Rencontre avec Santa
«Chanter plus fort pour célébrer les différences»

Son nom est sur toutes les lèvres depuis la sortie de son immense tube «Popcorn salé», en mars 2022. Chanteuse de tous les superlatifs, Santa voit toujours plus loin et plus haut. De passage en Valais, elle a accepté de rencontrer une de nos lectrices.
Publié: 25.07.2025 à 11:12 heures
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Photo: Sedrik Nemeth
Katja Baud-Lavigne
Katja Baud-Lavigne
L'Illustré

On l’a connue il y a une dizaine d’années, les pommettes barrées de noir, avec Hyphen Hyphen, le groupe qu’elle avait monté avec Line et Adam, ses amis d’enfance. Ce sont d’ailleurs ces derniers qui l’ont poussée à tenter une aventure solo. Depuis, Santa cumule les centaines de milliers de ventes d’albums et les centaines de millions de streams. On la retrouve dans l’espace presse du festival Sion sous les étoiles, qui s’est offert la superstar du moment pour célébrer sa 10e édition. Avant de monter sur la scène, la jeune femme de 32 ans à l’énergie communicative passe d’un journaliste à l’autre, sourire aux lèvres.

Depuis 2022, elle les pratique régulièrement. Il faut dire que son actualité est débordante: l’an passé, Recommence-moi, le titre qui a donné son nom à son premier album solo, a été choisi pour être l’hymne de la Star Ac’. Après sa participation à la cérémonie de clôture des Jeux paralympiques, le 8 septembre 2024, durant laquelle elle a interprété Vivre pour le meilleur, de Johnny Hallyday, Recommence-moi est sacré album de l’année aux dernières Victoires de la musique. Et à la rentrée, elle figurera au casting du jury de la nouvelle saison de The Voice Kids.

Une artiste acrobate dans l’âme

Pour nous seconder durant l’interview, Marie-Claude Richard, fidèle lectrice de L’illustré et gagnante de notre concours (lire encadré). «Je voulais acheter un billet, mais je n’avais pas encore reçu mon planning pour le travail, raconte-t-elle en attendant la chanteuse. Et lorsqu’il est arrivé, la soirée affichait déjà complet. Alors quand j’ai vu le concours, j’ai sauté sur l’occasion.» Après un temps d’hésitation, toutefois. «Santa est de la même année que ma fille, sourit notre gagnante. Je me suis demandé si je n’étais pas trop vieille pour participer, mais comme il n’y avait pas d’indication d’âge, je me suis lancée.»

«
Je suis beaucoup plus intéressante en chanson parce que les impudeurs sont harmonieuses
Santa
»

C’est le moment que Samanta Cotta, de son vrai nom, choisit pour nous rejoindre. Après les présentations d’usage, la conversation se poursuit naturellement. Si, lorsqu’elle chante, sa voix est puissante, on l’entend parfois se serrer durant les interviews. Le trac? «Quand ça arrive, c’est que je suis dans une zone d’inconfort, explique l’artiste. Souvent, parce que je suis inconfortable face à l’impudeur de l’interview. Et quand je suis confrontée souvent à ça, je perds un peu foi. Alors j’essaie de rechanter, pour ne pas déchanter. Je suis beaucoup plus intéressante en chanson parce que les impudeurs y sont harmonieuses.»

Militante queer, Santa se bat ouvertement contre les inégalités.
Photo: Sedrik Nemeth

L’impudeur. Un mot qui revient très régulièrement dans ses entretiens. Tout comme le fait que toutes ces chansons écrites en français n’étaient pas vouées à passer les murs de sa chambre. «Ça a été un choix, je ne dirais pas difficile, mais ça a été un réel choix que de les partager, détaille la chanteuse. Elles n’étaient pas faites pour être écoutées. Je n’ai pas de regrets, parce que ça me fait vivre des folies incroyables. Et une tornade d’amour. Je me rends compte que ça a été une jolie douleur, parce que ça a pu aider des gens. Et du reste, c’est pour cette raison que je les ai sorties.»

Lorsqu’on lui demande si elle passe la moitié de son temps en l’air parce qu’elle respire mieux en altitude, Santa rit. «Se retrouver un peu suspendu, ça suspend le temps, ce qui est bon signe en Suisse, s’amuse-t-elle. De manière plus littérale, s’élever un petit peu, ça me rend moins terre à terre. Donc dans les deux cas, je prends. Ce sont des moments assez physiques, qui nécessitent beaucoup d’entraînement, mais la vue est belle.»

On l'associe souvent au piano. Mais l'artiste est également une guitariste accomplie, laissant volontiers parler ses instincts rock lorsqu'elle gratte les cordes sur scène.
Photo: Sedrik Nemeth

Fille d’un père français architecte et de Diana Eckert – chanteuse américaine du groupe de rock tricolore Daisy Duck –, tous deux disparus, Santa aime affirmer que la moitié d’elle se trouve dans ses chansons. «C’est aussi une manière de dire qu’il y a une forme de dualité entre le 666 (le chiffre du diable, ndlr) et le 999 (le titre de son premier EP, ndlr), détaille-t-elle. Je m’appelle Santa999, justement parce que j’ai fait le choix de pencher, je l’espère, du bon côté de la vie, de l’espoir et de la générosité, que ce soit sur scène ou dans les mots.» Avec le risque de la voir développer un syndrome Gainsbourg-Gainsbarre un jour ou l’autre? «Non, je ne pense pas, sourit-elle. Je vais m’éviter ces formes de dualité là. En tout cas, de manière moins manichéenne.»

Son succès fulgurant, la jeune femme le gère bien. Auteure, compositrice, productrice, musicienne, interprète, elle ne laisse rien au hasard. «Je peux en profiter parce que certes, ça va vite, mais c’est humain, assure-t-elle. Et puis les choses arrivent crescendo, pas d’un coup très fort. Je vois souvent qu’on n’est pas armé pour ça. Pour ma part, je suis derrière chaque étape de production et derrière toutes les équipes qui m’entourent. Je pense que ça me permet d’avoir le recul nécessaire.»

Le dessin comme autre passion

Des équipes qui incluent de nombreux amis. Un cercle qui sert de base solide à l’artiste. «On est tous très, très différents, reconnaît-elle. Un peu bizarres, à notre manière, mais on se retrouve justement parce qu’on s’accepte. Ce qui nous réunit, c’est notre ultra-sensibilité. Bien sûr, on ne fait pas de feu sans frotter quelques cailloux, on se laisse cet espace de sécurité qui nous permet de débattre. De cette manière, on peut s’enrichir de nos opinions super différentes sur plein de sujets.»

«
Ce n’est pas encore l’heure de la sobriété pour moi
Santa
»

Et pour garder les idées claires, la chanteuse dessine à peu près tout. «Le dessin, c’est une manière de rendre ses rêves possibles, souligne-t-elle. C’est aussi la première étape pour convaincre beaucoup de gens. Que ce soit un dessin technique, architectural, avec des métrages, comme sur la tournée, ou le dessin d’un piano suspendu dans les nuages, à côté de Magritte. C’est une étape vers la réalisation, vers le réel. La moitié de moi est partie dans l’album, mais l’autre est sûrement restée dans mes carnets à dessin.»

Sur scène, Santa propose un show des plus ambitieux.
Photo: Sedrik Nemeth

Poésie et public conquis

Après la démesure du Stade de France ou les prouesses techniques, comme faire voler un piano à queue, suspendu à une grue à 45 mètres de hauteur, la gageure pourrait être de donner un concert dépouillé en piano-voix, dans une petite salle intimiste de quelques centaines de places seulement. Mais Santa balaie l’idée d’un revers de la main. «Ah non! s’exclame-t-elle. Le vrai défi, c’est justement que les gens ne voient pas la technique et ne gardent que la poésie du spectacle. Parce que ce n’est pas encore l’heure de la sobriété pour moi...» Joignant le geste à la parole, elle nous quitte pour aller se préparer. Devant la grande scène de Sion sous les étoiles, une foule bigarrée se masse déjà. Des enfants, beaucoup. Des groupes d’amis, des couples, des seniors. Un public à son image. Multiple, sensible, et tellement heureux d’être là.

Prochains concerts: Paléo Festival, Nyon, 25 juillet 2025. Arena, Genève, 4 mars 2026

Un article de «L'illustré» n°30

Cet article a été publié initialement dans le n°29 de «L'illustré», paru en kiosque le 24 juillet 2025

Cet article a été publié initialement dans le n°29 de «L'illustré», paru en kiosque le 24 juillet 2025

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