L’inhumation et la crémation, Sarah Joliat connaît bien. Elle est directrice d’une entreprise de pompes funèbres à Vevey. Pourtant, elle préférerait échapper aux deux pratiques: «Elles polluent énormément et je trouve la crémation brutale. Mais c’est très personnel», tient-elle à souligner.
Sa «rencontre» avec «l’humusation» remonte à deux ans, lorsqu’elle découvre le projet de la fondation belge «Métamorphose pour mourir… puis donner la vie». «Cela correspondait exactement à ce que je cherchais. Une pratique funéraire douce et naturelle; une décomposition du corps lente, en accord avec la nature, me permettant de prendre soin de mon enveloppe charnelle même après ma mort», confie-t-elle à Keystone-ATS.
«J’aimerais que la pratique devienne une alternative possible»
La pratique, détaillée par la fondation belge dans un document intitulé «Plaidoyer pour l’humusation», peut se résumer ainsi: le défunt, enveloppé d’un linceul biodégradable, est déposé sur un lit végétal de 20 centimètres d’épaisseur. Il est ensuite enseveli par 2 mètres cubes de ce même mélange – bois d’élagage et lignite broyés, eau de pluie, accélérateurs de décomposition naturels, argile – et la butte est recouverte de paille, de feuilles mortes et autres végétaux.
Après douze mois, les cellules de la dépouille sont métamorphosées en 1,5 mètre cube environ d’humus grâce aux organismes à l’œuvre dans les premiers centimètres du sol de la parcelle entretenue et surveillée par un personnel formé et agréé. Au final, la famille peut disposer du 1% de ce compost pour fertiliser un espace de recueillement, le reste servant à régénérer des sols malmenés.
Active depuis 2014, la fondation s’attelle à changer la loi belge qui, pour l’heure n’autorise que l’inhumation et l’incinération. Sarah Joliat le sait, en Suisse aussi, «le chemin sera long. Mais je suis prête à donner dix ans de mon temps et de mon énergie pour promouvoir et adapter cette nouvelle pratique funéraire. J’aimerais qu’elle devienne une alternative possible pour les personnes qui le souhaitent».
L'«humusation» bientôt disponible en Suisse?
En 2020, elle contacte des communes en Suisse romande. «Certaines ont été très réceptives», assure-t-elle, sans vouloir dévoiler lesquelles. Mais le Covid met un sérieux coup de frein au processus jusqu’au 1er octobre dernier, lorsque Sarah Joliat crée l’association Humusation Suisse, dont le comité se compose aussi de sa sœur Michèle, de Laurent Brülhart, des pompes funèbres du même nom à Fribourg et d’Albert Roten, professeur dans un collège valaisan.
Pour progresser dans sa démarche, Sarah Joliat a aussi rencontré le Dr Vincent Varlet, responsable du Swiss Human Institute of Forensic Taphonomy (SHIFT) à Lausanne. Contacté par Keystone-ATS, ce spécialiste de la décomposition des cadavres confirme son intérêt pour l’humusation humaine: «C’est une belle et symbolique alternative qui peut correspondre à un réveil des consciences écologiques, à une quête spirituelle et qui entre en résonance avec la célèbre phrase de Lavoisier, 'rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme'».
L’humusation répond aussi aux besoins de la science forensique, qui manque cruellement de possibilités pour étudier tout le cycle de la décomposition d’un corps. «Mais le procédé doit être étudié et strictement encadré sur le plan éthique et scientifique. Il faut pouvoir donner des garanties objectives et scientifiques aux décideurs politiques», estime Vincent Varlet, qui insiste: «le service ne doit pas tomber dans des mains mercantiles mais être placé sous la responsabilité d’une structure publique».
Une alternative moins polluante que les pratiques actuelles
Le 6 novembre, l’humusation sera au programme des conférences express du Toussaint’s Festival au centre culturel des Terreaux à Lausanne. Sarah Joliat et le président de la fondation belge, Francis Busigny interviendront.
Alix Noble Burnand, directrice et fondatrice du festival, se réjouit du thème abordé. Selon elle, le devenir du corps après la mort préoccupe de plus en plus de personnes, qui s’interrogent aussi, avec la crise climatique, sur la pollution qu’entraînent les pratiques funéraires actuelles.
(ATS)