Le pire, c'est que c'est légal
On lui réclame 500 francs pour un resto… qu’il ne possède plus depuis 18 ans

Il y a 18 ans, Martin Hubler abandonnait la gestion de son restaurant. Aujourd'hui, la société suisse pour les droits d'auteur Suisa lui réclame de l'argent pour de la musique diffusée dans le même établissement... l'année dernière. Et cette démarche est bien légale.
Publié: 24.06.2025 à 21:59 heures
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Martin Hubler a reçu un courrier tout sauf agréable de la Suisa.
Photo: Marco Frauchiger
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Lukas Lippert

Nous sommes au mois de mai dernier. Lorsqu'il ouvre son courrier, Martin Hubler n'en croit pas ses yeux. On lui réclame 500 francs de droits d'auteur pour la musique de fond diffusée en 2024 dans son resto de Köniz (BE). Le seul souci, c'est qu'il a quitté l'établissement... il y a de cela 18 ans.

Affligé, le Bernois s'empresse de répondre à la Suisa, la société suisse pour les droits d'auteur musicaux, qui lui a adressé la facture. «D'où vous vient l'idée absurde que j'aurais encore quelque chose à voir avec ces établissements?», écrit-il.

La Suisa mise sur le principe de la déclaration

La Suisa est une coopérative qui veille à ce que les compositeurs, paroliers ou éditeurs touchent des droits d'auteur lorsque leur œuvre est utilisée en public. Rien d'étonnant donc à ce qu'elle s'intéresse à des établissements publics. Ce qui est surprenant, en revanche, c'est qu'elle ait pu remonter jusqu'à Martin Hubler. Comment est-ce possible?

La société fonctionne selon le principe de la déclaration. Autrement dit, lorsque des bars ou des restaurants consomment de la musique en public, ils sont tenus de le déclarer.

Action de mailing avec des adresses achetées

Le souci, c'est que de nombreux établissements «ne connaissent pas ou ne perçoivent pas» cette obligation de déclaration, explique Suisa au magazine «Beobachter». Pour faire face à ce problème, la société a acheté en juillet 2024 des «adresses d'utilisateurs potentiels de musique» qu'elle a ensuite contactés dans le cadre d'une «action de mailing ciblée».

Ces données ont été transmises par des fournisseurs commerciaux et ont toutes été tirées de sources accessibles au public. Elles ont ensuite fait l'objet d'un «contrôle de plausibilité». Chaque année, ces campagnes rapportent «plusieurs millions» de recettes supplémentaires à Suisa. Celles-ci sont en suite reversées à hauteur de 87% aux compositeurs, aux paroliers et aux éditeurs musicaux.

Parmi les adresses achetées figurait justement celle de Martin Hubler et de son ancien restaurant. Inscrit au registre du commerce de Berne en 1999, l'établissement est toujours en activité. Or, les données obtenues par Suisa ne font aucune mention du fait qu'il a cessé d'exploiter l'établissement en 2006 et ne contiennent aucune information concernant les nombreux gérants survenus par la suite.

«Je n'ai jamais reçu de mail, de facture ou de rappel sur la question. Ceux-ci ont probablement été envoyés à l'adresse du restaurant», explique Martin Hubler au «Beobachter». «Ce n'est qu'en mai que l'ordre de paiement a été envoyé à mon domicile par une agence de recouvrement (ndlr: une société chargée de gérer les factures impayées), raconte-t-il. C'est là que j'ai appris toute l'affaire et que j'ai immédiatement décidé de protester.»

Suisa maintient pour l'instant sa créance

Chez Suisa, le son de cloche est tout autre: la société indique que la facture est restée sans réponse «malgré plusieurs rappels», la créance a été transmise à l'agence de recouvrement en novembre 2024, écrit l'organisation de droits d'auteur. «A ce moment-là, nous n'avions pas connaissance d'une quelconque cessation d'activité.»

Suisa maintient donc sa créance, d'autant plus que celle-ci n'a été contestée que «bien après l'expiration du délai réglementaire». C'est maintenant à la société de recouvrement de décider si la facture est justifiée ou non, poursuit la coopérative. Dans l'intervalle, Suisa assure que Martin Hubler a été «retiré de notre système afin d'éviter de futurs envois».

Contactée, la société de recouvrement compétente, l'entreprise EOS Schweiz AG, ne partage pas la vision de Suisa. En effet, l'agence indique qu'aucune «solution à l'amiable» n'a pu être trouvée et que la créance a été retournée à la Suisa, à qui il revient de décider des suites à donner à cette facture.

Un article du «Beobachter»

Cet article a été publié initialement dans le «Beobachter», un magazine appartenant à Ringier AG, éditeur de Blick.

Cet article a été publié initialement dans le «Beobachter», un magazine appartenant à Ringier AG, éditeur de Blick.

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