Peter Füglistaler, ex-fonctionnaire influent de la Berne fédérale, a dû répondre à des questions sur ses déclarations d'impôts ou sur ses antécédents judiciaires. Jusque-là, rien d'anormal: les contrôles de sécurité à la Confédération se doivent d'être stricts, estime celui qui a dirigé l'Office fédéral des Transports (OFT) pendant 14 ans.
Ce qu'il juge excessif en revanche, c'est le fait que l'activité en ligne de ses enfants ou encore la situation financière de son épouse aient été passées au crible. «S'il y a eu un point négatif dans ma vie de fonctionnaire en chef à la Confédération, c'était les contrôles de sécurité réguliers», écrit-il dans un message posté le dimanche 10 mai 2025 sur le réseau social LinkedIn.
Il explique avoir subi de tels contrôles à trois reprises, avec à chaque fois, le même constat accablant: «J'ai trouvé l'examen de la Confédération suisse indigne et amateur. Il pourrait être massivement allégé, sans la moindre perte de fiabilité», s'insurge Peter Füglistaler.
Une procédure absurde
Lors des deux premiers contrôles, Peter Füglistaler s’est vu poser exactement les mêmes questions que celles évoquées récemment par des sources anonymes dans un article de la SRF: fréquente-t-il des sites pornographiques ou entretient-il des relations extraconjugales? Contacté par Blick, l’ancien directeur de l’OFT confirme ces propos et précise qu’il n’est pas opposé par principe aux contrôles de sécurité visant les hauts fonctionnaires.
Ces vérifications, menées par la Chancellerie fédérale, visent à garantir l’intégrité et la fiabilité des collaborateurs de l’administration fédérale. L’objectif: s’assurer qu’ils ne puissent être soumis ni au chantage ni à la corruption, et qu’ils puissent agir en toute indépendance. Outre l’examen des documents personnels, les enquêteurs consultent également des données publiques et mènent différents entretiens.
Pour Peter Füglistaler, ces contrôles seraient acceptables s'ils remplissaient leur mission. Or, il y a de quoi sérieusement en douter, estime l'ancien haut fonctionnaire.
Il raconte notamment qu'un profiler a classé tous ses placements financiers au sein d'un tableau Excel pour y chercher de potentiels enrichissements inexpliqués. «Comme si quelqu’un allait déposer des pots-de-vin à sa propre banque et les déclarer ensuite au fisc», ironise-t-il. Il explique en outre que les questions étaient si intrusives et orientées qu’une mauvaise réponse aurait pu mettre en péril son poste.
La Chancellerie fédérale renvoie à la loi
Du soutien, Peter Füglistaler en trouve auprès de Nicoletta della Valle, ancienne cheffe de l’Office fédéral de la police (Fedpol). «Si j’avais eu quoi que ce soit à cacher, les enquêteurs ne l’auraient pas découvert», commente-t-elle sur LinkedIn.
Elle assure que de nombreux fonctionnaires sont passés entre les mailles du filet alors qu'ils consommaient régulièrement des drogues, trompaient leur partenaire ou mentaient à leur employeur. Son constat est le même que celui de Peter Füglistaler: «Soit ces contrôles doivent être allégés, soit ils doivent devenir plus professionnels.»
Interrogée par Blick sur ces critiques, la Chancellerie fédérale rappelle que cette procédure s'appuie sur une base légale claire. Celle-ci autorise la collecte de données sur le mode de vie des fonctionnaires interrogés. Les relations personnelles étroites, la situation familiale, l'état des finances, ou encore les liens avec l’étranger peuvent donc légitimement être passés au crible.
En cas de soupçon sérieux, d'autres aspects de la vie intime peuvent également être abordés, précise la Chancellerie. Celle-ci reste toutefois muette sur les raisons pour lesquelles les informations concernant les enfants et l’épouse de Peter Füglistaler ont été examinées.