
Du côté de la Licra Genève, le discours du PLR ne passe pas. «Nous n’acceptons pas d’être associés à de tels propos, étant donné que Philippe Nantermod est toujours président de la Licra Valais», répond Manuel Tornare, co-président de la section genevoise. Dans une lettre, il demande au président de la Licra Suisse, Philippe Kenel, de lui dire quelles sont les mesures qui seront prises à l’encontre de Philippe Natermod suite à ces propos.
Contacté, Philippe Kenel n’y va pas par quatre chemins. «Ma position est claire: je considère que ces propos sont incompatibles avec les buts et les valeurs de la Licra.»
Il plaide le cas spécifique
De son côté, Philippe Nantermod estime avoir parlé d’un cas spécifique. «On parle bien d’individus en particulier, qui ont commis des infractions en Suisse qui ont troublé l’ordre public, et j’estime qu’on peut parler d’exclusion du territoire au même titre que pour des gens qui abusent de l’aide sociale ou qui font du trafic de drogue. Des gens qui bloquent les routes pendant 8 heures et n’ont pas compris les principes légaux en Suisse n’ont pas leur place ici. Si des personnes étrangères viennent en Suisse pour commettre des infractions pénales, on a le droit de les exclure du territoire, c’est le principe de l’ordre public.»
Sur le reproche selon lequel il aurait procédé à des généralisations contre tout un groupe, Philippe Nantermod répond qu’il n’a pas voulu cibler une communauté en raison de son mode de vie, mais qu’il visait des comportements délictueux. «En cela, je ne vois pas d’incompatibilité avec la Licra, qui lutte contre le racisme et les discriminations, mais pas contre la répression pénale.»
L'anti-tziganisme, un souci pour la Licra
De son côté, la Licra Genève est particulièrement sensible à cette problématique, et organise justement le 12 juin prochain un événement sur le problème de l’anti-tziganisme, qui aura lieu à la Librairie arabe de l’Olivier à Genève, sous le titre «Comment parler d’anti-tziganisme aujourd’hui», nous explique la secrétaire générale Carole Fumeaux. «Nous considérons qu’il existe une discrimination importante à l’égard de cette communauté», explique la responsable de la section genevoise.
Samson Yemane, conseiller communal à Lausanne et par ailleurs vice-président de la Commission fédérale contre le racisme, désapprouve également: «Personnellement, je trouve les propos de M. Nantermod à la fois inquiétants et irresponsables. Sur le plan juridique, l’interdiction qu’il évoque est inapplicable, puisque l’accord de Schengen garantit la libre circulation des personnes.»
Pour Samson Yemane, «plutôt que de désigner les gens du voyage comme bouc émissaire, il ferait mieux de s’attaquer aux causes structurelles du problème. On ne construit pas une société en excluant, mais en dialoguant, en planifiant, et en respectant les droits de toutes et tous. Il est urgent de mettre en place une réponse à l’échelle nationale, fondée sur une concertation réelle avec l’ensemble des acteurs concernés – y compris les gens du voyage», conclut-il.