Avec la réforme, le Conseil fédéral pouvait prendre lui-même des mesures de coercition, lorsque la sauvegarde des intérêts du pays l'exige. Contre des Etats, mais aussi des personnes et des entreprises. Le Parlement avait largement accepté de lui donner cette marge de manœuvre supplémentaire, à condition toutefois que les entreprises suisses ne soient pas désavantagées.
Les sénateurs ont donné leur feu vert vendredi matin. Mais au National, seuls le Centre et le PLR ont approuvé le projet.
Tout au long des débats, l'UDC a tenté de rejeter la révision, puis d'en systématiquement réduire sa portée. Craignant pour la neutralité helvétique, le parti estimait que les sanctions étaient «une arme de guerre» et faisaient de la Suisse une partie au conflit.
La gauche voulait aller plus loin
De l'autre côté de l'échiquier politique, la gauche voulait aller plus loin. Elle proposait que Berne puisse prendre des sanctions autonomes contre les personnes ou les entités impliquées dans des violations du droit international humanitaire ou des droits humains ou dans toute autre forme d'atrocités.
Le PS et les Vert-e-s, soutenus par le PVL, trouvaient que la Suisse devait «prendre ses responsabilités» et bénéficier d'une base légale pour «être à la hauteur de notre époque», pour pouvoir réagir aux violations des droits humains. Ils avaient notamment évoqué l'assassinat du journaliste saoudien Jamal Kashoggi.
Avec le rejet de cette révision, l'actuelle loi sur les embargos, en vigueur depuis 2003, continuera de prévaloir. La Suisse ne peut que reprendre des mesures décrétées par l'ONU, l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) ou encore ses principaux partenaires économiques comme l'UE. Si elle veut aller au-delà, le Conseil fédéral doit s'appuyer sur la Constitution.
Une procédure qu'il a suivie après l'annexion de la Crimée par Moscou, en interdisant en 2015 l'importation des armes à feu, de leurs composants, des munitions et des matières explosives par la Russie et l'Ukraine. Des mesures prolongées en 2019.
Le sujet va être à nouveau discuté
De telles ordonnances, limitées à quatre ans, ne peuvent toutefois être prolongées qu'une seule fois. Elles deviennent caduques si un projet établissant une base légale n'est pas présenté six mois après l'entrée en vigueur de leur prorogation. C'est pourquoi le gouvernement s'était mis à l'ouvrage. Le projet refusé datait d'avant l'invasion de l'Ukraine en février 2022.
Le sujet va cependant revenir sur la table. Le National a accepté jeudi une motion de commission demandant au Conseil fédéral de mettre en place une politique «cohérente, engagée et indépendante» en matière de sanctions. Le Conseil des Etats doit encore se prononcer sur ce texte.
(ATS)