L'Institut Gottlieb Duttweiler (GDI) a interrogé plus de 3000 personnes âgées de 16 à 80 ans dans le cadre de la première étude suisse sur l'amitié. Les réponses permettent de mieux comprendre nos relations amicales: la manière dont les amitiés marquent notre vie, leur importance pour nous personnellement mais aussi pour l'ensemble de la société, ainsi que leur rôle dans la sphère professionnelle ou politique.
Les Suisses ont en moyenne quatre amis proches, les chiffres les plus souvent cités étant deux et trois meilleurs amis. Ce sont les personnes vivant en Suisse romande qui ont le plus d'amis proches (4,3 en moyenne) et celles vivant en Suisse italienne le moins (3,3 en moyenne).
Fréquence plutôt que quantité
La plupart des gens comptent jusqu'à dix personnes dans leur cercle d'amis élargi et 34 en moyenne dans leur cercle de connaissances. Quoiqu'il en soit, une grande quantité d'amis n'est pas forcément bénéfique, montrent les auteurs de l'étude: «Ce qui est décisif pour une vie sociale, ce n'est pas seulement le nombre d'amis que l'on a, mais aussi la fréquence à laquelle on les voit.»
Or, c'est précisément là que près de la moitié des personnes interrogées voient un problème. Elles indiquent avoir trop peu de temps pour entretenir leurs amitiés. Alors que le nombre d'amis proches en Allemagne et aux Etats-Unis est similaire à celui de la Suisse, la fréquence à laquelle on se rencontre est plutôt faible en Suisse en comparaison internationale, selon les auteurs de l'étude.
Pourtant, des rencontres fréquentes seraient importantes. Les chiffres suisses le montrent: les sondés qui voient souvent leurs amis sont plus satisfaits de leurs relations.
Les réseaux sociaux, une chance pour les seniors
Certains participants, interrogés en petits groupes, ont indiqué qu'ils avaient développé des routines pour entretenir des contacts réguliers. Une personne a par exemple déclaré: «Je peux sortir deux fois par semaine pour rencontrer des collègues. C'est un accord que j'ai passé avec ma famille.» Une autre se retrouve chaque semaine pour jouer aux quilles, une autre encore se rend un vendredi sur deux à une «soirée entre mecs». Les réseaux sociaux sont également cités pour entretenir les amitiés.
A première vue, les plateformes numériques peuvent sembler superficielles et donc peu propices à de véritables amitiés. L'étude du GDI montre toutefois qu'en plus de la possibilité d'entretenir des amitiés, les réseaux sociaux peuvent avoir une autre fonction importante: pour les personnes âgées qui ne vont plus à l'école ou au travail, ils constituent justement un lieu essentiel pour se faire de nouveaux amis – y compris ceux avec lesquels une relation étroite se développe. Chez les plus de 64 ans, c'est le cas de plus d'une personne sur dix.
Ce sont les jeunes qui se sentent les plus seuls
De même qu'on ne s'attend pas à ce que les retraités se fassent plus facilement des amis en ligne que les jeunes, on ne pense pas forcément que ce sont plutôt les plus jeunes qui sont confrontés à la solitude.
Environ un tiers des moins de 35 ans se sentent seuls la moitié du temps ou plus souvent. Les 20-35 ans qui ont beaucoup d'amis proches se sentent aussi seuls que les plus de 64 ans qui n'ont pas d'amis proches.
Les chiffres de l'Office fédéral de la statistique (OFS) indiquent que la solitude augmente en Suisse. Or, de nombreuses études ont déjà démontré que la solitude nuit à la santé. Que peut faire la société pour contrer cette tendance et pour libérer les jeunes de ce sentiment négatif?
Renouer contact vaut la peine
L'étude dite d'action, qui faisait partie de la grande enquête sur l'amitié, fournit des pistes. Les participants ont été priés d'appeler un ami avec qui le contact avait été rompu depuis longtemps.
Selon les auteurs de l'étude, les jeunes participants ont été agréablement surpris de voir à quel point cette conversation s'était bien déroulée. «C'est comme si le temps n'avait pas passé. Pourtant, nous avons eu dix ans de silence radio. Mais nous sommes tout de suite redevenus les garçons de l'époque», écrit l'un des participants.
Selon l'étude, il vaut donc la peine d'activer son propre réseau – même les parties rouillées. Il vaut également la peine de se rendre dans des lieux où l'on rencontre des personnes partageant les mêmes idées et intérêts, comme des associations. Car les points communs sont essentiels pour que des amitiés puissent naître, écrivent les auteurs de l'étude.
Les amis motivent à s'engager socialement
Avoir un bon réseau social n'aide pas seulement à lutter contre la solitude et ses effets. L'étude du GDI montre qu'en plus des impacts positifs sur le mental et le développement de la personnalité, les bonnes amitiés contribuent également à la société dans son ensemble.
En effet, plus de la moitié des personnes interrogées s'engagent socialement et politiquement, au moins en partie grâce à leurs amis, par exemple par le biais d'une association, en faisant du bénévolat ou en s'impliquant dans son voisinage. Les auteurs de l'étude estiment que cela est «souhaitable» dans un monde polarisé. Et plus d'engagement conduirait à son tour à plus de contacts et donc d'amitiés.