A Genève, la procureure Anne-Laure Huber a fait son réquisitoire devant une salle bien remplie jeudi matin dans le procès en appel de l'affaire de la plume. Entre défense des experts judiciaires, rappel des faits et des résultats de l'autopsie, elle dénonce avec verve «un grand délire» et demande, une fois encore, une condamnation pour meurtre avec 14 ans de prison.
«Nous sommes passés tout près du crime parfait», a commencé la procureure Anne-Laure Huber. Cette affaire était un huis-clos, dans la chambre des époux, donc il ne reste que l'accusé pour présenter sa parole. «Mais le corps était dans cette chambre. Et c'est lui qui nous parle», souligne la procureure. Un corps plein de «bleus qui le noircissent.»
Ce sont ces ecchymoses qui ont alerté les médecins légistes, rappelle la procureure. Les bleus sont profonds, il y a même eu des infiltrations sous les os de la mâchoire, a-t-elle insisté. Avant de souligner que les médecins-légistes l'ont réaffirmé mardi: «la victime a dû lutter pour sa vie».
En se tenant les doigts, elle souligne aussi les traces de potentielle lutte, telles que les traces de sang retrouvées sous les ongles de la victime. Ainsi que la plume retrouvée dans sa bronche. Il faut entre trois et six minutes pour mourir d'une asphyxie, soit un temps «très long», selon elle.
Un nouveau récit
Là où il n'y a pas de doute, c'est que l'accusé était un homme «plein de qualités et très amoureux de son épouse», comme les témoins et l'enquête de police l'ont montré. Mais «les hommes tuent des femmes qu'ils aiment depuis que l'amour existe», souligne la procureure.
Elle questionne aussi le fait que cet homme «empathique, attentif à son épouse», parte aux toilettes sans la regarder. Ceci après avoir entretenu avec elle un acte sexuel «qu'il savait dangereux», et qu'il décrit comme «plus violent que d'habitude», alors qu'elle ne bougeait plus. «Puis il voit qu'elle est morte et pleure à côté d'elle pendant 45 minutes avant d'appeler la belle-fille, sans essayer de la sauver» s'étonne la procureure.
Pour Anne-Laure Huber, l'accusé aurait eu ainsi le temps de construire un premier récit, soit d'avoir retrouvé sa femme morte dans la salle de bain. Il aurait eu ensuite sept ans pour construire ce nouveau récit afin qu'il corresponde mieux aux faits, soit aux différentes lésions retrouvées sur le corps. Le seul point commun entre ces deux récits, selon elle, c'est qu'ils essaient de s'adapter aux faits pour tenter de les justifier.