Révolution à l’EPFL
Des scientifiques de l’EPFL utilisent la respiration pour actionner un bras robotique

Des scientifiques de l’EPFL montrent que la respiration peut servir à actionner un bras robotique additionnel chez des personnes saines. Et ce sans interférer avec le contrôle d’autres parties du corps, selon ces travaux publiés dans la revue Science Robotics.
Publié: 13.12.2023 à 21:50 heures
Après cette démonstration qu'il est possible de contrôler un bras robotique avec les muscles du diaphragme, les scientifiques de l'EPFL entendent explorer l'utilisation de dispositifs plus complexes.
Photo: Alain HERZOG 1006 LAUSANNE

Des scientifiques de l’EPFL ont réussi à actionner un bras robotique additionnel chez des personnes saines, grâce à leur respiration.

«Nos travaux ouvrent des possibilités nouvelles et passionnantes en montrant que l’on peut vraiment contrôler des bras supplémentaires, et qu’on peut le faire tout en contrôlant simultanément nos deux bras naturels», explique Silvestro Micera, titulaire de la chaire Bertarelli en neuroingénierie translationnelle à l’Ecole polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL) et professeur de bioélectronique à la Scuola Superiore Sant’Anna à Pise, en Italie.

L’étude fait partie du «Third-Arm Project», qui veut fournir à des personnes un bras robotique pour les assister dans les tâches de la vie quotidienne, ou pour apporter une aide dans des opérations de sauvetage. Il pourrait aussi servir à des personnes handicapées, ou intervenir dans des protocoles de rééducation après une attaque cérébrale.

«Notre but principal est de comprendre le système nerveux», poursuit le chercheur, cité mercredi dans un communiqué de l'EPFL: «Si vous posez un défi au cerveau en lui demandant d’effectuer des tâches entièrement nouvelles, vous pouvez voir s’il en a la capacité et s’il est possible de faciliter l’apprentissage.»

De la rééducation à l'augmentation

«Du point de vue du système nerveux, il y a un continuum de la rééducation à l’augmentation», note Solaiman Shokur, co-directeur de l’étude et maître d’enseignement et de recherche à l’EPFL.

Pour explorer les contraintes cognitives de cette augmentation, les scientifiques ont d’abord construit un environnement virtuel et testé la capacité d’un utilisateur valide à contrôler un bras virtuel avec son diaphragme. L’équipe a découvert que le contrôle du diaphragme n’interfère pas avec des actions comme le contrôle des bras physiologiques, la parole ou le regard.

Dans cette expérience, l’utilisateur est équipé d’une ceinture qui mesure les mouvements du diaphragme. Coiffé d’un casque de réalité virtuelle, il voit trois membres: le bras droit et sa main, le bras gauche et sa main, et un troisième bras situé entre les deux, terminé par une main symétrique à six doigts.

«Nous avons dessiné une main symétrique pour éviter un biais en faveur de la main gauche ou droite», explique Giulia Dominijanni, doctorante à l’institut Neuro-X de l’EPFL.

Accomplir de nouvelles tâches avec les muscles de l’oreille

Les mouvements du diaphragme détectés par la ceinture sont utilisés pour contrôler le membre virtuel et symétrique du milieu. Le système a été testé sur 61 personnes lors de plus de 150 séances. Les utilisateurs ont appris très rapidement à contrôler le membre supplémentaire. Par ailleurs, le contrôle du diaphragme n’affecte pas la capacité de l’utilisateur à parler de manière cohérente.

Les scientifiques ont également testé avec succès le contrôle d'un véritable bras robotique, en l'occurrence une version simplifiée, consistant en une baguette qui peut être étendue et repliée.

Hormis le diaphragme, les scientifiques ont aussi testé les muscles de l’oreille pour leur capacité à accomplir de nouvelles tâches. Une expérience non décrite dans leur article. L’utilisateur, équipé de capteurs dans l’oreille, s’entraînait à contrôler de fins mouvements de l’oreille pour contrôler le déplacement du pointeur d’une souris sur un ordinateur.

Nouvel espoir pour les patients affectés par des problèmes moteurs

Ces stratégies de contrôle alternatives pourraient un jour contribuer au développement de protocoles de rééducation pour des patients affectés par des problèmes moteurs, selon les auteurs.

Dans le cadre du Third Arm Project, les études précédentes avaient pour objectif d’aider les personnes amputées. Cette nouvelle recherche s’éloigne des problématiques de réparation du corps pour se diriger vers celle de l’augmentation, note l'EPFL.

«Dans une prochaine étape, nous explorerons l’utilisation de dispositifs robotiques plus complexes, en exploitant nos diverses stratégies de contrôle. Il s’agira d’effectuer de vraies tâches, en laboratoire et au-dehors», conclut Silvestro Micera.

(ATS)

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