La langue des signes est une langue à part entière au même titre que la langue parlée. Quelque 10'000 personnes sourdes utilisent les langues des signes suisse-allemande, française ou italienne, indique le gouvernement dans un rapport publié vendredi en réponse à quatre postulats.
Une majorité de pays européens ont reconnu légalement une ou plusieurs langues des signes. C'est le cas de tous les pays de l'UE, à l'exception de l'Italie et des Pays-Bas. Il n'est toutefois pas toujours possible de déterminer les effets d'une telle reconnaissance, souligne le Conseil fédéral.
En Suisse, seuls les cantons de Genève et de Zurich ont inscrit la langue des signes dans leur Constitution.
Mesures déjà prises
La Confédération et les cantons reconnaissent toutefois l'importance de la langue des signes au quotidien pour les personnes sourdes. Ils prévoient de nombreuses mesures pour promouvoir son utilisation ainsi que la participation sociale, culturelle et économique des personnes sourdes.
La loi sur l'égalité pour les personnes handicapées oblige les autorités fédérales à tenir compte des besoins des personnes sourdes et malentendantes, à garantir l'accès aux informations importantes en langue des signes et à prendre en charge les coûts d'interprétation pour les contacts avec l'administration.
L'accès à la télévision et au cinéma doit être facilité. Les services de relais SMS ou vidéo font partie des prestations de service public obligatoires.
L'assurance-invalidité encourage l'intégration professionnelle, notamment par le financement de l'interprétation en langue des signes. Les cantons, eux, doivent veiller à ce que les enfants et les jeunes malentendants puissent apprendre une technique de communication adaptée comme la langue des signes.
Plusieurs options
Le gouvernement présente par ailleurs les différentes options de reconnaissance juridique de la langue des signes. Celle-ci pourrait notamment se faire dans le cadre de deux accords du Conseil de l'Europe, la Convention-cadre pour la protection des minorités nationales et la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires.
Au niveau national, la reconnaissance pourrait se faire dans le cadre de la liberté de la langue, comme langue nationale, comme langue officielle ou semi-officielle de la Confédération. Des options qui auraient une valeur symbolique forte mais qui se heurteraient à des «obstacles politiques considérables». Ou encore comme langue à promouvoir.
Dans tous les cas de figure, le gouvernement s'interroge sur les bénéfices réels qui pourraient être obtenus. A ses yeux, une reconnaissance juridique des langues des signes n'est pas une condition impérative pour améliorer encore la participation à la vie en société des personnes sourdes et malentendantes.
L'approche actuelle s'apparente à une «reconnaissance de fait» de leur langue et de leur culture. Pour l'améliorer encore, les réglementations et les mesures actuelles constituent un cadre adapté. Le Département fédéral de l'intérieur devra renforcer le dialogue avec les organisations de personnes sourdes et les services compétents et évaluer les possibilités d'amélioration.
Déception
La Fédération suisse des sourds (FFS) s'est dite déçue par les conclusions de ce rapport. Ce document «donne plutôt un bon aperçu des problèmes des sourds et malentendants et des possibilités de reconnaissance juridique des langues des signes».
«Il est donc d'autant plus surprenant» que le gouvernement ne reconnaisse pas l'importance de la reconnaissance légale de la langue des signes et se passe d'un plan d'action concret, qu'exigeaient pourtant explicitement les auteurs des postulats.
A ses yeux, l'égalité des chances pour les personnes sourdes et malentendantes «ne doit pas dépendre uniquement de la bonne volonté de l'administration». Malgré les mesures fédérales et cantonales existantes, les personnes sourdes et malentendantes restent encore largement discriminées dans la vie quotidienne, note la FFS, dont le rapport annuel recense deux cas par semaine en 2020.
(ATS)