La question de l'interdiction des manifestations pro-palestiniennes agite les villes alémaniques, peut-on lire dans une revue de presse du «Temps». De plus en plus de personnalités politiques y appellent à les interdire. Comme cela avait été le cas, durant plusieurs jours d'octobre du moins, à Zurich, Berne et Bâle. Dans le Canton de Zurich, c'est le ministre de la Sécurité Mario Fehr qui donne de la voix à ce propos.
Dans une interview à la «Neue Zürcher Zeitung» jeudi 9 novembre, l'ex-socialiste désormais sans parti appelle son homologue de la Ville Karin Rykart (Vert-e-s) à ne plus autoriser de manifestations pro-palestiniennes jusqu'à nouvel avis. En raison d'une montée de l'antisémitisme, il juge la tenue de tels rassemblements potentiellement dangereuse.
Actuellement, la ville de Zurich les autorise encore. L'une d'entre elles est par ailleurs prévue samedi. La Ville de Berne a quant à elle récemment statué sur la question: les autorités ont décidé d'interdire les grandes manifestations pro-palestiniennes, dès le 17 novembre et jusqu'à Noël. Seuls des rassemblements silencieux seront encore autorisés.
Mais qu'en est-il en Suisse romande? Depuis le début de la guerre entre Israël et le Hamas, Genève et Lausanne ont accueilli de nombreux militants pro-palestiniens. Aucune volonté d'interdire n'a pour l'instant été prononcée sur l'Arc lémanique.
Genève et son aura internationale
Au nord du Léman, le Département de la sécurité et des sports de la Ville de Genève renvoie la balle au Canton, c'est-à-dire au Département des institutions et du numérique (DIN), auquel la police cantonale est rattachée.
«La Ville se base toujours sur les préavis de la police, en fonction d'impératifs de sécurité, pour autoriser ou refuser une manifestation», écrit à Blick le chargé de communication de la Ville de Genève Cédric Waelti. Les décisions se prendraient au cas par cas, d'après le chargé de communication.
Laurent Paoliello, porte-parole du DIN, se veut pour sa part rassurant, mais ferme: «Toute manifestation doit pouvoir avoir lieu, quel que soit le sujet abordé, du moment qu'elle respecte le cadre légal suisse. Aucun appel à la haine ou à la violence, à l'antisémitisme ou à l'islamophobie n'est toléré.»
La Coordination intercommunautaire contre l'antisémitisme et la diffamation (CICAD) a pourtant alerté sur l'augmentation des actes antisémites, notamment dans les rues de la Cité de Calvin. Et le réseau Samidoun, classé comme «antisémite et extrémiste» en Allemagne, se réunirait désormais à Genève.
Une nouvelle marche samedi
Le DIN, organe cantonal genevois chargé de garantir l'ordre public, n'a «pas observé d’augmentation significative d’actes antisémites ou islamophobes, et n'a pas observé d'appel à la haine.» Le responsable de la communication du DIN invite quiconque est victime ou témoin d'une de ces situations «à dénoncer le cas, ou à porter plainte. Cela sera poursuivi d'office et nous pourrons ainsi vraiment prendre la température.» Une nouvelle marche estampillée «Free Palestine» est prévue ce samedi 11 novembre à 15h30 dans la Cité de Calvin.
Pour ce même Laurent Paoliello, le calme relatif dans sa ville est dû au statut particulier de Genève, et de la Place des Nations. «Les organisateurs de manifestations sont conscients qu'ils s'expriment dans une ville de paix et de dialogue accueillant les organisations internationales du monde entier. Quelle que soit la cause défendue, si la manifestation dégénère à cause de leur comportement inadéquat, ils desservent leur cause.» Il souligne le rapport de confiance s'établit entre les autorités et les manifestants, et ce «indépendamment de la thématique traitée.»
Pour Lausanne, les situations ne sont pas comparables
À l'autre bout du Léman, la Ville de Lausanne n'a pas reçu de demande de manifestation pour ce week-end. Aucune autorisation n'est en attente d'être validée, explique Amélie Nappey-Barrail, responsable de la communication de la Ville.
Comme pour son homologue genevois, l'heure n'est pas à la panique: «À part peut-être l'histoire de ce McDo recouvert de faux sang par des pro-palestiniens, il n'y a pas eu de heurts particuliers dans les manifestations. Pas comme à Berne, où des slogans antisémites ont, semble-t-il, clairement été entendus.»
Pour elle, il faut se garder de comparer les situations des villes alémaniques et romandes dans cette période compliquée, car toutes sont différentes. «Il est difficile de se positionner, car en fonction de l'évolution de l'ambiance globale, il peut y avoir un emballement d'un jour à l'autre.»
Au nom de la liberté d'expression, Genève et Lausanne ne veulent donc pour l'instant pas entendre parler d'une interdiction des manifestations spécifiquement pro-palestiniennes. Reste que la gestion de la problématique est pour l'instant à géométrie variable, d'un côté et de l'autre de la Sarine.