Au fond des océans se trouve un trésor de plusieurs millions de dollars. Des milliards de nodules, de croûtes et de pierres ressemblant à des pommes de terre recouvrent le fond de la mer. Ces formations renferment des métaux précieux et rares tels que le nickel, le cuivre et le cobalt, utilisés notamment dans la fabrication de batteries, de voitures électriques et de panneaux solaires.
Une entreprise fribourgeoise, Allseas, basée à Châtel-Saint-Denis, a jeté son dévolu sur ces richesses. Elle souhaite exploiter ces nodules en collaboration avec des partenaires étrangers dans le but de réaliser d’importants bénéfices.
Cependant, cette perspective suscite des inquiétudes. Jusqu’à présent, seules des recherches en eaux profondes ont été menées pour évaluer l’environnement marin et les conséquences potentielles de l’exploitation minière. Aujourd’hui, les entreprises souhaitent entamer l’extraction, mais il n’existe pas encore de règles régissant cette activité. Des États, des organisations non gouvernementales et des scientifiques s’opposent à cette exploitation, craignant les répercussions sur l’environnement.
Allseas veut démarrer rapidement
L’Autorité internationale des fonds marins (ISA) examinera prochainement une demande de moratoire, soutenue par la Suisse et son ministre des Affaires étrangères Ignazio Cassis, l’Allemagne, l’Espagne et les Pays-Bas. Allseas s’oppose à cette proposition, affirmant que la collecte des nodules en mer profonde est plus sûre et plus durable que l’extraction terrestre. Cependant, le Conseil fédéral suisse estime qu’il est nécessaire d’approfondir les connaissances scientifiques sur les conséquences de cette exploitation et de garantir la protection de l’environnement marin.
Selon Raphaël Mahaim, conseiller national vert vaudois, les études d’impact environnemental actuelles sont insuffisantes. Elles se limitent souvent à des zones géographiques restreintes. Pour lui, il est essentiel de mener davantage de recherches pour évaluer l’ampleur de la pollution causée par l’exploitation minière en eaux profondes.
En réalité, les entreprises qui espèrent bénéficier de ces précieuses ressources financent également la recherche. Jeroen Hagelstein d’Allseas avertit que demander un moratoire risque de compromettre les recherches demandées par les ONG.
La recherche menacée?
Erik van Doorn, chercheur au Geomar Helmholtz-Zentrum für Ozeanforschung à Kiel, en Allemagne, partage ces inquiétudes. D’un point de vue juridique, la recherche serait encore possible même avec un moratoire, mais il se demande si les entreprises continueront à investir dans ce domaine. Dans ce cas, il appelle les États à prendre le relais, une demande aussi formulée par Raphaël Mahaim, par ailleurs candidats au Conseil des Etats.
Attention toutefois. Il est incertain que les États parviennent effectivement à un accord sur un moratoire. Erik van Doorn suggère d’explorer d’autres voies, tels qu’une «pause préventive», en établissant des règles si strictes qu’elles rendraient l’exploitation minière en eaux profondes impossible. Affaire à suivre.