«C'est beaucoup trop!»
La criminalité numérique et la délinquance juvénile explosent

Le Ministère public vaudois fait face à une hausse sans précédent des enquêtes en 2024, avec 22'728 nouvelles affaires, soit 10,7% de plus qu'en 2023. La criminalité numérique et le durcissement de la délinquance juvénile sont particulièrement préoccupants.
Publié: 15.05.2025 à 08:52 heures
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Dernière mise à jour: 15.05.2025 à 08:54 heures
Eric Kaltenrieder, procureur général du canton de Vaud, lors d'une conférence de presse, le 6 mai 2024 a Lausanne.
Photo: KEYSTONE
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ATS Agence télégraphique suisse

Le Ministère public (MP) vaudois a fait face à une hausse inédite des enquêtes en 2024. Leur nombre a bondi à 22'728, soit 10,7% de plus qu'en 2023. Deux constats s'imposent: la forte progression des infractions économiques, due à la criminalité numérique, et l'augmentation et le durcissement de la criminalité, notamment chez les mineurs.

«L'an dernier, l'augmentation de la charge du Ministère public ne s'est pas seulement confirmée, elle s'est accélérée. On a assisté à une véritable envolée des nouvelles affaires, avec des pics historiques», a déclaré mercredi à Renens, au siège du Ministère public, le procureur général du canton de Vaud Eric Kaltenrieder.

Il a d'emblée cité le dépassement de la barre des 22'000 nouvelles enquêtes (22'728) et celle des 10'000 pour le solde des affaires toujours en cours au 31 décembre 2024 (10'963). Pour les premières, la hausse est trois fois plus importante entre 2023 et 2024 (+10,7%) qu'entre 2022 et 2023 (+3%), a-t-il souligné.

Le nombre d'affaires closes est aussi historiquement élevé en 2024, avec un pic à 24'735, en hausse de 8,3% par rapport à 2023. «C'est une grande source de satisfaction», a dit Eric Kaltenrieder. «Moins réjouissant», selon lui, les dossiers toujours en cours: plus de 10'000 donc, qui ont augmenté de 16,5% entre 2023 et 2024.

«C'est beaucoup trop»

«Cela représente une moyenne de 190 dossiers en cours par procureur d'arrondissement, ce qui est beaucoup trop. Nous devons continuer à trouver des solutions pour infléchir ce chiffre très préoccupant», a-t-il commenté. 

Il y a un manque d'effectifs à tous les échelons: magistrats, personnel administratif, comptabilité, chancelleries, etc, a relevé le patron du MP, sans pour autant chiffrer les besoins en postes supplémentaires. A ce jour, le Ministère public vaudois emploie 252 personnes, dont 63 procureurs, parmi lesquels 54% de femmes.

Alors que l'augmentation de la charge de la justice se profile comme une tendance à long terme, le MP n'a pas attendu pour se préparer et s'adapter, a-t-il rappelé. 

Des projets ont déjà été initiés, tels les pôles de compétences en matière de violences domestiques, de criminalité informatique et de criminalité économique, de même que la participation active aux projets de numérisation (Justitia 4.0 et eJustice.VD). L'entrée en fonction de procureurs assistants, courant 2025, offrira, elle, un supplément de ressources «indispensable».

Manque de places

Autre préoccupation, à l'instar de l'Ordre judiciaire vaudois (OJV), le manque de places. «Nous sommes partout à l'étroit, sur nos six sites dans le canton. Cela devient donc compliqué de développer l'activité du MP. Nous allons devoir trouver de nouveaux locaux», a souligné Eric Kaltenrieder. Des projets sont à l'étude.

La sécurisation des bâtiments actuels du MP, à Renens, Lausanne, Vevey, Yverdon et Morges est également un gros souci, voire «une catastrophe», selon ses mots. Les actes agressifs sont de plus en plus fréquents. Dès cet été, un agent de sécurité sera en poste sur chacun des sites, a-t-il annoncé.

Les infractions graves en hausse

En 2024, les infractions économiques ont connu la plus forte hausse, soit +26,3%. «Il y a une forte progression de la criminalité numérique, les escroqueries en ligne, les fraudes à la carte bancaire et les arnaques ciblant les personnes âgées. Le reste concerne des infractions liées au blanchiment d'argent et des faillites frauduleuses», a détaillé le procureur général.

La délinquance chez les jeunes reste toujours un «phénomène très préoccupant». «La gravité des infractions ne cesse d'augmenter», a affirmé Eric Kaltenrieder, évoquant «un «durcissement de la criminalité» dans cette catégorie. Notamment chez les mineurs, avec 25 interventions d'un procureur devant le Tribunal des mineurs en 2024, soit une augmentation de 25% par rapport à 2023.

Les autres domaines particulièrement concernés par les hausses sont les infractions contre l'intégrité corporelle (+17,1%), la circulation routière (+16,5%), les infractions contre l'honneur (+14,1%), les violences conjugales (+10,7%), les infractions contre l'intégrité sexuelle (+10,7%), dont la pornographie (+31,6%), ou encore les vols ou brigandages (+10,5%).

Le MP observe que cette augmentation généralisée des affaires ouvertes est liée à une société en constante évolution: omniprésence du numérique, relations sociales en mutation, polarisation des opinions, tendance à une judiciarisation des conflits et hausse de la population vaudoise. L'autre explication est la hausse globale de la criminalité.

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