La pharma veut plus d'argent
Pourquoi les prix des médicaments pourraient exploser en Suisse

Le rêve des géants pharmaceutiques: faire payer davantage les pays riches. Pour la Suisse, la facture serait salée. Mais cette revendication est-elle légitime? Quelles répercussions aurait-elle sur les prochaines primes d’assurance maladie?
Publié: 11:34 heures
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L'industrie pharmaceutique espère que les prix des médicaments seront plus élevés dans les pays riches.
Photo: Keystone
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Martin Schmidt

Le président américain Donald Trump souhaite réduire le prix des médicaments. Aujourd'hui, le coût moyen des médicaments sur ordonnance est actuellement presque trois fois plus élevé aux Etats-Unis que dans les autres pays industrialisés L'industrie pharmaceutique finance ainsi une part importante de sa recherche et de son développement. Si les prix baissent aux Etats-Unis, ils augmenteront dans les autres pays industrialisés, dont la Suisse.

Chez Roche et Novartis, les dirigeants s'accordent pour dire que les médicaments sont bien trop bon marché pour la population suisse. Pour preuve, on se réfère aux prix d'usine des médicaments innovants par rapport à la puissance économique d'un pays. Selon Interpharma, l'association suisse des entreprises pharmaceutiques pratiquant la recherche, les Etats-Unis paient ces produits 1,87% du produit intérieur brut (PIB). En France, au Japon ou en Italie, c'est environ la moitié. En Suisse, même pas un quart, soit 0,43%.

Une augmentation des primes d'assurance maladie?

Dans notre pays, les 3,52 milliards de francs consacrés aux médicaments brevetés sont pris en charge par l’assurance de base obligatoire. Si la Suisse payait désormais 1% du PIB pour cela, le coût total des médicaments dans l'assurance de base passerait de 9,2 milliards de francs à 13,9 milliards de francs. Cela suffirait à augmenter la prime moyenne d'assurance maladie par personne de 11%, passant de 391 francs actuellement à 434 francs.

«L'idée de base selon laquelle les pays riches devraient payer plus que les pays pauvres a du sens», explique l'économiste de la santé Simon Wieser, professeur à la Haute école des sciences appliquées de Zurich. Selon lui, le développement de médicaments contre le VIH en est un bon exemple.

Simon Wieser doute en revanche que les prix des médicaments soient vraiment trop bas en Suisse. Il rappelle que la population consacre environ 1% du PIB aux médicaments et souligne qu’en tenant compte de la parité de pouvoir d’achat, la Suisse n’apparaît plus aussi riche par rapport aux autres pays industrialisés. 

Les génériques plus chers en Suisse

L’industrie pharmaceutique réalise des bénéfices considérables. Ne pourrait-elle pas absorber elle-même les baisses de prix aux Etats-Unis? De bonnes perspectives de bénéfices sont nécessaires pour que la branche pousse à l'innovation, explique Stefan Felder, directeur du groupe de recherche sur l'économie de la santé à l'université de Bâle. «Le développement d'un médicament coûte environ trois milliards de dollars américains. Quelqu'un doit payer pour cela», explique-t-il.

Si l'on veut lier le prix des médicaments au revenu national, «des accords internationaux seraient utiles à cet effet, comme pour les émissions de CO2, pour lesquelles les pays riches doivent également faire plus». Stefan Felder remet toutefois en question le fait que les prix en Suisse sont généralement trop bas. «Les génériques, par exemple, sont beaucoup plus chers en Suisse qu'à l'étranger», affirme-t-il.

Critique sur la transparence des prix

Le secteur pharmaceutique entretient également une grande opacité autour du prix des médicaments. Dans l’espoir de conclure de bonnes affaires, les autorités suisses acceptent avec les entreprises des prix de vitrine élevés, que celles-ci utilisent ensuite pour imposer des tarifs élevés dans d’autres pays. «Sans transparence globale des prix, une telle discussion sur une participation plus élevée des pays plus riches n'a aucun sens», explique Mathias Früh, à la tête du service Politique de la santé chez Helsana.

Les coûts des médicaments en Suisse ont augmenté de plus de 50% au cours des dix dernières années. «Pour les nouveaux produits, les prix ont presque doublé en l'espace de quelques années», affirme l'expert. 

La caisse maladie Helsana établit chaque année un rapport sur les médicaments en collaboration avec l'université de Bâle. Selon ce dernier, en 2022, sur 45 nouvelles substances actives autorisées, seules quatre étaient basées sur un nouveau mécanisme d'action. Les demandes d'adaptation du remboursement se font de plus en plus pressantes. «Les pseudo-innovations ne doivent pas entraîner une hausse des coûts», déclare Mathias Früh.

Le géant américain Pfizer a conclu un accord avec Donald Trump pour réduire le prix des médicaments. L’accord prévoit principalement des baisses en faveur des personnes à faibles revenus, ce qui le rend bien moins contraignant pour l’industrie que ce qui avait été redouté. En Suisse, on espère que cet accord incitera les groupes pharmaceutiques à faire preuve de plus de souplesse.

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