Elles passent inaperçues, on les voit à peine, mais les cigarettes de contrebande ou de contrefaçon inondent la Suisse. Elles sont un problème croissant: au total, 300 millions d'unités ont été introduites sur le marché suisse l'année dernière, soit une augmentation de 50% par rapport à 2020. Cette quantité correspond à 15 millions de paquets de cigarettes. Pour les faire partir en fumée, il faudrait que 1000 personnes consomment un paquet par jour pendant 41 ans.
Le préjudice financier est considérable: l'année dernière, le fisc suisse a perdu 76 millions de francs d'impôts sur le tabac. C'est ce qu'écrit KPMG dans une étude à grande échelle sur la consommation illégale de cigarettes en Europe. Au total, la société de conseil a examiné 38 marchés européens. La plupart des cigarettes importées illégalement en Suisse proviennent du Kosovo (80 millions), de Serbie (20 millions) et du Portugal (10 millions). Plus de la moitié de la marchandise de contrebande n'a pas pu être clairement attribuée géographiquement. Les marques de contrebande les plus populaires sont Marlboro, Winston, Davidoff et Camel.
Alors que les ventes légales de cigarettes ont chuté de 9 à 7,5 milliards d'unités entre 2020 et 2024, la consommation de cigarettes illégales a augmenté de 50% sur la même période. La part de marché des cigarettes illégales s'élève à 3,5% de la consommation totale en Suisse, un chiffre relativement bas, mais qui a tendance à augmenter.
Une cigarette sur trois en France est contrefaite
Dans toute l'Europe, 52,2 milliards de cigarettes illégales ont été consommées en 2024 – ce qui correspond à une part de 10% du marché total. La France est particulièrement touchée: plus de deux milliards de cigarettes illégales de plus y ont été consommées en 2024 que l'année précédente. Chez notre voisin, plus d'une cigarette sur trois est contrefaite ou de contrebande. Avec une part de 37,6%, il occupe la première place en Europe. Avec des paquets dont le prix peut atteindre 13 euros, cela n'a rien d'étonnant. L'année dernière, le pays a perdu 9,5 milliards d'euros de recettes fiscales sur le tabac.
Le Royaume-Uni se situe lui aussi nettement au-dessus de la moyenne européenne, avec une part de 26%. Un paquet de Marlboro Gold coûte en Angleterre la somme faramineuse de 16,80 livres sterling, soit l'équivalent de 18 francs. En 2024, la consommation illégale a fait perdre 3,8 milliards de livres de recettes fiscales au fisc britannique.
Au total, selon KPMG, les autorités des 38 marchés étudiés ont perdu des recettes fiscales à hauteur de 19,4 milliards d'euros. Le marché illégal des cigarettes se compose à environ 60% de marchandises de contrebande et à 40% de contrefaçons. Des marques connues comme Marlboro ou Winston sont imitées dans des fabriques illégales, souvent en utilisant du tabac de mauvaise qualité et des ingrédients inconnus. Les risques pour la santé sont difficiles à évaluer en l'absence de tout contrôle de qualité.
La France et la Grande-Bretagne particulièrement attractives
Pour les organisations mafieuses, c'est un marché de plusieurs milliards. Les réseaux criminels opèrent de manière de plus en plus professionnelle: ils optimisent leur chaîne de création de valeur en rapprochant la production des marchés finaux. Cette délocalisation réduit les coûts de transport. Alors qu'une partie de la transformation continue d'être effectuée sur d'autres sites, la proximité des marchés cibles permet une exploitation plus efficace, indique l'étude.
Les réseaux ont amélioré les processus de production et s'adaptent aux marques particulièrement populaires afin de mieux répondre à la demande des marchés locaux et donc de gagner plus. En outre, les organisations continueraient à «affiner» leurs stratégies de stockage, écrit KPMG. Lors des descentes de police, on constate une nette diminution de la quantité de cigarettes illégales saisies. Cela indique que «ces groupes détiennent moins de stocks et accélèrent le processus de distribution». Cette approche réduit les besoins en fonds de roulement et diminue les risques opérationnels.
Leurs méthodes de distribution vont du transport par drones aux compagnies aériennes à bas prix, en passant par la vente directe via les médias sociaux et les plateformes en ligne. Le commerce de détail est ainsi de plus en plus souvent contourné, peut-on lire dans l'étude de KPMG. Cela pose d'importants défis aux forces de l'ordre. L'étude s'est également penchée sur l'influence des cigarettes légales, mais non locales. Il s'agit de produits du tabac achetés par exemple dans un pays où le prix des cigarettes est bas et importés dans d'autres pays. La Suisse, qui perçoit ses propres droits de douane, profite en partie du commerce hors taxes. Les exportations en direction de la France, de l'Allemagne et de l'Autriche ont augmenté de 13% l'année dernière.